Dans la crise actuelle, les acteurs publics doivent encourager les citoyens à opter pour les solutions numériques souveraines !

Chronique signée par Thomas Fauré, président de Whaller, Philippe Latombe, député de la 1ère circonscription de Vendée et membre de la commission des lois, Jean-Michel Mis, député de la Loire et membre du Conseil national du numérique, Philippe Lenoir et Pascal Voyat, cofondateurs de Mailo.

Notre souveraineté numérique ne cesse de s’affaiblir au profit des géants du numérique, en particulier les Gafam. Dans ce contexte, des acteurs à la pointe du combat sur le sujet prennent la parole.

Les initiatives publiques visant à stimuler notre souveraineté numérique doivent aller plus loin 

Des mesures prometteuses ont été mises en œuvre pour renforcer notre indépendance numérique sur le plan de la fiscalité, de la réglementation, de l’investissement et de l’hébergement des données. Tout d’abord, le gouvernement français a montré l’exemple à l’Europe en instaurant une taxe Gafa pour rééquilibrer les conditions du marché. Ensuite, il a ouvertement soutenu nos start-ups avec de bons résultats : les levées de fonds records sont de plus en plus nombreuses, des licornes françaises émergent, la French Tech se met en marche... Enfin, le projet franco-allemand Gaïa-X, dont la première plateforme sera présentée à l’été 2021, favorisera l’émergence de standards européens en matière de cloud et contribuera à aider les administrations et entreprises européennes à identifier des alternatives aux mastodontes numériques étrangers.

Notre appel collectif à la création d’un "label" valorisant les entreprises protectrices de nos données a également donné lieu à une proposition de loi de "Cyberscore" initiée par le Sénat qui a fait de la souveraineté numérique une priorité de son programme de travail. Aujourd’hui, chaque utilisateur qui se connecte à une plateforme numérique n’en perçoit pas forcément le degré de protection de ses données personnelles, notamment en raison du manque de transparence de certains éditeurs de logiciels ; le "Cyberscore" contribuerait à combler ce déficit de connaissance et à donner l’opportunité aux utilisateurs de faire un choix éclairé.

L’urgence est de sensibiliser la population à la souveraineté numérique 

Si la proposition de loi sénatoriale "Cyberscore" va dans le bon sens, un prérequis indispensable doit être mis en œuvre dès maintenant : une vaste campagne de sensibilisation permettant à tous nos concitoyens d’être pleinement conscients que les choix qu’ils font en matière de services numériques ont des conséquences pour eux-mêmes et pour la société en général, sur nos emplois, notre recherche, notre indépendance, nos valeurs, nos communications, en un mot sur notre monde de demain, en France et en Europe...

Nous, acteurs du numérique, appelons à lancer dans les meilleurs délais – en partenariat avec l’État et les régions – une vaste campagne de sensibilisation pour que chacun privilégie dès à présent les applications et services numériques de confiance, protecteurs de nos données. Cette campagne de sensibilisation citoyenne doit s’articuler autour de trois idées :

1) Les données sont "le nouveau pétrole de nos économies". Au cours des 5 dernières années on a produit plus de données que dans toute l’histoire de l’humanité ! Cette richesse conditionne désormais notre indépendance économique et industrielle.

2) Et pourtant, nous livrons gratuitement nos données à des entreprises étrangères. Nous ne maîtrisons ni nos réseaux sociaux, ni nos messageries privées, ni nos moteurs de recherche, ni nos systèmes d’exploitation, ni les services numériques personnels ou professionnels hébergés chez des acteurs non européens du cloud.

3)  Nous devons repenser nos usages en privilégiant des services numériques souverains et respectueux de nos données. Chacun doit avoir conscience que nos pratiques numériques quotidiennes, a priori banales, fournissent une immense quantité de données aux Gafam et privent la France et l’Europe de leur pétrole numérique. De plus, la grande majorité des données sensibles générées sur notre territoire (santé, sécurité, affaires, administration, ...), en majorité hébergées sur des cloud non européens, sont soumises au risque d’être transférées et exploitées en dehors de l’UE alors que 72% des Français s’y opposent (sondage IFOP).

Cette campagne de sensibilisation nationale, menée en tandem par l’État et la société civile, doit être une des composantes du volet numérique de France Relance. Elle permettra (1) d’attirer l’attention de chaque utilisateur sur des applications de confiance françaises et européennes, protectrices de nos données (2) de faire de la souveraineté numérique un thème accessible à tous alors qu’il est aujourd’hui réservé à une poignée d’élites et d’institutions (3) d’encourager nos entrepreneurs à développer des solutions de confiance performantes et (4) de renforcer des initiatives publiques ambitieuses et pertinentes comme celle du "Cyberscore".

En France comme en Europe, nous disposons des ressources humaines et technologiques nécessaires pour devenir une grande puissance numérique capable de rivaliser avec les États-Unis et la Chine, mais nous n’y parviendrons véritablement qu’avec des citoyens pleinement avisés et responsables. Alors, regroupons-nous, start-up, entreprises, associations, décideurs publics et usagers, dès maintenant dans cette reconquête essentielle.

Les signataires de cette tribune sont résolument prêts à y contribuer :

Thomas Fauré, Président de Whaller
Philippe Latombe, Député de la 1ère circonscription de Vendée, Membre de la commission des lois
Philippe Lenoir, Cofondateur de Mailo
Jean-Michel Mis, Député de la Loire, Membre du Conseil national du numérique
Pascal Voyat, Cofondateur de Mailo