Face au Covid-19, comment déployer une digital workplace en urgence ?

Face au Covid-19, comment déployer une digital workplace en urgence ? Avec le coronavirus, le télétravail n'est plus une option. Quels outils mettre en place ? Avec quel niveau de sécurité ? Quelles sont les bonnes pratiques dans les grands groupes ? Réponses.

C'est une véritable déferlante. Avec la montée en puissance des mesures de confinement, certaines applications de collaboration sont littéralement prises d'assaut par les professionnels basculant en télétravail. C'est notamment le cas de la messagerie d'équipe Microsoft Teams qui revendique 12 millions d'utilisateurs quotidiens en plus entre le 11 et le 18 mars. Du jamais vu. Son concurrent Slack a enregistré, lui, pas moins de 7 000 nouveaux comptes clients entre le 1er février et le 18 mars 2020, comparé à 5 000 au trimestre précédent. Quant à l'outil de visioconférence Zoom, déjà populaire, il n'a pas publié ses tout derniers chiffres. Mais sur janvier et février 2020, son volume d'utilisateurs mensuels progressait déjà de 2,22 millions, contre une hausse de 1,99 million sur l'ensemble de 2019. Ces trois mastodontes sont l'arbre qui cache la forêt d'un marché du collaboratif qui compte des dizaines d'autres technologies pouvant se révéler tout aussi pertinentes. Confrontées à la nécessité de maximiser le travail à distance face au Covid-19, les entreprises doivent aller au plus vite pour déployer ces offres de digital workplace auprès de leurs salariés. Pour répondre à l'urgence, plusieurs stratégies sont possibles.

Déployer des accès sécurisés

Première stratégie pour assurer le passage en douceur au télétravail : ouvrir des accès à distance aux stations de travail basées en interne, à leurs applications installées (logiciels, ERP, CRM…) ainsi qu'aux serveurs de fichiers départementaux associés. Une approche qui nécessite ordinateur portable et connexion sécurisée. Problème : les salariés étant encore globalement peu nombreux à disposer de tels équipements, les DSI peuvent être vite débordés, en particulier dans les grandes entreprises. D'autant que le réseau privé virtuel devra être correctement configuré et monitoré pour éviter les intrusions (lire l'article VPN et télétravail : la faille des entreprises face au coronavirus ?).

"C'est l'occasion pour le Cac 40 de booster les usages d'Office 365 ou G suite"

"Le VPN est une solution lourde à déployer qui n'est pas élastique", prévient Arnaud Rayrole, directeur général de Lecko, pure player français du conseil en digital workplace. Pour sécuriser une telle infrastructure mieux vaudra la fédérer en un point unique pour minimiser la surface d'attaque potentielle. Pour encaisser les connexions de centaines voire de milliers de salariés simultanément, elle devra être en outre correctement dimensionnée en capacités informatiques et réseau. Un vrai chantier pour la DSI, qui peut demander plusieurs jours.

"En attendant, les salariés se tourneront vers des applications web alternatives pour communiquer et travailler au risque de ne pas respecter les consignes de sécurité. Dans ce contexte, l'entreprise doit faire preuve de souplesse et accompagner ses troupes", recommande Arnaud Rayrole.

Accélérer les déploiements

Avant la crise, certaines sociétés avaient déjà amorcé la mise en œuvre de digital workplace en s'appuyant par exemple sur Office 365 ou G Suite. La bascule de leurs employés en télétravail peut être l'occasion de booster les usages autour de ces plateformes. "Certains de nos clients, y compris dans le Cac 40, prennent cette voie. Ils accélèrent en ce moment même les déploiements amorcés sur ce terrain à toute l'entreprise", témoigne Bastien Le Lann, directeur de Lecko en charge du pôle Etudes. "D'autres accordent plutôt la priorité à des populations clé pour des impératifs de sécurité. C'est le cas d'un de nos clients dans l'énergie qui est en train de déployer Microsoft Teams au niveau du comité de direction pour gérer la crise et assurer la coordination."

Certains acteurs, type OIV (opérateurs d'importance vitale), font face à des contraintes de sécurité telles qu'ils sont amenés à brider certaines fonctionnalités de leurs outils collaboratifs, voire même à bloquer ces derniers au profit de leurs systèmes d'information critiques, vitaux pour le pays. "Compte tenu de la crise actuelle, leurs collaborateurs devraient pouvoir a minima accéder à leurs mails de manière fluide et à un environnement de réunion à distance", conseille Bastien Le Lann.

Compléter l'existant

Si le VPN demeure un point de blocage, la problématique sera d'autant plus délicate en l'absence d'applications collaboratives en mode SaaS. "Chez un autre de nos clients, acteur européen de l'aérospatial, les télétravailleurs ne sont pas tous dotés d'une connexion VPN. Dans le même temps, il leur est formellement interdit d'aller puiser des logiciels sur Internet sans passer par la DSI. Bien conscient de cette règle, les salariés pèsent le pour et le contre en toute responsabilité. Est-ce grave de recourir à Gmail pour envoyer un document, d'utiliser FaceTime ou WhatsApp pour les réunions ? etc.", explique Bastien Le Lann. Une situation à laquelle sont actuellement confrontées nombre d'entreprises constate-t-on chez Lecko. "A l'heure du confinement des employés à domicile, les DSI apprennent à être plus tolérants vis-à-vis de ces tendances au shadow IT", constate Bastien Le Lann.

Dans un tel contexte, la stratégie idéale est de passer à une forme de shadow IT structurée et acceptée par la DSI. Une démarche qui doit permettre aux équipes de télétravailleurs de mettre œuvre et de s'approprier dans l'urgence les applications de collaboration adaptées à la situation.

Teams et Slack

Reste à savoir vers quelles briques de digital workplace se tourner ? "Il faut bien comprendre que le confinement vécu actuellement ne renvoie pas à du télétravail traditionnel avec quelques collaborateurs à distance. Il s'agit d'un mode de fonctionnement distribué de l'entreprise avec de ses équipes entières qui ne peuvent plus se voir physiquement. C'est complément différent. Il s'agit d'une approche dont les managers n'ont pas l'habitude et qui change profondément la manière de travailler, de piloter. Du coup, elle implique aussi un outillage particulier", insiste Arnaud Rayrole.  

"La méthode kanban est une approche de gestion d'activités simple et pratico-pratique, adaptée à une situation de crise"

D'où la montée en force de services de visioconférence comme Zoom pour les réunions à distance, et des messageries d'équipe Teams ou Slack pour gérer au quotidien les tâches des employés. "Au sein des grandes entreprises, beaucoup de salariés disposaient déjà de licences Office 365 sans pour autant recourir à Teams (qui est inclus dans la suite de Microsoft, ndlr)", reconnait-on chez Lecko. D'après le dernier benchmark de la digital workplace publié par le cabinet en janvier dernier, seul 7% de l'effectif des sociétés de plus de 5 000 salariés basées en France utilisait jusqu'alors des solutions de collaboration qualifiées d'avancées comme Teams et Slack, ou encore Trello pour la gestion de projet.

La crise du coronavirus a donc eu pour effet de pousser ces employés vers ces nouveaux usages, et notamment les utilisateurs d'Office 365 vers la brique Teams.

Une pincé d'agilité

Mais la messagerie collaborative et ses espaces de discussion par canaux d'activité ne résolvent pas tout. Pour manager les membres d'une équipe dispersés physiquement, les outils de gestion de projets kanban complètent l'édifice. "La méthode agile kanban est une approche simple et pratico-pratique taillée pour piloter, planifier, orchestrer le suivi à distance des projets mais aussi des activités business et du run : gestion commercial, politique de prix... Le tout dans un monde incertain, comme nous le vivons en ce moment, où les moyens d'atteindre les objectifs ne sont pas forcément connus à l'avance", estime Arnaud Rayrole. "Itération par itération, le flux kanban permet de réajuster la feuille de route et de réaligner les ressources au fur et à mesure."

Dernière application de la digital workplace chaudement conseillée face au travail distribué : le réseau social d'entreprise. A l'heure où des pans entiers de l'entreprise sont confinés à domicile, il permet aux salariés de rester connectés à l'organisation, de faire jouer les synergie en bénéficiant de communautés de pratiques transverses, en termes métier, de compétences... "Maintenir le lien social avec l'entreprise est fondamental pour le télétravailleur. Le réseau social d'entreprise est évidemment la solution pour répondre à ces besoins", confirme Bastien Le Lann. Et Arnaud Rayrole de conclure : "L'échange de masse permis par cet outil est capital en ce moment pour créer de la solidarité et de l'engagement dans les moyennes et grandes entreprises confrontées à l'éclatement géographique."