A Marseille, une carte dopée aux données pour gérer l'espace public
Cette carte détecte automatiquement les incompatibilités entre les événements organisés dans la ville et vérifie que des mesures ont été prises pour assurer leur déroulement.
Concerts, rencontres sportives, manifestations… Il n'est pas toujours simple pour les collectivités de s'y retrouver dans cette foule d'événements, auxquels il faut ajouter les travaux publics, qui peuvent parfois se superposer alors qu'ils sont incompatibles les uns avec les autres. Et pour compliquer le tout, les données relatives à chacun d'entre eux se trouvent dans des services municipaux différents, quand elles ne sont pas chez d'autres institutions. Pour tenter d'y voir plus clair, la mairie de Marseille s'est lancée fin 2017 dans le développement et l'enrichissement d'une plateforme big data qui recense sur une même carte toutes les informations nécessaires à la gestion de l'espace public. Sa base est fournie par Oracle, tandis qu'Ineo (filiale d'Engie) a permis son déploiement et l'agrégation des données. Elle est opérationnelle depuis la mi-août 2019.
Pour en en arriver là, la cité phocéenne a injecté treize jeux de données sur sa plateforme. La plupart proviennent de ses services, comme les événements culturels ou sportifs, les marchés, les arrêtés municipaux (stationnement, circulation), les permis de construire, les signalements des habitants, ou encore les tournages. D'autres données sont fournies par la police municipale : ses ordres de mission et rapports d'activité, ainsi que les atteintes (aux personnes, aux biens, à l'environnement…) et les infractions (circulation, stationnement) qu'elle constate. La préfecture de police des Bouches-du-Rhône fournit pour sa part ses données sur les manifestations qui lui ont été déclarées et les visites officielles de dignitaires français ou étrangers.
La plateforme récolte des données actuelles et futures, mais a aussi constitué un historique de ces informations. Les jeux de données les plus vieux remontent jusqu'en 1998, d'autres seulement quelques années en arrière. Au total, plus de 100 000 événements et 2,4 millions de faits (atteintes et infractions) sont répertoriés. Leur acquisition quotidienne se fait soit manuellement, soit via des remontées automatiques de données via des interfaces de programmation (API).
Grâce à cet amas d'infos, la plateforme est en mesure de proposer différentes fonctionnalités. La première consiste à identifier "les incompatibilités d'événements connus au regard de leur impact sur l'espace public. Cela nous montre des informations transversales que nous ne pouvons pas voir avec notre cerveau humain", explique Caroline Pozmentier, adjointe au maire en charge de la sécurité publique. La ville a accès à une cartographie de son territoire pour chaque journée, qui va mettre en évidence ces incompatibilités. Par exemple, si un marché se tient au même moment et au même endroit qu'une manifestation, ou si un cortège passe sur une zone en chantier.
Ces croisements servent aussi à vérifier que toutes les dispositions ont bien été prises pour préparer l'organisation d'un événement. "Est-ce que la ville est en capacité de sécuriser et d'organiser la circulation ? Les arrêtés municipaux ont-ils été pris ?", illustre Caroline Pozmentier. Là aussi, une alerte est émise en cas de manquement. L'historique remontant à plusieurs années permet en outre de savoir comment se sont déroulés des événements auparavant, afin d'anticiper des problèmes rencontrés par le passé.
La carte compare la zone de couverture des caméras avec les tracés des manifestations
L'autre grande fonctionnalité de cette cartographie concerne la vidéosurveillance. Marseille fait partie des villes les plus équipées en France, avec 1 300 caméras. Elle peut désormais voir la position de chacune d'entre elles, et surtout, le rayon qu'elles peuvent observer. Ainsi, il est possible de comparer la couverture des caméras avec le tracé d'une manifestation ou la localisation d'un événement, afin d'identifier rapidement les trous dans le gruyère de la surveillance et d'adapter le dispositif. Des informations qui guideront également les futures installations de caméras, par exemple en croisant leur couverture actuelle avec la localisation des différentes infractions recensées par la police.
Maintenant que la plateforme est déployée en conditions réelles, Marseille recevra fin septembre de premiers résultats quantifiables sur les progrès qu'elle aura permis dans la gestion de l'espace public. La ville souhaite aussi la garnir de nouveaux jeux de données comme la météo, les transports, les événements organisés sur les réseaux sociaux (Facebook en particulier) ou encore les flux de déplacements enregistrés par les opérateurs téléphoniques. Ce projet représente un budget d'1,5 million d'euros, dont seulement 300 000 déboursés par la mairie, le reste étant financé par le département et l'Union européenne, à hauteur de 600 000 euros chacun. Pas si cher pour y voir plus clair.