Fusion-acquisition : comment réussir la migration du système d'information ?

La migration IT est une étape clef du processus de rapprochement entre deux sociétés qui fusionnent ou quand une société en acquière une autre. L'objectif est d'unifier les SI pour unifier les outils et processus et mettre en œuvre la stratégie de l'entreprise résultante.

Article de Pierre-Jean Latour, directeur de mission Harwell Management et Pascal de Lima, chef économiste Harwell Management

Dans le cadre du rapprochement entre deux entreprises qui fusionnent ou lorsqu’une entreprise en acquière une autre, on identifie d'abord l’entité principale, l’acquéreur, et l’entité absorbée. La migration consiste alors à enrichir le SI cible, celui de l’entité principale, des données du SI source, celui de l’entité absorbée. Mais la migration des données ne représente en moyenne que 50% du projet. Le reste de la charge comprend le paramétrage, la conduite du changement, les plans de sauvegarde et le suivi de projet.

La migration s’achève avec la disparition du SI source. Ainsi la complexité du projet résulte davantage de l’ampleur du périmètre que des aspects techniques. Au-delà du processus d’harmonisation on attend aussi d’un tel projet des économies de l’ordre de 25% sur les coûts de fonctionnement IT.

Les étapes d’un projet de migration

Le projet débute par une étude de la source et un gap analysis par rapport à la cible pour identifier les écarts fonctionnels et les écarts au niveau des données communes ou non aux deux SI et dont la granularité, la finesse fonctionnelle et la forme peuvent être assez éloignées entre source et cible. La qualité des données de la source (présence, cohérence entre données ou temporelle, etc.) rentre aussi en compte.

Cette analyse permet de définir les règles de gestion pour la reprise et les programmes informatiques à écrire pour les mettre en œuvre. Ils doivent ensuite être testés, sur des données fictives incluant si possible toute la variété des statuts et des évènements sur les produits puis sur des données réelles. Une ou des bascules à blanc, aussi proche que possible de ce que sera l’opération véritable, permettent de valider les traitements dans leur globalité.

Habituellement, la maxime "adopter sans adapter" prévaut et les fonctionnalités de la source non reprises sur la cible doivent être gérées dans le chantier conduite du changement de même que la renumérotation des comptes et des contrats lorsqu’elles sont incontournables.

Du big bang à la migration de multiples services

La migration peut se concevoir en un projet unique pour l’ensemble du SI ou, par étapes, à commencer par les clients et les comptes, puis produit par produit. Le premier mode est plus rapide, et donc moins cher, mais plus risqué. Le second mode, plus progressif, dilue les risques, mais il nécessite de mettre en place des interfaces complexes et jetables à double sens entre source et cible.

L’ordre de grandeur pour une migration en big bang est de 4 mois de cadrage et 10 mois pour écrire et tester la migration des données. Le coût global avoisinera les 15 000 jours/homme. Pour une approche progressive, aux 4 mois de cadrage, on ajoute 4 mois pour la bascule des référentiels, des clients et des comptes et l’écriture des interfaces, pour un coût d’environ 8 000 jours/homme. La migration des produits simples se réalise en 2 mois pour 1000 jours/homme par produit. Les produits moyennement complexes (crédits, moyens de paiements, etc.) nécessitent 3 mois pour 1500 jours/homme unitairement. Ces sous-projets peuvent être parallélisés. Le coût global sera de l’ordre de 20 000 jours/homme.

Les clefs du succès

Le premier facteur de succès d’un projet aussi long et impactant est un sponsor de niveau comité exécutif, à minima. Il faut ensuite assurer un pilotage par les métiers par rapport à l’objectif opérationnel d’uniformisation des outils et des processus. La stabilité de l’équipe de migration est essentielle et un chef de projet externe, sans autre motivation que la réussite de la migration dans le respect des coûts et des délais, facilite le respect du "adopter sans adapter".

Les autres facteurs clef de succès seront l’efficacité de la gouvernance, en particulier face aux aléas inévitables pour un projet complexe et long, l’importance donnée à la recette et à sa préparation, l’investissement consacré à la conduite du changement et notamment dans le reclassement des équipes IT de la source dont la réussite est un marqueur très important du succès du projet. On peut également citer un SI s’appuyant sur des référentiels qui comportent souvent des fonctions d’import de masse et de dédoublonnage.

Le dernier mot au facteur humain

La migration du SI est toujours une grande aventure collective. Les réticences s’effacent rapidement et les personnes s’adaptent très vite lorsque le projet est lancé. Il s’agit habituellement d’un projet pluriannuel, de quoi marquer positivement un Curriculum Vitae. Ainsi, on peut l’affirmer sans détour, le premier facteur clef de réussite est l’expérience du chef de projet, sa vision globale et détaillée, sa capacité à anticiper les problèmes et son leadership pour embarquer une équipe conséquente dans l’aventure.