La Cop28 : momentum pour la chute ou l'action

La COP28 s'ouvre aujourd'hui à Dubai. Le pays organisateur est pointé du doigt tout comme le risque d'une énième conférence pour peu de résultats concrets.

Le 28ème sommet organisé à Dubai sur le changement climatique risque de servir les intérêts opposés de ceux qu’il doit servir. Seule une mobilisation sans précédent des parties prenantes peut nous faire prendre les moyens de traiter l’urgence climatique

Une COP aux allures de farce

Alors que s’ouvre à Dubaï, du 30 novembre au 23 décembre, la COP28, rassemblement international annuel sur le changement climatique, le premier sentiment qui me vient est celui de l’effarement.

Effarement parce que cette COP donc, censée engager tous les pays dans une lutte contre le changement climatique, a toutes les allures d’une gigantesque mascarade :

  • Elle est présidée par le Dr. Sultan Al Jaber, qui préside également la Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC), première compagnie pétrolière de son pays, qui va émettre 40% de CO2 en plus d’ici 2030, selon Global Witness, soit quasiment l’amplitude inverse de la réduction de 43% des émissions de CO2 attendue sur cette période d’après l’ONU.
  • Cette compagnie est liée à trois projets pétrolifères de « bombes carbone », dont le potentiel conjoint s’élève à 11 Gt CO2e, l’équivalent de près d’un tiers des émissions de CO2 annuelles mondiales selon les ONG Data for Good et Eclaircies dans le cadre de l’enquête CarbonBombs.org, données également reprises dans Le Monde.
  • Ce même Dr Sultan Al Jaber est accusé de conflit d’intérêt et d’avoir prévu de négocier des contrats pétroliers pendant la COP 28 elle-même selon la BBC.
  • Sultan Al Jaber s’est associé les conseils de McKinsey qui a rédigé un plan de transition rédigé « par l’industrie pétrolière et pour l’industrie pétrolière », en élaborant des scénarios énergétiques en contradiction avec les objectifs climatiques que le cabinet affiche publiquement, selon une enquête de l'AFP et qui ont suscité en son sein une révolte interne : 1 100 collaborateurs du cabinet ayant signé une lettre interne, consultée par l'AFP, indiquant l'existence d'un "risque significatif pour McKinsey et pour nos valeurs de poursuivre la voie actuelle".

C’est exactement comme si l’on organisait un sommet international sur la non-prolifération des armes nucléaires, que l’on mettait à la tête de ces négociations un producteur de missiles nucléaires et que celui-ci profitait de ce sommet pour négocier de nouvelles ventes de missiles. Il y a de quoi devenir fou, révolté ou désabusé.

Comment une chose aussi inouïe peut-elle se passer en 2023 alors que nous battons encore cette année des records de température et de catastrophes naturelles et que le lien de causalité entre activités humaines et changement climatique a clairement été démontré par le GIEC.

Comment des Etats a priori sérieux, démocratiques, engagés dans les Accords de Paris, peuvent-ils accepter de jouer une telle farce ?

Il y a de quoi quitter la table des négociations de la COP

Pourtant, il ne faut pas la quitter, il faut l’occuper comme jamais. Sur place, en ligne, dans la presse, sur les réseaux sociaux et dans la rue s’il le faut. Il ne faut pas quitter cette table, il faut la retourner. Faire de cette crise l’opportunité d’une mobilisation sans précédent.

« L’apocalypse est notre chance », énonçait Bruno Latour il y a dix ans. Le sociologue signifiait par là qu’il fallait voir les grands bouleversements climatiques, non comme une catastrophe mais comme « la certitude que le futur [avait] changé de forme et qu'on [pouvait] faire quelque chose. » Il nous invitait ainsi à saisir le caractère révolutionnaire de la situation pour imaginer des moyens pour s’occuper tout à la fois des hommes et du climat, pas seulement à l’échelle d’un pays mais de manière globale.

L'heure n'est donc plus aux demi-mesures. Nous devons agir maintenant pour respecter les engagements des Accords de Paris et mettre fin à l'exploitation de nouveaux champs pétroliers, gaziers et de charbon.

L'exploitation continue des énergies fossiles - charbon, pétrole et gaz - est en effet incompatible avec un avenir climatiquement stable. Chaque nouveau projet dans ces domaines nous éloigne davantage de nos objectifs de Paris et compromet l'avenir de notre planète

La science est claire et irréfutable. Les rapports du GIEC soulignent avec une précision alarmante l'urgence de la situation climatique. Nous avons déjà atteint un point critique, et chaque fraction de degré compte. Les Accords de Paris, adoptés en 2015, ont fixé un objectif ambitieux mais nécessaire : limiter l'augmentation des températures mondiales à 1,5°C. Cependant, les actions actuelles des nations sont loin d'être suffisantes pour atteindre cet objectif vital.

Nous devons également reconnaître l'importance de la justice climatique. Les pays et les communautés les plus affectés par le changement climatique sont souvent ceux qui ont le moins contribué à cette crise. Une transition équitable signifie soutenir ces communautés dans l'adaptation et la résilience, tout en assurant une répartition juste des coûts et des bénéfices de la transition énergétique.

Gouvernements, entreprises, ONG, acteurs de la société civile, journalistes et simples citoyens, faites entendre votre voix pour que cette COP ne soit pas un énième mensonge jeté à la face de nos enfants.

Exercez de toute vos forces et tous vos moyens pour enjoindre les Etats participants à :

  • Cesser immédiatement tout nouveau développement de projets d'énergies fossiles.
  • Accélérer le déploiement des énergies renouvelables et des technologies de réduction des émissions.
  • Mettre en œuvre des politiques de justice climatique, assurant une transition équitable pour tous.
  • Renforcer les financements pour l'adaptation au climat et la résilience dans les pays les plus vulnérables.
  • Augmenter la transparence et le reporting sur les progrès réalisés vers les objectifs des Accords de Paris.
  • Ecrire un nouveau récit de société, qui nous amène à rendre nos futurs désirables et souhaitables, un récit fondé sur le soin donné aux plus fragiles et à la nature, fondé sur des principes de sobriété et de coopération.

La COP 28 a des allures de grand salon des marchands d’armes, de grand marché aux bombes carbone. Mobilisons-nous maintenant pour lui redonner son sens réel : un sommet de coopération pour réellement lutter contre et atténuer le changement climatique, un sommet où se jouent non pas des contrats mais l’avenir de nos enfants.