Transformations durable et digitale : le double défi du retail
L'Union Européenne s'est donné pour objectif de réduire de 55% les gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990 et d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. L'ambition est forte. Elle engage de fait le monde de l'économie et les entreprises. L'enjeu pour celles-ci est de taille.
Mais cet enjeu offre aussi une opportunité unique pour les entreprises de concilier transformation durable et transformation digitale. Or, comme le révèle une récente étude mondiale d’Accenture, les entreprises qui combinent cette double mutation ont 2,5 fois plus de chances de faire partie des « leaders de demain ». L’année 2021 se présente comme le point de bascule idéal pour opérer cette transformation duale et devenir ce fameux « Twin Transformer » qui saura trouver de nouvelles sources de valeur à l'intersection des technologies numériques et de la durabilité.
Mais les effets de la pandémie n’ont pas affecté de la même manière tous les secteurs de l’économie et toutes les régions du monde. Les dirigeants de grandes entreprises, surtout européennes et nord-américaines, expriment ainsi des inquiétudes quant au rythme de la reprise économique et à leur capacité à atteindre leurs objectifs de croissance. C’est le cas notamment dans la distribution qui fait partie des secteurs ayant la plus grande proportion de « Falling Angels », autrement dit ces entreprises qui ont du mal à se remettre de la crise.
La technologie peut rendre les entreprises de la distribution plus durables
Un constat qu’il est difficile de ne pas associer au retard du « retail » en matière de transformation durable et digitale. Après les entreprises du voyage et de l’industrie, celles de la distribution sont en effet les plus à la traîne dans ces deux domaines. Et ce, alors que le marché de l'alimentation et de l'épicerie représente à lui seul 26 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Près d'un quart (24%) des émissions alimentaires proviennent d'aliments perdus dans les chaînes d'approvisionnement ou gaspillés et près des deux tiers de ces émissions (15% des émissions alimentaires) sont dus à des pertes résultant de mauvaises techniques de stockage et de manipulation, de défaut de réfrigération et de détérioration lors du transport et de la transformation. Les chiffres sont tout aussi peu flatteurs pour le marché de l’habillement. D'ici 2030, la consommation mondiale de vêtements devrait augmenter de 63 %, passant de 62 millions de tonnes aujourd'hui à 102 millions de tonnes. Déjà, l'industrie de la mode produit 20 % des eaux usées mondiales et 10 % des émissions mondiales de carbone.
Des défis qui ne sont pourtant pas insurmontables. La technologie peut être en effet un formidable accélérateur de la transformation pour rendre les entreprises de la distribution plus durables. Elle offre des outils extrêmement performants dans la gestion des déchets, l’évaluation des facteurs de risque sur la chaîne d'approvisionnement et la traçabilité des produits et des processus plus durables. Elle permet également l’analyse fine des attentes des clients et des données en points de vente et peut permettre l’impression de produits en 3D à grande échelle pour réaliser des modèles de production à la demande luttant ainsi contre le gaspillage. Une opportunité à saisir, d’autant plus que 65% des consommateurs sont prêts à dépenser plus pour avoir des produits plus durables.
Quelques règles et beaucoup d’imagination
Pour réussir cette double transformation, à la fois durable et digitale, quelques règles sont à respecter : favoriser les modèles commerciaux axés sur la durabilité et activés par la technologie, combiner les ressources pour adapter les applications technologiques à des pratiques durables, développer en interne une acculturation à cette double transformation au travers de KPI adaptés, associer ses fournisseurs à sa démarche de développement durable et enfin former les talents dans cette optique.
Récemment, Walmart a montré l’exemple en lançant, avec Schneider Electric, le programme Gigaton PPA, conçu pour informer les fournisseurs du géant de la distribution américaine sur les achats d'énergie renouvelable. Le projet vise à éviter l’émission d’une gigatonne (un milliard de tonnes) de CO2 par la chaîne de valeur mondiale du groupe d'ici 2030. Fin 2020, plus de 2 300 fournisseurs de 50 pays participaient au projet pour un total cumulé de 230 millions de tonnes d'émissions évitées depuis 2017, soit plus de 20 % de l'objectif. Walmart, pour sa part, s'est fixé pour objectif d'être alimenté à 50 % par des énergies renouvelables d'ici 2025.
Par le passé, la distribution a démontré à maintes reprises sa capacité d’adaptation et de résilience. La crise actuelle doit servir de sonnette d'alarme pour reconstruire à nouveau mais avec de nouvelles ambitions, celles d'être plus responsable envers les actionnaires, les employés et la planète.
*Le sujet sera développé pendant la conférence animée lors du salon Tech for Tetail par Laurent Thoumine (Managing Director Head of Retail in Europe chez Accenture et membre du Genius Board de Tech for Retail).
Tech for Retail - 30 novembre & 1er décembre 2021 - Paris
Cette tribune est co-signée par Laurent Thoumine, directeur exécutif Retail Europe chez Accenture et Karen Serfaty, co-fondatrice de Tech for Retail.