Nicolas Dessaigne (Algolia) "Algolia compte plus de 6 000 clients payants dans le monde"

Le CEO et cofondateur de la plateforme de recherche répond aux questions du JDN. L'entrepreneur français détaille les atouts de sa technologie et ses perspectives stratégiques pour les années à venir.

Depuis sa création en 2012, la croissance d'Algolia semble inébranlable. Où en êtes-vous aujourd'hui et comment expliquez-vous cette forte demande pour votre offre de "Search-as-a-service" ?

Nicolas Dessaigne est le cofondateur et CEO d'Algolia. © Algolia

Google a habitué les internautes à une expérience de recherche exceptionnelle sur le web, ce qui met beaucoup de pression sur les épaules des entreprises. Celles-ci doivent en effet répondre à des attentes de plus en plus élevées de la part de leurs clients. Algolia les aide à proposer une belle expérience de search aux utilisateurs qui visitent leur site ou leur application mobile à travers l'API que nous commercialisons. De ce point de vue, notre modèle est assez similaire à celui de Twilio ou Stripe. Notre entreprise, toujours en pleine croissance, dénombre plus de 300 employés contre 150 il y a à peine un an. Algolia compte cinq bureaux dans le monde, dont notre siège social à San Francisco et notre pôle technique à Paris.

Comment est née l'idée d'Algolia ?

Lorsque nous avons créé la société en 2012, notre constat était que les développeurs d'applications mobiles avaient besoin d'implémenter du search au sein de leurs applications de manière offline. Les différentes contraintes techniques et matérielles de l'époque nous ont obligés à adopter une approche différente pour optimiser l'expérience sur mobile car les moteurs de recherche avaient été traditionnellement développés pour fonctionner sur serveur. Il fallait en effet que nous puissions proposer des résultats de manière instantanée, raison pour laquelle chaque milliseconde était importante.

Nous avons par la suite pivoté car le marché du mobile était trop restreint. Pour autant, nous avons gardé une approche similaire lorsque nous avons développé notre moteur dans le cloud. Sans cette première expérience, Algolia n'aurait sans doute pas connu le même succès.

Quels sont les ingrédients nécessaires pour offrir une bonne expérience de search ?

Cela passe par la rapidité d'affichage et la pertinence des résultats mais aussi par l'interface graphique. Pour optimiser la qualité de la recherche sur notre plateforme, il est d'abord nécessaire de configurer le moteur d'Algolia. Il existe une infinité de possibilités et un tableau de bord permet de définir ces paramètres sans avoir besoin de coder.

"Nous disposons de près de 2000 serveurs à travers le monde"

Afin d'être capable d'afficher des résultats le plus rapidement possible, nous disposons de nos propres serveurs : près de 2000 à travers le monde. L'infrastructure logicielle a été entièrement développée en interne. Nous permettons ainsi à nos clients de dupliquer et de stocker leurs données dans ces serveurs pour que, lorsqu'un utilisateur se connecte à une plateforme comme Twitch par exemple, celui-ci accède automatiquement au serveur d'Algolia le plus proche.

Un mot sur vos initiatives dans le domaine de l'Open-Source ?

Algolia est utilisé comme outil de recherche par de nombreux projets open source tels que des frameworks comme Laravel ou le CMS Wordpress par exemple. Pour tous ces projets, l'utilisation de notre produit est gratuite. Il y a ici un aspect marketing puisque c'est une manière pour nous d'être visible par notre principale audience, à savoir les développeurs. C'est aussi une manière d'aider et d'encourager la communauté puisque nous bénéficions nous-aussi de leur travail.

A combien évaluez-vous le marché à l'heure actuelle ?

Les analystes n'ont pas réellement défini la taille du marché. Ceci dit, il s'agit là d'un créneau gigantesque car tous les sites et toutes les applications ont besoin de search. Selon notre estimation, l'ordre de grandeur serait de 10 milliards de dollars aujourd'hui. Ce chiffre fait référence au TAM (Total Adressable Market ndlr), à savoir le montant total que les entreprises peuvent dépenser par an pour une solution comme la nôtre. Ce marché ne cesse de grandir chaque année.

Qui sont vos concurrents ?

Nos principaux concurrents sont les équipes internes des entreprises qui vont choisir de développer leur propre moteur de recherche, le plus souvent en utilisant des outils open source. Développer son propre moteur de recherche est pourtant une tâche compliquée qui demande beaucoup de temps. D'autant plus qu'à l'arrivée le résultat obtenu sera moins bon que ce que nous proposons. En choisissant un moteur comme Algolia, nos clients n'ont pas à se soucier de la maintenance et ont la garantie d'accéder à un outil performant que nous améliorons sans cesse. En bref, nous leur simplifions la vie.

Ne craignez-vous pas la concurrence de Google ?

La technologie de Google est surtout optimisée pour le search web. Sa façon de trier les résultats, en utilisant notamment la méthode du PageRank, est très différente de la nôtre. Notre marché étant le BtoB, nous utilisons des données auxquelles Google n'a pas accès. L'entreprise était autrefois présente sur ce marché avec ses solutions Google Search Appliance et Google Site Search, qui ont depuis été abandonné.

Quel est le profil de vos clients ?

"Nous comptons plus de 6 000 clients payants"

Nous visons deux types de profil. Le premier renvoie à la 'longue traine' des développeurs qui s'inscrivent directement sur notre site. Le second à des entreprises de taille plus importante que nous accompagnons et conseillons dans l'implémentation de notre moteur. Nous comptons aujourd'hui plus de 6 000 clients payants issus de secteurs variés. Parmi eux, je peux vous citer Periscope, Free, Twitch, Molotov.tv, Medium ou encore Vestiaire Collective.

Algolia gère également la recherche vocale. Qu'est-ce que cela change d'un point de vue technologique ?

La voix est un medium différent mais la technologie derrière notre moteur reste la même. Nous donnons effectivement à nos clients la possibilité d'implémenter de la recherche vocale au sein de leur moteur. La principale différence avec la voix est que les utilisateurs ne parlent pas naturellement en mots clés, comme ils peuvent le faire lorsqu'ils rédigent une recherche écrite. Bien souvent, l'utilisateur va formuler une phrase complète, ce qui nous impose de procéder d'abord à une analyse de la question pour bien la comprendre. Il s'agit là d'un premier pas vers la recherche conversationnelle.

Quelles sont justement vos ambitions dans le domaine du conversationnel ?

Le search conversationnel, autrement dit le fait de créer une conversation avec l'utilisateur pour lui afficher les résultats qu'ils recherchent, représente la prochaine évolution du secteur. Aujourd'hui le marché n'existe pas encore mais d'ici trois ou quatre ans des technologies comme Google Voice ou Alexa seront utilisées comme de véritables assistants. Ces expériences créeront de nouvelles attentes du côté des consommateurs dans le domaine du search. Les entreprises devront s'adapter en proposant une expérience similaire à leurs clients, ce qui créera un nouveau marché pour Algolia. Pour autant, il est encore difficile de prédire comment notre technologie s'intégrera au sein de ces assistants.

Votre entreprise est-elle rentable ? Une entrée en bourse est-elle à l'ordre du jour ?

Dans un modèle SaaS, il est nécessaire d'investir avant de pouvoir percevoir des bénéfices. Il faut en effet un certain temps avant de rentabiliser le coût d'acquisition d'un client. Nous avons levé un total de 74 millions de dollars. Ces fonds nous permettent de gagner du temps et de croître plus vite. Nous pourrions faire le choix d'être rentable rapidement, mais cela freinerait notre croissance. Nous préférons continuer d'investir même si l'objectif, à terme, est évidemment de devenir rentable. Une entrée en bourse ne fait pas partie de nos projets à court terme.

Quels sont vos objectifs pour les cinq prochaines années ?

Il est difficile de prévoir ce que nous ferons dans cinq ans mais nous ferons probablement bien plus que du search. Je pense notamment à la personnalisation et à la recommandation. Nous pourrions en effet permettre à nos clients de proposer une expérience personnalisée à leurs utilisateurs en fonction de leurs goûts ou de leurs habitudes. Nous pourrions par exemple recommander au JDN d'afficher tel ou tel contenu afin de personnaliser l'expérience du lecteur. Comme je le mentionnais précédemment, nous travaillons également sur l'aspect conversationnel du search.

Nicolas Dessaigne est le cofondateur et CEO d'Algolia. Il a fondé cette entreprise en 2012 avec Julien Lemoine qui occupe aujourd'hui le poste de CTO. Auparavant, Nicolas Dessaigne a travaillé 12 ans au sein d'Exalead et de Thalès.