La mue inévitable des datacentres vers plus d’éco-responsabilité

L’impact d’une entreprise sur son écosystème se mesure par sa valeur ajoutée, sa valeur financière et de plus en plus, par sa valeur sociale, à savoir son aptitude à assumer ses responsabilités sociétales.

Sur le marché des datacentres, les courbes de ces différentes valeurs se croisent au fil de l’évolution des besoins et contraintes. Pour comprendre cet écosystème et aller au-delà de l’image caricaturale du datacentre, monstre boulimique de Kilowatts, il faut revenir sur son histoire.
L’évolution fulgurante des datacentres, de l’entrepôt au campus numérique

1998 est l’année de la libre concurrence sur le marché des télécoms. Dès lors, les besoins en Interconnexion explosent, multipliant le nombre de datacentres dans l’Hexagone. Le datacentre n’est alors perçu qu’à travers la valeur "immobilière" de ses quatre murs ; comme un entrepôt de stockage à capacité variable.

 

En 2007, Steve Jobs lance le premier iPhone qui révolutionne les usages de consommation de l’informatique personnelle et professionnelle. Les réseaux sociaux décollent tandis que l’e-commerce explose, générant des flux de données plus importants. Les petits acteurs, à l’appétit gargantuesque, finissent par s’imposer sur le marché. A partir de 2010, les GAFA(M), NATU et autres BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) pénètrent les marchés mondiaux, avec une force de frappe qui, certes, amène le numérique à une échelle supérieure mais dont la conséquence est la croissance de l’empreinte carbone. En 2012, l’e-commerce mondial dépasse pour la première fois le milliard de milliards de chiffre d’affaires, et atteint 2 304 milliards en 2017. Les comportements d’achat évoluent vers toujours plus de mobilité. En France en 2018, le e-commerce représente 35% du volume d’affaires des sites du panel iCM (Indice Commerce Mobile) de la Fevad.

Aujourd’hui, un cap a été clairement franchi dans l’économie numérique : 90% des data existantes ont été créées ces deux dernières années, portées par les technologies émergentes et la croissance exponentielle des services mobiles, bientôt boostés par la 5G.

Des innovations énergivores

Au fil des innovations, le datacentre est devenu un élément critique de l’informatique, et de la stratégie même des entreprises en contribuant à leur création de valeur et leur dynamisme. Cette valeur ne réside pas dans la nature ou les caractéristiques de ses murs mais dans la taille et la variété de l’écosystème qui s’y développe. Tout comme dans le milieu naturel, plus les écosystèmes sont vastes  plus ils sont stables. Cela vaut également dans le monde de l’informatique et plus particulièrement de l’hébergement. Pour un datacentre, la taille est importante car elle est synonyme d’économies d’échelles, mais la variété des interconnexions possibles et la proximité entre ses partenaires et clients l’est tout autant.

Comme il n’y a pas de poisson sans arêtes, les datacentres géants sont pointés du doigt pour leur consommation électrique, qui peut être comparable à celle d’une ville de 160 000 habitants. Hors contexte, ce chiffre est conséquent. Mais le datacentre n’est pas à incriminer. Le véritable responsable est le foisonnement et la multiplication des données. Le comportement des acteurs du net est bien plus énergivore. Entre la génération de flux de données, la multiplication des applications, la consommation énergétique pour charger les batteries et la démocratisation des smartphones et autres tablettes ou montres connectées, l’addition risque d’être salée.

De la responsabilité des datacentres
 

L’idée n’est pas de noyer le poisson en repoussant la responsabilité énergétique vers les autres, mais d’encourager une prise de conscience collective de tout l’écosystème – particuliers comme organisations - sur les usages énergivores.

Alors que la demande pour des services d’interconnexion augmente, le défi est de bâtir un monde numérique durable. Les datacentres constituent alors un écosystème équilibré, perfectible sur le plan énergétique, où des entreprises de toute taille peuvent se développer. En concentrant sur un même lieu les infrastructures énergétiques et matérielles, le datacentre génère des économies d’échelle qui peuvent réduire la consommation électrique de l’ordre de 20%.

Il existe deux façons pour un datacentre de contribuer à une approche éco-responsable. S’il est difficile et peu réaliste d’imaginer approvisionner des datacentres directement en électricité issue de sources primaires renouvelables (éolien, solaire, hydraulique), il existe des programmes auxquels ils peuvent participer (ex : le contrat Equilibre+ d’EDF). Il s’agit alors d’une contribution sociétale indirecte puisque c’est à hauteur de la consommation observée dans les datacentres que les fournisseurs d’énergies s’engagent à injecter dans le secteur domestique la part équivalente en énergie provenant de sources dites renouvelables. La seconde  approche consiste à optimiser les climatisations, les éclairages et les seuils de tolérance des machines à des températures de fonctionnement plus élevées que les 22° préconisés par certains constructeurs.

En conclusion, en tant que pierre angulaire de l’économie digitale, les datacentres se doivent de faire évoluer leurs campus numériques pour combiner performance, efficacité et éco-responsabilité. Il est également crucial d’investir dans la R&D pour trouver des solutions qui rendront les datacentres moins énergivores malgré la croissance exponentielle de l’économie numérique.