DPP : ce que les marchands attendent du passeport numérique des produits

DPP : ce que les marchands attendent du passeport numérique des produits Enjeu de communication, de concurrence, de calcul des indices… Alors que les lignes du passeport numérique des produits sont encore floues, les e-commerçants nourrissent trois principaux espoirs.

Les contours du passeport numérique des produits sont débattus en ce moment à Bruxelles. Baptisé Digital Product Passeport (DPP), il entrera en vigueur pour le textile, les batteries et les produits électroniques à partir de 2027. Le JDN a interrogé les e-commerçants et associations interprofessionnelles qui suivent de près les discussions au niveau européen pour connaître leurs attentes.

1. Le DPP comme outil de communication

Les marchands semblent unanimes : le passeport numérique des produits doit devenir un outil central pour les consommateurs, pas seulement une solution à destination de la police des douanes. "Les consommateurs ont besoin d'une information fiable sur les produits, avance Cécile Barateau, directrice des affaires publiques chez Cdiscount. Les enjeux de lisibilité pour le consommateur sont au cœur de nos préoccupations parce qu'il y a énormément d'informations précontractuelles obligatoires". Selon elle, l'enjeu est d'autant plus important qu'en e-commerce, la majorité des achats se font sur mobile.

Une position partagée par Zalando : "Le DPP doit aider les consommateurs à faire des choix plus éclairés en facilitant l'accès à des informations complètes", partage un porte-parole. Selon Ecommerce Europe, le vœu de certains acteurs irait encore plus loin : "Une partie des e-commerçants désirent, quitte à adopter le DPP, y mettre des informations au-delà des exigences réglementaires sur des initiatives personnelles, détaille Margherita Corsaro, chargée d'affaires publiques pour l'association interprofessionnelle. Il y a aussi un jeu d'influence de certains acteurs pour tenter d'inclure des éléments supplémentaires dans les informations légales".

Bonne nouvelle pour les e-commerçants, les expérimentations européennes vont dans ce sens. "Les réponses ne se trouvent pas dans le texte mais dans CIRPASS 1 et 2, des projets pilotes cofinancés par la Commission européenne", partage Margherita Corsaro. L'idée du groupe de travail, dont fait partie Zalando, est de visualiser une première interface du DPP. "La réflexion porte actuellement sur la séparation entre les exigences législatives et les autres informations qui pourraient être ajoutées, pour tout soit clair pour le consommateur, confie la chargée d'affaires publiques pour Ecommerce Europe. Il n'y a pas de volonté d'interdire toute prise de parole des acteurs dans le DPP". Conformément aux désirs des marchands, le passeport numérique ne sera pas une étiquette purement légale.

2. Etablir une concurrence équitable

Le deuxième souhait du e-commerce est encore un peu plus ambitieux : le DPP doit participer à une concurrence équitable avec les marketplaces asiatiques, telles que Shein ou Temu. Sur le papier, le vœu apparait comme déjà exaucé. "Quel que soit le pays d'origine du produit, le DPP s'applique dès que ce dernier est distribué en Europe", rappelle Margherita Corsaro, chargée d'affaires publiques pour Ecommerce Europe. "Dans un récent appel à des mesures plus sévères à l'encontre des acteurs du e-commerce non-conformes avec le droit européen signé par six pays de l'UE, dont la France, le DPP est cité comme une étape cruciale pour mieux identifier les lacunes et préserver des conditions de concurrence équitables sur le Marché Unique", appuie Zalando.

"Les ressources allouées sont identiques pour plus de réglementations".

Mais dans les faits, le respect des règles par tous les acteurs s'annonce complexe. Il est aisé d'imaginer que les marketplaces d'ultra fast-fashion ne se prêteront pas volontiers au jeu (le DPP visant à indiquer la durabilité des produits). En réaction, l'Europe n'aura certainement pas les moyens de les y obliger. "Il y a déjà des problèmes pour faire respecter les lois existantes, constate Margherita Corsaro. Les ressources allouées sont identiques pour plus de réglementations, et nous ne voyons pas de nouvelle approche à la mise en œuvre des règles". La chargée d'affaires publiques reconnait qu'il est d'autant plus compliqué de poursuivre des entreprises sans siège établi en Europe.

3. Conserver les modes de calculs

Au-delà des acteurs européens, les e-commerçants français ont aussi leur propre revendication. Pour eux, les modes de calculs applicables dans l'Hexagone pour les indices de réparabilité, de durabilité sur les produits électroniques, et du futur affichage environnemental sur le textile devront être conservés pour le DPP. Depuis 2021 avec la loi Agec, les vendeurs de produits électroniques en France sont déjà soumis à un affichage d'un indice de durabilité et de réparabilité. "Nous avons beaucoup travaillé pour la mise en œuvre de ces indices, justifie Cécile Barateau, directrice des affaires publiques chez Cdiscount. De plus, les clients ont commencé à s'habituer à ces étiquettes. Nous espérons que le passeport va prendre en compte l'existant, sans que nous ayons à repartir de zéro".

Par chance, si la France a un temps d'avance sur la législation européenne, elle est également un exemple pour l'UE. "Je pense qu'il y a de bonnes chances que ces modes de calculs soient conservés, indique Margherita Corsaro. La loi Agec est très influente dans les débats législatifs en Europe". En effet, la loi Agec a d'ailleurs récemment influencé des actes délégués dans le contexte du règlement pour l'éco-conception. En particulier sur l'interdiction de détruire les invendus et les dérogations à définir. "Pour les acteurs de la seconde main, qui n'ont pas d'autres alternatives que de détruire, il a été défini qu'il fallait au moins trois lettres de rejet pour des donations, des réparations…, explique la chargée d'affaires publiques. Pourquoi trois lettes ? C'est ce qu'avait défini la loi Agec dont l'Europe a repris la mesure". Les e-commerçants français peuvent avoir bon espoir que leur souhait se réalise. Ils seront fixés d'ici janvier ou février quand sera publié le deuxième rapport européen JRC.