Le secteur du spatial met sur orbite une marketplace de données satellitaires
Les acteurs français comme Thales, Airbus ou Dassault Systèmes préparent ainsi la monétisation accrue des données spatiales, permise par les progrès des satellites et de l'intelligence artificielle.
Historiquement cantonnées à quelques industries comme la défense et la météorologie, les données satellitaires vont s'immiscer partout. Qu'il s'agisse de la finance, de l'assurance, de la logistique ou encore de la protection de l'environnement, de nombreux domaines d'applications peuvent tirer profit des données captées par les satellites et leurs batteries de capteurs.
Une conjonction de trois facteurs va permettre ce déferlement de données spatiales sur Terre. D'abord, la précision des satellites, c'est-à-dire la taille de l'élément le plus petit qu'ils peuvent capter, s'est grandement améliorée. Ensuite, la fréquence de survol de la Terre par les satellites ne cesse de se renforcer, rendant l'accès à leurs images plus facile et moins cher. Enfin, les progrès de l'intelligence artificielle permettent d'analyser les gigantesques territoires captés par les satellites, de reconnaître les différents éléments qui les composent (bâtiments, villes, nature, véhicule, cours d'eau…) et d'en tirer automatiquement des enseignements, une tâche qui serait bien trop chronophage si elle était effectuée par des humains.
Sortir du cercle des habitués
Le secteur du spatial se prépare donc à une marchandisation accrue des données produites par les satellites en les proposant bien au-delà du cercle des habitués. Pour y arriver, un projet de marketplace de données spatiales est en cours de développement sous la houlette du Centre national d'études spatiales (Cnes), avec de grands noms du secteur comme Airbus, Thales et Dassault Systèmes (une filiale du groupe Dassault, propriétaire du Groupe Figaro-CCM Benchmark, éditeur du JDN, ndlr). La région Occitanie, qui abrite les fleurons français de l'aérospatial, participe également via son groupement d'intérêts économiques Occitanie Data, qui travaille beaucoup sur le partage de données entre les entreprises de son territoire. La plateforme est fournie par la start-up française Dawex, spécialiste des solutions d'échanges de données. Les participants ont été sélectionnés via un appel à projets organisé par le Cnes, puis ont constitué un consortium.
Concrètement, la marketplace permettra aux entreprises de proposer un catalogue de leurs données pour les vendre à d'autres entreprises intéressées, le tout avec un système de facturation unique, et l'assurance de respecter les différentes législations en vigueur, grâce à l'expertise de Dawex dans ce domaine. Elle assurera aussi le partage des données dans un environnement sécurisé. La marketplace doit également permettre aux vendeurs de données de trouver de nouveaux clients avec lesquels collaborer sur des projets. Car la quantité de données produites par les satellites est telle que les acteurs du spatial ont besoin des entreprises d'autres secteurs pour comprendre lesquelles ont de la valeur dans d'autres industries. "Les données d'observation des satellites ne se suffisent pas à elles-mêmes, il faut les croiser avec d'autres environnements de données, par exemple d'intelligence économique, démographiques ou environnementales", explique Romain Hugues, responsable du service analyse mission et valorisation des données chez Thales Aliena Space, une joint-venture entre Thales et Leonardo qui fabrique des satellites d'observation.
Un jumeau numérique de la Terre en prépartion
Justement, des projets pilote sont en cours d'élaboration via cette marketplace. "Nous voulons créer un jumeau numérique de la Terre", explique David Ziegler, vice-président aérospatial et défense de Dassault Systèmes. L'entreprise, qui produit des modélisations 3D et des simulations informatiques d'événements, notamment pour l'industrie spatiale, cherche à modéliser la Terre en trois dimensions. Et ce via plusieurs couches : image classiques, mais aussi prises de vue infrarouge, lidar et radar afin de récolter un maximum d'informations et donc d'avoir un maximum d'applications différentes. Des données de base (les images satellite) fournies par Airbus, que Dassault Systèmes viendra assembler, modéliser en 3D puis étiqueter, classer et animer via des simulations. L'entreprise devra trouver des clients intéressés par différentes géographies et usages afin de rentabiliser l'opération.
Autre exemple chez Thales Aliena Space : la marketplace accompagne une diversification stratégique de l'entreprise entamée il y a quelques années. Historiquement fabricant de satellites, elle a développé une nouvelle activité, qui consiste à commercialiser des analyses des prises de vue des satellites grâce à des algorithmes d'intelligence artificielle capables de reconnaître automatiquement toutes sortes d'éléments dans les images. Les données brutes, venant de la base publique européenne Copernicus, seront disponibles gratuitement sur la marketplace, mais Thales pourra les interpréter contre rétribution. Si les premiers utilisateurs de la marketplace seront la petite dizaine d'acheteurs et de producteurs de données membres du consortium, la marketplace a vocation à accueillir toutes les entreprises intéressées. Avis aux rêveurs, l'espace vous tend les bras.