Laurence Lafont (Microsoft) "Microsoft planche sur des applications de gestion du déconfinement et du retour des salariés au bureau"

Le JDN poursuit sa série d'interviews de dirigeants face au coronavirus. La COO de Microsoft France revient sur l'activité de la filiale pendant le confinement et sur ses perspectives à moyens termes.

JDN. Quels sont les premiers enseignements que vous tirez de cette crise ?

Laurence Lafont est chief operating officer de Microsoft France. © Microsoft

Laurence Lafont. Notre PDG, Satya Nadella, estime que nous avons vécu en deux mois la transformation digitale qu'on aurait connue en deux ans. En termes d'organisation, il est évident que les entreprises comme les établissements publics qui ont mis en place le télétravail intensif ne vont plus travailler de la même manière. Ils se sont rendu compte que les meetings organisés à distance étaient aussi efficaces, voire plus. Incitant à la ponctualité, ils sont en général plus courts, plus structurés, et amènent à prendre des décisions plus facilement. Face à ce constat, nos clients s'interrogent sur les scénarios de télétravail qui pourraient perdurer.

Pendant la phase de confinement, Teams a été utilisé massivement comme outil de visio, ses fonctions historiques de messagerie d'équipe et de collaboration passant au second plan. Cette tendance vous amène-t-elle à repositionner Teams ?

Globalement, Teams se positionne comme un hub de communication. Il est vrai que l'usage des réunions virtuelles dans Teams a littéralement explosé avec le confinement. Nous avons enregistré un pic de plus de 200 millions de participants à des meetings virtuels sur une journée en avril. Ceci étant dit, le chat reste dans l'ADN de Teams. En parallèle d'une réunion virtuelle, les participants ont la possibilité de chatter, puis une fois le meeting terminé de conserver ce canal pour continuer à échanger, partager des informations complémentaires qui pourront être sauvegardées. Du coup, le recours à la visio ne se fait pas au détriment du chat. A l'inverse, un document échangé en visio sera publié dans le groupe de travail de l'utilisateur, dans son canal de conversation. Durant le confinement, les équipes de gestion de projet de nos clients ont aussi eu la possibilité de recréer dans Teams un environnement de travail complet, avec des channels de collaboration, et là encore du partage de documents.

Sur les 75 millions d'utilisateurs actifs quotidiens de Teams (audience enregistrée en plein confinement lors de la troisième semaine d'avril, ndlr), les deux tiers collaborent et interagissent entre autre via des fichiers partagés.

Cette crise va-t-elle amener Microsoft à faire évoluer sa stratégie et sa politique produit ?

Nous allons de plus en plus mettre en avant Power Platform. Cette plateforme de développement low-code permet de créer rapidement des applications, des processus métier, des services IT, des tableaux de bord de pilotage, le tout dans une logique agile. L'application de distribution de masques du groupement d'intérêt public hospitalier Resah est un excellent exemple de l'utilisation de Power Platform dans le contexte du Covid-19. Grâce à Power Platform, elle a été développée en moins de 15 jours. Nous envisageons d'ailleurs de la repackager pour des collectivités confrontées au même besoin, voire pour gérer d'autres types d'équipements.

"Dans un environnement de plus en plus incertain, nos clients prennent conscience de l'importance de se doter d'outils agiles"

Depuis, nous avons engagé des réflexions avec des clients et des partenaires pour recourir à Power Platform pour d'autres cas d'usage. En ce moment, nous planchons par exemple sur des applications de gestion du déconfinement et du retour des salariés au bureau. Avec Power Platform, il est possible de monter très vite des démonstrateurs, et de sortir une première version d'application qu'on pourra ensuite faire évoluer une fois celle-ci déployée. De ce point de vue, Power Platform constitue un excellent moyen pour répondre aux crises ou aux situations inattendues. Elle peut permettre aux organisations de s'adapter rapidement sans réinventer le système d'information, tout en capitalisant sur des infrastructures et ressources cloud évolutives.

Dans cette phase post-confinement, quels sont les principaux besoins de vos clients BtoB ?

Dans un environnement de plus en plus incertain, ils prennent conscience de l'importance de se doter d'outils agiles, à l'image de Power Platform, pour digitaliser et adapter leur processus métier et client rapidement, à la vitesse de la crise. La modernisation de l'infrastructure IT et la rationalisation des coûts sont aussi plus que jamais prioritaires. Avec comme levier principal : un recours plus intensif au cloud pour pouvoir replier instantanément la voilure en cas de crise. Autre priorité : la data driven decision qui consiste à se doter d'une meilleure visibilité sur les opérations et les clients en vue d'accélérer la prise de décision relative au lancement d'un produit ou à l'arrêt d'un service. Enfin, le développement durable est une préoccupation qui se démocratise. Face à ce défi, le digital aura un rôle à jouer pour réinventer les flux de personnes, de marchandises... à l'aune d'un environnement plus respectueux du climat.

Laurence Lafont a commencé sa carrière chez France Telecom où elle contribue au développement des télé-activités pour l'éducation et le secteur public. Elle a ensuite pris la direction de projets de services chez Orange France. Après une expérience de création de start-up Internet, elle rejoint Oracle en 2001 où elle reste neuf ans, assurant des fonctions de business développement, de stratégie, vente et marketing, en France puis à l'international. En 2010, elle est nommée vice-présidente ventes chez Nokia, avant de rejoindre Microsoft France comme directrice de l'entité Secteur public en 2012. COO de la filiale depuis septembre 2016, Laurence Lafont accompagne la stratégie globale de Microsoft France, et en particulier la transformation digitale des organisations. Elle est ingénieure, diplômée de l'Ecole Supérieure d'Electricité (Centrale Supélec).

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