La transition énergétique : grande oubliée de l'élection présidentielle ?

A 3 mois du premier tour des élections présidentielles, les effets d'annonce et débats stériles se multiplient, notamment sur l'épineuse question du nucléaire.

Or, les prises de position sur le mix énergétique français (notamment les questions du nucléaire et des énergies renouvelables) n’auront que très peu d’impact sur la gouvernance de la personne élue, tant ce sont des chantiers d’envergure qui dépassent largement le cadre d’un simple mandat. Certes,  il est nécessaire de conduire un débat de fond sur la production d’énergie et l’utilisation des énergies fossiles à long terme. Mais convaincre les Français implique de se montrer déjà capable de gérer les 5 prochaines années de la transition énergétique, notamment en proposant des actions concrètes qui limiteront l’impact de la montée en flèche des coûts de l’énergie pour les particuliers. En l’espèce, les candidats à la présidentielle devraient se pencher sur les problématiques de la gestion et de la proactivité de la transition énergétique aval compteur, soit là où l’énergie est consommée, pour les 5 à 10 prochaines années. Explications. 

L’urgente électrification massive des transports 

D’ici 2035, il sera interdit de vendre des voitures neuves à moteurs essence ou diesel en Europe. Il y aura aussi plus de 84 millions de véhicules électriques en Europe d’ici à 2030, dont plus de 13 millions en France. Pour anticiper ce virage majeur, la majorité des constructeurs automobiles prennent d’ores et déjà leurs dispositions. Par exemple, Peugeot ou Ford prévoient de proposer une gamme 100% électrique avant l’échéance de 2035. En parallèle, le gouvernement français prévoit d’octroyer 400 millions d’euros d’aides pour accompagner les professionnels de la filière dans cette conversion à l’électrique. 

Toutefois, le fossé est immense du côté de l’infrastructure de la recharge des voitures électriques. A titre d’exemple, nous sommes loin de l’objectif des 100 000 bornes de recharge publiques d’ici à fin 2021, la France en comptait la moitié en cette fin d’année. En 2030, les prévisions ne sont pas non plus au beau fixe : on estime que l’Hexagone comptera “seulement” 6 millions de bornes de recharge (résidentielles, publiques et sur le lieu de travail) contre 8 millions au Royaume-Uni et 12 millions en Allemagne. Or, la France devrait être un pionnier en la matière, rien que pour défendre ses compétences industrielles historiques en matière d’électricité et d’automobile ! 

Enfin, une demande croissante en énergie électrique implique de savoir gérer les différents moyens de production, notamment le renouvelable, et le stockage de l’électricité. Pour répondre à ce besoin, la voiture électrique est une candidate idéale. En effet, il suffit de décharger une partie de la batterie pour alimenter le logement du propriétaire de la voiture, ou le réseau lui-même. Toutefois, cela implique le déploiement de bornes de recharge dites “bidirectionnelles” à très grande échelle. Problème, cette technologie est encore quasi inexistante en France...

La coûteuse élimination des logements énergivores 

En 2021, la France comptait encore 7 millions d'habitations mal isolées. Ces passoires thermiques représentent 17% du parc immobilier national ! Pour protéger les particuliers, le gouvernement interdira dès 2023 la location des logements les plus énergivores. Décision louable, son efficacité va dépendre des aides mises en place par l’Etat à destination des propriétaires. En effet, dans le cas de logements avec un DPE classé F ou G,  les travaux de rénovation énergétique peuvent atteindre des dizaines de milliers d’euros, et tout le monde ne peut pas se le permettre. 

Pour réduire considérablement sa consommation énergétique, les particuliers de leur côté ont tout intérêt à s’équiper de pompes à chaleur au lieu de chaudières à gaz ou au fioul. Grâce en partie aux aides  “MaPrimeRénov” dans les logements existants et aux réglementations dans les logements neufs, l’industrie est d’ailleurs en plein essor. D’après le cabinet Delta-EE,  300 000 logements s'équipent chaque année d’une pompe à chaleur comme moyen de chauffage principal, et les ventes seront multipliées par deux d’ici à 2025. Cependant, l’industrie subit une forte pénurie de main-d'œuvre et des tensions sur l’approvisionnement de certains matériaux nécessaires. Là aussi, une accélération des aides publiques serait bienvenue. 

Trouver des solutions simples pour aider les Français à réduire leur consommation énergétique 

En moyenne, le chauffage représente 50% de la consommation énergétique d’un logement. Malgré beaucoup d’innovations en matière de pilotage et de programmation du chauffage, le gâchis énergétique reste énorme. Principal coupable : la majorité des thermostats restent trop complexes d’utilisation. Or, il existe des thermostats connectés qui permettent de faciliter cette programmation via des interfaces plus simples, et donc de réduire rapidement sa consommation de 10% à 15% en moyenne. Si le gouvernement a bien essayé d’accélérer leur adoption avec son “coup de pouce thermostat”, les résultats n’ont pas été au rendez-vous. En effet, pour que cette mesure soit efficace, il faudrait sensiblement augmenter le nombre de types de produits éligibles et simplifier profondément les démarches administratives.

Promouvoir l’autoconsommation individuelle et collective 

L’autoconsommation, soit le fait de consommer l’énergie que l’on produit soi-même, a des avantages significatifs. Elle permet notamment de réduire sa facture d’électricité et sa dépendance envers un fournisseur. Toutefois, elle reste encore minoritaire en France. En effet, le parc photovoltaïque résidentiel français compte environ 500 000 logements, alors qu’il est proche du million au Royaume-Uni et de deux millions en Allemagne. Si jusqu’ici la majorité des installations photovoltaïques étaient directement raccordées au réseau grâce à des tarifs de rachat, le futur s’annonce beaucoup plus propice à l’autoconsommation individuelle et collective. A cet égard, il existe plusieurs solutions pour optimiser l’autoconsommation des Français, notamment des gestionnaires d’énergie (ou Home Energy Management). Celles-ci permettent, entre autres, de déplacer les horaires de consommation, de stocker l’électricité, ou même de la partager avec un bâtiment voisin qui aurait besoin du surplus produit. Delta-EE prévoit l’installation de 850 000 de ces systèmes d’ici à 2030.

Pour que  l’autoconsommation soit la plus simple et efficace possible pour les particuliers, tous les ballons d’eau chaude de France devraient être connectés et pilotables automatiquement à distance, pour pouvoir stocker le surplus sous forme thermique ou pour alléger la demande lors d’un manque d’ensoleillement. Il en va de même pour les pompes à chaleur, qui pourraient anticiper un besoin thermique du consommateur en préchauffant le logement ou la réserve d’eau chaude sanitaire lorsque de l’électricité renouvelable est disponible. Et bien entendu, les bornes de recharge de voiture électrique, comme mentionnées plus tôt, devraient être pré-équipées d’une intelligence leur permettant de répondre à ces besoins d'autoconsommation.