Yannick Lejeune (DI, Ionis Education Group) : "Les sites Web de l'Epita et de l'Epitech sont refondus régulièrement pour coller à leurs cibles"

Fédérant une quinzaine d'écoles d'enseignement supérieur, le groupe s'est lancé dans la rationalisation de son système d'information. Un chantier qui doit composer avec les particularités de chaque campus.

Vous n'avez pas seulement la casquette de directeur informatique. Vous occupez également une fonction marketing ?

Rappelons d'abord que Ionis Education Group est un groupe rassemblant une quinzaine d'écoles d'enseignement supérieur en France, dont plusieurs centrées sur les hautes technologies. C'est le cas de l'Epita et de l'Epitech pour l'informatique, de l'Ipsa pour l'aéronautique, de Sup'Biotech pour les biotechnologies et de l'ESME pour l'énergétique.

En tant que Directeur Internet Marketing et Systèmes, je suis en charge de la stratégie Internet au sein de la direction générale du marketing et de la communication. Cela inclut la conception des sites internet, le pilotage des équipes, l'interfaçage avec le back-office, et plus largement la direction des systèmes d'information liés aux sites.

Sur ce dernier point, j'ai pour mission de participer à la définition d'une stratégie de développement des SI, de suivre les choix de solutions techniques, et d'assurer la conduite des projets. En parallèle, je travaille également sur l'achat d'espace, la position éditoriale des contenus, l'optimisation de la prospection en ligne, le CRM, le design des campagnes.

En fait cela vient de mon cursus : je suis diplômé de l'Epita mais également d'un master de recherche en sciences de gestion de l'IAE Paris. Après un bref passage chez IBM, puis Lotus R&D, j'ai aidé au développement d'une SSII avant que Ionis ne me propose de créer un laboratoire ciblant les projets d'externalisation de R&D des entreprises.

Nous avons travaillé pour des acteurs de toute taille, depuis la start-up jusqu'aux grands groupes comme Microsoft ou Schneider Electronics. A l'issue de cette expérience de 6 ans, j'ai évolué vers la direction générale du groupe Ionis au sein de laquelle je peux exercer les compétences issues de mon double profil, un technique, l'autre marketing.

Quels sont les avantages de cette double approche ?

J'avoue que c'est plutôt confortable. Grâce à mon parcours, il m'est possible de décrypter le discours commercial de la plupart des fournisseurs informatiques et télécoms tout en perçant les éventuelles failles de leur argumentaire technique.

La connaissance que j'ai des nouvelles technologies me permet de comprendre les aspects informatiques des innovations technologiques et le point de vue gestion me facilite l'évaluation de sa valeur ajoutée d'un point strictement "usage". Cela m'aide à ne pas brider la créativité de mes équipes pour des raisons techniques tout en évitant de répondre aux sirènes des fausses bonnes idées.

Je peux à la fois aborder l'intérêt d'une innovation d'un point de vue stratégique avec l'équipe marketing et analyser les contraintes de son déploiement avec les techniciens, le tout en arbitrant d'autres questions sous-jacentes du type "est-ce intéressant ou pas d'externaliser cette fonction ?" en connaissance de cause.

Prenons l'exemple du suivi des statistiques. Ma formation technique me permet de faire le lien entre le trafic management et le volet technique de la problématique, ce qui permet de repousser les limites des outils. De l'autre coté, ma formation business m'aide à juger de la pertinence des résultats et à utiliser des outils d'analyse quantitative pour faire ressortir le comportement de nos publics cibles.

C'est, je pense, un plus par rapport à des homologues qui ont une formation uniquement école de commerce et qui me disent parfois être inquiets par rapport à telle ou telle technologie ou s'être fait avoir par telle ou telle agence dans l'évaluation des coûts d'un développement.

"Sur le site de l'Epitech, 12% des visiteurs étaient déjà sous Google Chrome 24 heures après sa sortie"

Entre objectifs marketing et contraintes techniques, vous avez donc un rôle d'arbitre...

Prenons un exemple. Nous avons récemment étudié l'opportunité d'exploiter le service Photosynth de Microsoft. Ce service permet d'uploader plusieurs photos panoramiques et de recréer un environnement sous la forme d'une image 3D offrant des possibilités telles que la rotation autour de certains éléments ou le zoom profond sur certains détails.

Nous nous sommes vite rendu compte que ce dispositif nécessitait un plugin propriétaire et l'extension Microsoft Silverlight pour fonctionner. Nous avons donc choisi de n'envisager nos projets Photosynth que sur les sites Web des écoles ciblant une population d'utilisateurs avertis, comme l'Epita ou l'Epitech, même si l'effet est vraiment vendeur.

Notre public cible est une donnée fondamentale au sein de notre stratégie Web. Sur le site de l'Epitech, nous avons par exemple observé près de 12% des visiteurs sous Google Chrome 24 heures après la sortie du navigateur, chiffre qui est retombé depuis d'ailleurs. En vue de répondre efficacement à ce type de profil d'early-adopters, nous remettons en question les sites chaque année, y compris du point de vue back-office.

En revanche, sur d'autres sites comme celui d'ICS Bégué qui forme les experts comptables, nous savons que les visiteurs n'ont pas toujours une configuration dernier cri, qu'ils sont souvent sous Internet Explorer 6 et que cela implique des contenus adaptés contenant certains hacks qui nuisent à la conformité. Tout cela demande des arbitrages et des choix quant à l'affectation des ressources.

Avez-vous initié une politique de rationalisation des choix technologiques entre les différents campus ?

C'est l'une de nos principales missions. Historiquement, chaque école disposait de son propre système d'information pour la partie Internet. Chacun utilisait ses propres prestataires, son propre hébergeur, son registrar. Nous avons commencé à consolider tout cela en 2006 et tout devrait être terminé d'ici à la fin 2008. L'un des principaux chantiers a été de rationnaliser l'approche Buy or Build et de choisir ce qui devait être développé ad hoc et ce qui devait être acheté.

Si l'on prend un exemple, nos 70 blogs tournent maintenant sur une version commerciale de Movable Type. Son modèle Open Source et son infrastructure de développement d'extensions offrent un bon ratio prix / performance / sécurité. En matière d'e-mailing, nous avons décidé de rationnaliser notre infrastructure autour des solutions eCircle et Emailvision que nous mettons en concurrence.

Qu'en est-il de vos projets Web impactant l'ensemble des sites Web ?

"Notre principal objectif est maintenant de mettre nos sites en conformité avec les standards"

Après une première phase de développement rapide qui visait à rattraper le retard accumulé sur ce terrain, notre principal objectif est maintenant de mettre nos sites en conformité avec les standards, et en particulier de travailler à leur accessibilité. Ce sera un long chantier car nous revenons de loin.

Un autre objectif est aussi d'œuvrer à la multicompatibilité entre navigateurs ce qui est assez fastidieux : mes intégrateurs pestent régulièrement contre Internet Explorer. Globalement, les sites évoluent tout le temps mais ils subissent un grand changement au moins une fois par an, ne serait-ce qu'au niveau des feuilles de styles.

L'élaboration de l'architecture est beaucoup plus motivante. Sur ce point, nous sommes partis sur une plate-forme LAMP [ndlr Linux, Apache, mySQL, PHP] et ce pour des raisons de disponibilité des ressources humaines. On trouve en effet beaucoup plus facilement des gens formés sur cette technologie, du fait de sa simplicité d'accès, de mise en œuvre et d'administration, que sur Java ou Microsoft .Net ce qui serait pourtant mon inclinaison naturelle.

Quels sont les outils que vous utilisez pour piloter le trafic des sites ?

Nous avons recours à XiTi Analyzer 2 pour suivre le trafic, et le ROI de nos campagnes. Nous exploitons Google Analytics pour suivre les Google AdWords. Depuis 2006, nous avons multiplié notre trafic global par sept. Au sein des sites, un outil de carte de chaleur nous permet de cerner les espaces les plus souvent cliqués. Nous nous basons sur ces résultats pour optimiser l'ergonomie et les contenus. Un trafic manager à plein temps s'occupe exclusivement de cela dans mon équipe.

Quelle est votre politique en matière d'exploitation et d'hébergement ?

Nous disposons d'un centre de données dans les locaux de l'Epita avec un débit de 1 Gigabit. Auparavant, chaque école avait sa propre politique en la matière, et avait en général choisi un hébergeur. Nous essayons aujourd'hui de regrouper les applications à l'Epita, en commençant par les applications critiques de type paiement en ligne. L'école a en effet une bonne expérience de la sécurité du fait de son historique en matière de gestion d'attaques extérieures et de piratage. Une équipe d'une dizaine de personnes est en charge du support, de l'exploitation, et de la sécurité des systèmes et des sites. La plupart des sites, moins exposés que nos applications, sont hébergés chez des prestataires externes notamment ikoula.

Comment gérez-vous la disponibilité de vos sites Web ?

L'équipe d'exploitation se charge de remonter les informations. En matière de supervision, nous avons mis en place quelques sondes automatiques. Elles sont installées sur nos différentes implantations et lancent des pings vers nos sites Web.

C'est une infrastructure qui repose sur la même logique que les offres Witbe ou IPlabel mais c'est beaucoup plus rudimentaire, et moins robuste. Du coup, nous comptons aussi sur des sondes humaines qui permettent de compléter ce dispositif. Rien ne vaut en effet le contrôle humain direct. Ensuite, l'audience de nos sites est excellente pour des sites d'écoles mais celle-ci ne représente pas forcément une charge qui implique une scalabilité exceptionnelle.