Crise de confiance : les assureurs doivent se mettre en ordre de marche

Confrontées à un environnement instable, les compagnies d'assurance voient aujourd'hui leur vision du monde changer. Pour y faire face, l'espoir des assureurs réside dans leur capacité à se réinventer

Vieillissement de la population, inflation persistante, taux d’intérêt élevés… Le tissu économique français est fragilisé par un ensemble de crises à répétition. Depuis 2020 et la crise sanitaire, celles-ci s’ajoutent les unes aux autres, sans réellement se succéder. Particulièrement impactés par la multiplicité des risques, les assureurs ont un autre problème majeur à gérer : la confiance en berne de leurs assurés. 

Les raisons de cette désillusion sont multiples, mais la crise sanitaire représente un tournant crucial. Selon une étude de Deloitte menée en 2021, seulement 45% des Français auraient confiance dans leurs compagnies d’assurance. Soit 10 points de moins en 2 ans. 

L’érosion de la confiance, motrice d’une remise en question des assureurs

En 2023, l’heure n’est donc plus au constat, mais bel et bien à l’action. Dans le contexte post-Covid, l’accumulation de facteurs exogènes ne facilite pas la tâche du secteur assurantiel. En tout premier lieu, la crise climatique, dont la véracité est établie depuis des années chez les assureurs, joue sur la probabilité de survenue des aléas et pèse donc lourdement sur l’indemnisation des sinistres. En 2022, les compagnies d’assurance avaient ainsi dû verser 5,2 milliards d’euros à leurs assurés au titre des aléas climatiques, et ce, uniquement sur les huit premiers mois de l’année. 

Dans un contexte de vieillissement de la population et de gérontocroissance, les assureurs avaient énormément investi depuis une dizaine d’années dans la Silver Economie et le développement de l’assurance dépendance (elle permet de couvrir les dépenses en cas de perte d’autonomie). Or, l’essor attendu de ces marchés se révèle beaucoup plus complexe et lent que prévu. Et l’assurance dépendance, difficile à mettre en place. Les seniors, réticents au risque, ne sont pas la manne espérée par le secteur et mettent en péril le précaire équilibre du marché assurantiel. Celui-ci doit désormais compenser la multiplication des risques par une augmentation mécanique des tarifs de ses polices d’assurance, contribuant ainsi à s’éloigner encore un peu plus de la confiance de ses assurés. 

Des initiatives salutaires, mais encore insuffisantes

D’aucuns appréhendaient dans les années 2000 le changement de paradigme assurantiel créé par l’arrivée des bancassurances. L’ouverture du marché à la concurrence avait bousculé ses acteurs traditionnels, obligés de renforcer leur relation client pour faire face à une multiplication des options assurantielles. Un défi, dans un secteur où cette relation demeure fragile, car elle passe par peu de points de contact. Mais la crise de confiance que les assureurs traversent aujourd’hui est encore d’une autre ampleur. Malmenés par l’inflation et l’inquiétude croissante vis-à-vis du réchauffement climatique, les Français exigent à la fois plus de confiance et une plus grande transparence de la part de leur compagnie d’assurance. 

Certaines initiatives vont d’ailleurs dans ce sens ! Notons les efforts de la MAIF qui s’est engagée à reverser en 2023 10% de ses bénéfices annuels à la préservation de la planète, soit 10 millions d’euros. Le Crédit Mutuel, quant à lui, lance un dividende sociétal destiné à consacrer chaque année 15% de son résultat net consolidé à des projets de transformation environnementale, soit un total de 2 milliards d’euros d’ici 2027. En parallèle, France Assureurs, la fédération française de l’assurance, s’empare à bras-le-corps des problématiques de transparence et envisage de mettre en place une limitation des hausses des primes d’assurance en deçà de l’inflation. Une mesure encore jugée insuffisante par les associations de consommateurs qui anticipaient déjà des hausses de 3 à 5% des primes pour l’année 2023.

Pour combler le fossé de confiance entre assurés et assureurs, ces derniers ont tout intérêt à copier les bonnes pratiques d’autres secteurs. La distribution est par exemple régulièrement en tête des classements des entreprises préférées des Français, menée par des figures de proue que sont Décathlon ou encore E.Leclerc. Leur politique, résolument tournée vers le client, repose notamment sur un usage intelligent des données, optimisées afin de répondre aux mieux aux exigences de leur base de clientèle. Voilà un chemin que les assureurs doivent suivre. Leur relation client est souvent ténue et repose sur des prises de contact rares et souvent liées à une crise dans la vie de l’assuré. Les compagnies d’assurance ont donc tout intérêt à capitaliser sur la donnée client en maximisant les relais technologiques dont ils peuvent bénéficier afin de leur permettre d’anticiper, de comprendre et de calculer au mieux non seulement les risques, mais aussi les comportements et les attentes d’une société constamment impactée par des crises multiples.