Cœur artificiel : un espoir pour des millions de malades

Après 15 années de recherche, le professeur Carpentier et son équipe ont mis au point le premier prototype de cœur 100% artificiel. Un moyen de pallier la pénurie de greffons. Explications.

Chaque année, 120 000 Français apprennent qu'ils sont atteints d'une maladie du cœur. On compte près de 6 millions de personnes souffrant de troubles cardiaques en Europe ; en 2020, il y en aura le double. Mauvaise hygiène de vie, stress, tabac expliquent en partie, outre les facteurs génétiques et congénitaux, l'augmentation de ces pathologies. Les hommes sont sensiblement plus susceptibles de développer de tels dysfonctionnements : infarctus, anomalies des valves cardiaques, faiblesse des muscles cardiaques...

De nombreux traitements thérapeutiques existent pour pallier les déficiences du cœur : médicaments, pacemaker, reconstruction ventriculaire, injection de cellules... Parfois, quand aucun ne fonctionne et que le pronostic vital du patient est engagé, la greffe est l'ultime recours. Mais un cruel constat s'impose : le nombre de greffons diminue drastiquement depuis des années. Il en manquerait près de 10 000 en Europe et 20 000 dans le monde. Conséquence : 20 000 malades décèdent, rien qu'en France, faute de greffe.

Quinze ans de recherche récompensés

 

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Image du cœur artificiel mis au point par le Pr Carpentier et son équipe. © Carmat SAS

Révolté par ces morts qui auraient pu être sauvés, l'éminent Professeur Alain Carpentier, directeur du Laboratoire d'études des greffes et prothèses cardiaques de l'Hôpital européen Georges Pompidou à Paris, a travaillé d'arrache-pied sur la conception d'un cœur artificiel avec son équipe hospitalière mais avec également des ingénieurs d'EADS, entreprise d'aéronautique et du secteur de la défense. "Ils sont les spécialistes en matière de technologie de pointe et de matériaux" explique le Professeur Carpentier auprès de nos confrères du journal "Les Echos".

Père des bioprothèses valvulaires, Alain Carpentier connaît les difficultés auxquelles il doit se confronter pour l'élaboration de ce cœur artificiel : la coagulation du sang et l'hémodynamique, les flux du sang à l'intérieur du corps. Les ingénieurs d'EADS apportent leur savoir-faire en proposant des matériaux révolutionnaires empêchant la formation de caillots dans le coeur et permettant la modulation des flux sanguins. Les greffés pourront ainsi vivre une vie normale et fournir des efforts plus intenses que la simple marche.

1,2 kilo de technologie de pointe

 

Coller en tout point à l'organe originel, voilà le concept du cœur artificiel. L'anatomie de cette invention présente la même apparence avec deux ventricules bien distincts, un gauche et un droite, chargés de pomper le sang vers le reste du corps et les poumons. Les débits sanguins diffèrent dans ces ventricules, des capteurs électroniques de pression seront responsables de cette gestion.

Avant l'élaboration de cette architecture, de nombreuses études par scanner ont été effectuées afin de définir la place disponible dans le thorax. Mais avant l'intervention chirurgicale, le médecin sera chargé de vérifier la compatibilité de la prothèse avec l'anatomie de son patient.

Question : comment ce cœur va-t-il battre ? Des batteries rechargeables internes et externes vont apporter l'énergie nécessaire au fonctionnement de la prothèse. Le point d'alimentation électrique se fera au niveau du crâne, derrière l'oreille, ce qui évitera les infections.

Une amélioration de la qualité de vie des greffés

 

Le Professeur Carpentier a déjà fait valoir son expérience en élaborant les prothèses valvulaires, il récidive ici avec son cœur artificiel. Quel que soit le groupe HLA du patient -son histocompatibilité-, le greffon ne peut en aucun être rejeté car les matériaux utilisés sont inertes. Elaborés dans des matériaux biosynthétiques, microporeux, la prothèse cardiaque est transplantable à tous les malades et ne nécessite plus aucune prise d'anti-coagulants à vie pour le greffé, ni d'immunosuppresseurs. Cette technologie mise en place évite toute thrombose, c'est-à-dire la formation de caillots sanguins dans le cœur.

Les patients pourront aussi vivre normalement et monter des escaliers sans difficulté ; la prothèse va s'adapter automatiquement suivant la demande physiologique grâce à un système électronique dernier cri.

La toute jeune entreprise biomédicale Carmat SAS, née de la collaboration d'Alain Carpentier avec EADS, a pour objectif maintenant d'industrialiser le prototype et surtout de réduire le poids de la prothèse à 900 grammes. La durée de vie estimée de celle-ci est estimée à environ 5 ans. Les premiers modèles devraient être transplantés chez l'homme d'ici 2 ans après accord de l'Afssaps, Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.