L'e-commerce BtoC sous les vents contraires
En période inflationniste, le comportement des e-acheteurs change : les ventes de services continuent de progresser alors que le chiffre d'affaires réalisé sur les ventes de produits, lui, stagne.
Si l'e-commerce continue de croître au premier trimestre 2023, les ventes de produits en BtoC sont, elles, en crise. Lors de la présentation de son baromètre de l'e-commerce français pour le premier trimestre 2023, la Fevad a dévoilé un chiffre d'affaires des ventes online en croissance de 20,2% à 39,2 milliards, essentiellement grâce aux voyages et au BtoB.
A y regarder de plus près, les ventes de produits BtoC accusent le coup : après une forte hausse pendant le Covid, elles subissent l'inflation. Pour François Momboisse, le président de la Fevad, l'impact de l'inflation est bien visible : "Quand les ménages dépensent 15% de plus pour l'alimentaire, ils n'ont pas l'argent pour le reste". Marc Lolivier, le délégué général de la Fevad, confirme qu'il y a "un arbitrage des consommateurs en faveur des services et de l'alimentaire. Le budget loisirs et voyage est préservé avec l'alimentaire".
La Fevad possède un panel iCE 100 composé de 100 sites de produits grand public, 15 sites d'e-voyage et 20 sites BtoB. Au premier trimestre 2023, les ventes des sites leaders aux particuliers reculent de -0,5%, -0,1% si on y ajoute les ventes des places de marché, quand les ventes aux professionnels progressent de 4,8% et celles de voyage de 36%.
"L'impact sur la consommation est clair. L'écart se creuse entre les ventes de produits et de services", souligne Marc Lolivier. Pour François Momboisse, "avant, la répartition entre produits et services était de 50/50, aujourd'hui les catégories et les comportements d'achat ont changé".
Le chiffre d'affaires des ventes de produit n'a donc pas évolué sur un an et le nombre de commandes est en régression de -4 à -3% sur les trois premiers mois de 2023 par rapport à la même période un an avant. Si les produits de grande consommation (PGC) progressent bien de 10,5% sur un an, les e-acheteurs ont réduit leurs achats dans certaines catégories : la catégorie meuble décoration stagne à +1%, l'habillement et la beauté sont en recul de respectivement 3 et 4% et les produits techniques de 11%.
Au global, en prenant les données du panel iCE100 et celles du PSP, c'est-à-dire les données collectées sur 200 000 sites marchands par les plateformes sécurisées de paiement, quand l'e-commerce progresse de 16% sur les 12 derniers mois, les produits eux ont reculé de 4%.
L'alimentaire pèse lourd dans les dépenses
Dans ce contexte inflationniste, le commerce de détail résiste même mieux que l'e-commerce, l'alimentaire y étant bien plus élevé que dans l'e-commerce. Sur les trois premiers mois de l'année, le commerce de détail progresse de 3,8% sur un an contre 1% pour l'e-commerce de produit.
L'augmentation des prix de l'alimentaire joue donc bien sur ces résultats : l'inflation sur les PGC est estimée à 14% en France par NielsenIQ, environ 16% sur les produits du quotidien. En Europe, le chiffre d'affaires de l'e-commerce alimentaire a reculé de 4,3% (-11,8% au Royaume-Uni). Dans l'Hexagone, les volumes des PGC dans l'e-commerce sont en recul de 4,9%, le chiffre d'affaires est lui en croissance de 10%.
Pour Daniel Ducrocq, le vice-président distribution Europe de NielsenIQ, "les discounters comme Lidl et Aldi performent en ce moment, ce qui pénalise le marché de l'e-commerce". En effet, les enseignes premiers prix sont beaucoup moins présentes en ligne. "Le consommateur a aussi tendance à fractionner ses achats : les consommateurs font de plus en plus souvent leurs courses pour des paniers plus petits. Ils achètent la juste quantité", continue-t-il. L'assortiment proposé est aussi en régression, les enseignes rationalisent leur offre, avec un nombre de références en chute de 7% dans l'e-commerce, ce qui ne favorise pas le marché online.
D'après la Fevad, le panier moyen a progressé de 10% au global, de 62 à 68 euros sur la même période en un an. Celui des services a augmenté de 15% en valeur à 76 euros . La hausse du panier moyen tient donc surtout à l'augmentation du panier moyen dans les services : "Le montant moyen des transactions de produits (58 euros de panier moyen, ndlr) reste stable dans ce contexte inflationniste, ce qui induit des arbitrages de consommation sur certains produits", souligne la Fevad. "Les nombres de commandes sont en régression sur les produits. Nous croyons à de la stabilité mais pas à un retour à la croissance, cela va varier en fonction des secteurs. L'e-commerce reste du commerce, il dépend surtout de la consommation globale", conclut Marc Lolivier.