Réindustrialisation : la France doit se reprendre en main
La France doit réindustrialiser pour retrouver sa souveraineté économique, perdue après des décennies de désengagement industriel. Il s'agit d'un enjeu vital et culturel.
Il y a des chiffres qui claquent et qui font mal. En quarante ans, la part de l’industrie dans le PIB français a fondu de 24 % à 10 %. Dans le même temps, notre déficit commercial, abyssal, a dépassé les 100 milliards d’euros. Pendant que l’Allemagne, la Corée du Sud ou même l’Italie investissaient dans leurs outils productifs, la France, a fait l’erreur de ne miser que sur les services et l’économie « dématérialisée ». Nous avons sacrifié l’acier, la chimie, l’automobile, l’électronique, une partie de l’aéronautique sur l’autel d’une mondialisation que l’on a cru naïvement conçue pour être gagnant-gagnant. Résultat : nous sommes devenus aujourd’hui totalement dépendant des autres. À la moindre crise, qu’elle soit sanitaire, énergétique ou géopolitique, notre fragilité éclate au grand jour. Masques chinois, batteries coréennes, puces électroniques taïwanaises, médicaments indiens, nous avons perdu notre souveraineté sur de nombreux sujets.
Une illusion dangereuse
On nous a longtemps expliqué que l’industrie était dépassée, que la « start-up nation » nous propulserait vers l’avenir. Erreur stratégique et tragique. Aucune grande puissance n’a bâti sa prospérité sur la seule finance ou les services numériques. Les États-Unis ont réindustrialisé à marche forcée pour lutter contre le monstre chinois. L’Europe, de son côté, en parle beaucoup mais n’agit quasiment pas. Pendant que Bruxelles disserte sur les taxes vertes, Pékin et Washington verrouillent leurs chaînes de valeur et produisent. Et la France, comme toujours, discutent, hésitent, dissertent…
Réindustrialiser, c’est reconquérir la liberté
Car on parle bien de liberté. Une nation qui ne produit pas ce qu’elle consomme n’est plus libre. Une nation incapable de fabriquer ses propres médicaments, ses propres turbines, ses propres composés, ses propres vêtements, ses propres armes s’expose à l’humiliation stratégique. Croire que le marché mondial suffira à nous sauver si nous avons besoin de nous approvisionner, c’est ignorer les leçons du Covid et de la guerre en Ukraine. Dès que les vents se lèvent, chacun ferme ses frontières et garde ses stocks. La naïveté française, nous coûte cher, nous coûte très cher.
Réindustrialiser n’est pas un caprice de souverainiste, c’est une nécessité vitale. Et il ne s’agit pas de ressusciter l’industrie des années 70, mais de bâtir nos usines du futur : robotisée avec une dose d’l’IA, innovante. L’industrie verte, la filière hydrogène, la pharmaceutique, l’aérien et l’aérospatiale, l’automobile, la recherche et développement, les machines pour la santé, le nucléaire de nouvelle génération : voilà nos champs de bataille. Encore faut-il avoir la volonté d’y aller.
Changer de logiciel
Pour y parvenir, la France doit rompre avec son logiciel anti-industriel. Trop de normes, trop de lenteurs, trop de taxes : bâtir une usine relève encore du parcours du combattant. En France, un entrepreneur est condamné à l’exploit, rien que pour inaugurer sa nouvelle entreprise avant même de produire quoique ce soit. Pendant qu’en Asie on ouvre une gigafactory en dix-huit mois, il faut environ cinq ans pour poser la première pierre sur le territoire français. Cette bureaucratie nous coute cher. Déjà puisqu’elle est financée par nos impôts mais qu’en plus elle tue l’initiative et décourage les investisseurs. Il est temps de simplifier, de raccourcir et, d’assumer le risque. De cesser aussi de diaboliser le capital. Sans capitaux privés, sans grandes entreprises, il n’y aura plus d’usines. Et sans usine, il n’y aura plus d’emplois. Car croire que l’on ne peut vivre qu’avec des entreprises de service est une utopie. À force de les accabler de prélèvements et de suspicion morale, nous les poussons à fuir ailleurs. Nous enrichissons les autres pays. Nous les enrichissons car nos savants, nos sachants, nos entrepreneurs, nos chercheurs préfèrent construire à l’étranger.
L’État, lui, doit jouer son rôle de stratège. Protéger les filières critiques, sécuriser l’accès à l’énergie, investir dans la recherche, garantir des infrastructures performantes, simplifier les démarches, alléger la pression fiscale. L’Allemagne, les États-Unis, la Chine le font depuis des décennies. L’Italie s’y est remis depuis quelques mois.
Un enjeu de civilisation
Réindustrialiser, ce n’est pas seulement produire des biens. C’est restaurer une culture de l’effort, du savoir-faire, de la transmission, de la fierté nationale. C’est redonner un avenir aux territoires délaissés, offrir des emplois stables à une jeunesse qu’on a trop longtemps condamnée aux emplois précaires ou aux guichets administratifs. C’est aussi renouer avec une certaine idée de la France : une puissance qui crée, qui invente, et qui ne se contente pas d’acheter.
Nous sommes à la croisée des chemins. Soit nous continuons à vivre dans l’illusion post-industrielle, et nous deviendrons une société de consommateurs assistés, dépendante des géants étrangers. Soit nous acceptons l’effort, l’investissement, et nous redevenons une nation maîtresse de son destin.