La sécurité connectée, cheval de Troie de Thales pour envahir la smart city
Le géant français de l'électronique appliquée à la défense et au transport propose deux solutions dédiées à la ville intelligente. Objectif : s'imposer sur la durée en agrégeant toutes les datas.
De la sécurité connectée à la ville intelligente, il n'y a qu'un pas pour Thales. Forte de son expérience dans la défense, la multinationale française compte aujourd'hui mettre son savoir-faire au service des collectivités. "La sécurité représente aujourd'hui pour nous plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires annuel et toute notre offre sur ce marché a vocation à devenir une brique de la smart city", affirme Pierre Cunéo, vice-président en charge des activités systèmes de protection de Thales.
Thales a installé 15 000 caméras connectées à Mexico
C'est à Mexico, où le groupe a signé un contrat il y a maintenant sept ans, que Thales a mis au point sa solution Safe City. "Nous avons passé deux ans à discuter avec les autorités locales pour mettre au point ce projet. C'est une phase pendant laquelle nous n'avons pas gagné beaucoup d'argent mais qui nous a permis de définir très précisément notre stratégie", explique-t-il. Concrètement, 15 000 caméras connectées, en plus des 7 000 qui était déjà opérationnelles dans le métro, ont été installées dans les rues de la capitale mexicaine. Le tout pour une centaine de millions d'euros, sans compter le contrat annuel de maintenance.
Le système de Thales fusionne au sein d'un poste de commandement centralisé les images captées avec les données relatives aux appels d'urgence. Depuis ce centre, les treize unités d'intervention (forces de l'ordre et secours d'urgence) de la ville, ont accès aux logiciels de video analytics de l'entreprise tricolore et se partagent les informations en temps réel. "Le temps moyen d'intervention est passé de 12 à 2 minutes 10. En cinq ans, la criminalité a été réduite de 56% et les primes d'assurance en moyenne de 30%, ce qui a considérablement renforcé l'attractivité économique de Mexico", assure Pierre Cunéo.
"A Mexico, la criminalité a été réduite de 56% et les primes d'assurance en moyenne de 30% en cinq ans"
Lors de grands évènements comme le pèlerinage de Notre-Dame de Guadalupe, qui réunit chaque année 15 millions de personnes, des camions connectés à la plateforme Safe City où chaque unité, police, pompiers et médecins, était représentée, ont été placés sur tout le parcours du cortège. Elles avaient même à disposition des drones de surveillance.
De cette offre, qu'Abidjan en Côte-d'Ivoire est en train d'adopter, est née une ambition plus grande chez le vice-président en charge des activités systèmes de protection de Thales : "Il faut désiloter tous les services publics fondés sur la donnée. La vraie smart city c'est quand l'ensemble de ces data sont fusionnées pour faire du big data et du good data, créateur de valeur pour les collectivités. C'est-à-dire que chaque donnée gagne de la valeur à chaque fois qu'elle est confrontée à une autre." La société a donc créé City Top, une plateforme qui récupère, traite et agrège en temps réel toutes les données d'une ville pour permettre à ses autorités de prendre les meilleures décisions au bon moment.
"Une grande ville du Golfe nous a demandé de mettre en relation les données temps réel de l'ensemble de ses modes de transport"
Thales imagine de nombreuses briques applicatives qui pourront venir s'ajouter à la sécurité intelligente grâce à City Top. Le groupe compte notamment utiliser son expérience dans le transport. Il fournit par exemple à la ville Strasbourg et au conseil général de Seine-Saint-Denis un système capable d'identifier des zones de congestion et d'aider à la décision des opérateurs à partir des données récupérées par les capteurs installés sur le réseau ou les caméras. "Une grande ville du Golfe que je ne peux pas encore citer nous a déjà demandé de mettre en relation les données temps réel de l'ensemble de ses modes de transport. Pour par exemple pré-positionner des bus à la sortie des stations de métro lorsqu'il est en panne", explique Pierre Cunéo.
La multinationale de la défense s'éloigne donc de ses compétences historiques pour petit à petit s'ouvrir à de nouveaux métiers. Selon son vice-président, City Top doit être capable de tirer le meilleur de toutes les technologies de la smart city, même celles de ses concurrents, et créer un écosystème ouvert. "Que cela soit pour des données e-santé, de l'e-administration, des smart grids, du smart lighting ou encore de la smart water, nous sommes en discussions avancées avec des partenaires comme Huawei et Cisco. EDF et Siemens nous ont aussi approchés sur l'éclairage intelligent, nos compétences intéressent les grands énergéticiens comme RTE."
"Nous voulons nous inscrire dans une logique incrémentale sur plusieurs dizaines d'années"
Mais pour proposer cette plateforme globale, encore faut-il des communes réceptives et qui en ont les moyens. "Pour l'instant pas une ville ne demande de tout mettre en réseau. Nous avons des appels d'offre en cours en France, notamment dans le sud-est du pays, et à Marseille, où un contrat de 1,5 million d'euros est à la clé. Tout cela ne concerne que la sécurité. Les budgets des villes ne permettent pas encore d'aller plus loin."
Pierre Cunéo n'en reste pas moins confiant : "Aujourd'hui les communes ont des besoins plus segmentés et il faut y répondre rapidement. Mais nous avons en tête de nous inscrire dans une logique incrémentale sur plusieurs dizaines d'années pour arriver à terme à cette fusion totale des données."