Avec Chrome Enterprise, Google peut-il concurrencer Windows Enterprise ?

Avec Chrome Enterprise, Google peut-il concurrencer Windows Enterprise ? Fin août, Google lançait la version professionnelle de son OS cloud. En offrant des fonctionnalités étendues en termes d'administration et de support, a-t-elle des chances de séduire ?

Lancé en 2009, Chrome OS a désormais un petit frère ou plutôt un grand frère. Annoncé discrètement fin août, Chrome Enterprise n'est autre que la version professionnelle du système d'exploitation de Google. Chrome OS a été taillé pour les Chromebooks, ces ordinateurs portables légers commercialisés par le géant du numérique et divers constructeurs - dont Lenovo, Acer, Asus, HP et Samsung.

Par rapport à Chrome OS, Chrome Entreprise présente de nombreuses fonctionnalités avancées (voir le tableau ci-dessous). Conçu pour l'entreprise, il est, entre autres, équipé d'une console d'administration conçue pour gérer une flotte de Chromebooks, d'un gestionnaire d'impression, ainsi que d'un outil de prévention contre le vol de terminal. S'intégrant au système d'authentification de Microsoft (Active Directory), il s'accompagne d'une offre de services de support technique (en 24/7), et introduit aussi la possibilité de créer un app store d'entreprise (une fonction encore en bêta).

Chrome Enterprise est par ailleurs doté du gestionnaire d'applications en mode cloud Workspace One de VMware. Une brique qui permet de personnaliser l'offre applicative du Chromebook par département, fonction ou zone géographique de l'entreprise. Selon ses droits, l'utilisateur accédera ainsi aux applications cloud dont il a besoin, que ce soient des applications web, Android ou Windows (virtualisées notamment via Citrix). De quoi accélérer l'adoption des appareils "made in Google" dans le monde professionnel.

Pour les entreprises qui sautent le pas du cloud

L'arrivée de Chrome Enterprise va-t-elle faire décoller les ventes de Chromebooks ? Si, aux Etats-Unis, elles ont dépassé, début 2016, celles des Macs notamment grâce à leur popularité dans les écoles et les universités, il en va autrement de ce côté-ci de l'Atlantique. Les entreprises de l'Hexagone qui, comme Veolia, ont déployé des flottes de Chromebooks se font rares. En France, Google ne peut pas non plus profiter d'un effet de levier du milieu éducatif. Il y a deux ans, la France a fait le choix des tablettes dans le cadre du Plan numérique pour l'éducation (PNE) qui vise à équiper 3,3 millions d'élèves à horizon 2018. 

Simon Lebrun est directeur du pôle avant-vente chez Devoteam G Cloud. © Devoteam

Directeur du pôle avant-vente ‎chez Devoteam G Cloud, Simon Lebrun veut croire que Chrome Enterprise constituera un élément catalyseur dans l'adoption de ces terminaux nativement taillés pour le cloud. "Toutes les entreprises sont potentiellement intéressées par cette approche, tout particulièrement celles qui n'ont pas encore fait le saut du cloud et de la mobilité. Le poste de travail constitue une porte d'entrée vers la transformation digitale. L'utilisateur accède en quelques secondes à son environnement de travail de manière sécurisée."

Par ailleurs, le client léger répond, d'après lui, à une tendance de fond, les entreprises cherchant à réduire le coût total de possession (TCO) de leur parc de terminaux et notamment les frais de maintenance. Il observe aussi, qu'en intégrant Active Directory, Google prend en compte l'existant, sans chercher à imposer un nouveau standard.

Avec Chrome Enterprise, Google complète par ailleurs son offre professionnelle. Si les entreprises démarrent généralement par sa suite collaborative G Suite pour s'orienter ensuite vers les services de IaaS et PaaS Google Cloud Platform, le groupe américain peut désormais mettre en avant, à l'instar de Microsoft, un système d'exploitation dédié, plus facilement administrable. "Il y a une cohérence d'ensemble", complète Louis Naugès, fondateur du cabinet de conseil Dhasel. "Les entreprises basculent massivement dans le cloud, pourquoi alors ne pas se doter d'un terminal, d'un OS et d'un navigateur (Chrome ndlr) nativement pensés pour le cloud."

Le plus grand magasin d'applications du monde

En facturant Chrome Enterprise 50 dollars par an et par terminal contre 84 dollars pour Windows 10 Enterprise E3, Google fait le choix, comme à son habitude, de casser les prix. De quoi rivaliser avec les PC sous Windows ? Louis Naugès y croit, estimant qu'avec la baisse continue du taux de pénétration des PC, les courbes vont finir par se croiser. La fin du support de Windows 7 en janvier 2020 pourrait également se révéler être un élément accélérateur. "Plus personne n'a besoin de PC", tranche-t-il. "L'erreur a été de décliner des applications lourdes type SAP en version mobile. Si au siège, on s'en sort, ce n'est pas le cas sur le terrain. Il faut des applications repensées pour la mobilité, légères et simplifiées."

Selon Louis Naugès, l'association entre Chromebook et Chrome Enterprise peut intéresser, par son prix raisonnable, des entreprises dans l'industrie, les services ou la distribution, des secteurs où la marge est faible. Pour notre consultant, la sortie de Chrome Enterprise est également à rapprocher d'une autre annonce intervenue un peu plus tôt dans l'année. A savoir l'arrivée progressive de Google Play Store et ses 2,7 millions d'applications sur les Chromebooks. Google a publié la liste des terminaux éligibles à cette possibilité. L'apport du "plus gros magasin d'applications au monde" pourrait contribuer à venir enrichir le patrimoine applicatif des organisations s'orientant vers Chrome Enterprise. 

Le Google Play Store et ses 2,7 millions d'applications arrivent sur les Chromebooks. © JDN / Capture