Gouvernance des données : les combinaisons gagnantes sont toujours collectives !
Comment mettre en place une équipe data gagnante ? Tour d'horizon des conseils d'un coach pour mettre en place une stratégie en mettant toutes les chances de son côté.
Il y a 10 ans, j’écrivais mon premier article sur la gouvernance des données. J’accompagnais alors les banques et assurances dans la mise en place de leur cadre de gouvernance des données, en réponse aux réglementations (Solvency 2, BCBS 239). Le big data révolutionnait la gestion des données. Leur gouvernance devenait le levier indispensable à l’efficacité opérationnelle des futurs lacs de données, toujours menacés de demeurer des “marais” (ou data swamps). Il fallait expliquer, convaincre et illustrer, souvent de façon théorique - nous explorions encore une tendance.
Au-delà des exigences règlementaires qui imposaient des cadres de gouvernance, l’enjeu était de convaincre les comités exécutifs des moyens humains et financiers nécessaires à la réorganisation, voire à l’organisation des données.
Depuis, les esprits ont gagné en maturité. Les programmes et retours d’expérience ont convaincu les acteurs du secteur financier (et les autres) : maîtriser ses données est un pilier stratégique dans toutes les organisations. Au-delà des bénéfices financiers et opérationnels, gouverner ses données, c’est optimiser leur gestion et leur stockage, c’est aussi maximiser la réponse aux enjeux environnementaux en répondant aux objectifs d’IA frugale.
Aujourd’hui, l’accent est mis sur l’acculturation et la sensibilisation autour de la gestion des données à tous les niveaux : opérationnels, tactiques et stratégiques, et auprès de toutes les parties prenantes des organisations.
Dans la majorité des organisations que nous accompagnons, les comités exécutifs assurent un sponsorship fort, les CDO sont nommés, les processus sont revus, les rôles et responsabilités sont définis, les contrôles et KPIs sont en place. Notre accompagnement s’est donc transformé en actions de coaching, d’audit et de revue pour améliorer la gestion des données et déployer des cas d’usages innovants.
La gouvernance des données : un sport collectif à développer au cœur des organisations. Mais comment mettre en place une équipe gagnante ?
1. Se convaincre que les meilleurs joueurs ne font pas la meilleure équipe
La gouvernance vise à s’affranchir des silos et à assurer le partage, la compréhension et la confiance dans les données manipulées et publiées. Il s’agira donc de bien comprendre les actions, périmètres et expertises de chacun de ses coéquipiers pour développer des interactions efficaces et gagnantes. Un joueur individuel n’améliorera pas l’efficacité de l’équipe : expliquer, documenter, contrôler ses données et définir les processus de partage et d’échange, c’est assurer un passage gagnant à ses coéquipiers.
2. Le terrain de jeu, la composition de l’équipe et les méthodes d’entraînement doivent être clairement définis
Prérequis : définir son modèle organisationnel (centralisé, fédéré ou décentralisé) et se donner les moyens d’atteindre cette cible en redéfinissant son terrain (ses moyens et son parc technologique). La mise en place d’une organisation centrée sur la donnée est un facteur clef de succès. Mais elle nécessite des programmes de restructurations importants qui se construisent sur l’apprentissage et le déploiement de cas d’usages.
L’IT a naturellement évolué pour mettre en place des data factory, facilitant la centralisation, la gestion et la mise à disposition des données, indispensables aux joueurs. De nouveaux rôles et de nouvelles fonctions ont renforcé les équipes : data analyst*, data steward, data custodian, data architecte, etc. Ils répondent aux besoins des joueurs : gestion des données, reporting, traçabilité, documentation, KPIs, etc. La proximité et la compréhension mutuelle des rôles et activités entre le “staff” et les joueurs (data owner, KPI owner) constituent la colonne vertébrale du dispositif. Des data steward peuvent être nommés pour assurer cette cohésion.
Un coach (le chief data officer) devra être à la fois motivant, influent, résilient, diplomate mais aussi directif pour animer le jeu et l’entraînement (maîtriser et industrialiser les cas d’usages et processus data / schémas de jeu) tout en développant de nouvelles tactiques et de nouveaux usages de la donnée.
3. Impératif : éprouver son schéma tactique
Définir les combinaisons de jeu, tester et entraîner son équipe (identifier les meilleurs cas d’usages pour développer son programme de gouvernance des données) :
- S’échauffer : commencer par des cas simples et maîtrisés,
- Mettre en place des situations : favoriser la transversalité, animer une première équipe, définir les règles, l’organisation et les tactiques,
- Etoffer et intensifier le jeu : intégrer progressivement de nouveaux joueurs à l’équipe initiale, faire évoluer les règles et les tactiques.
La stratégie s’affinera, les progrès pourront être mesurés et pilotés.
4. Préalable : développer et renforcer sa défense
Avant d’envisager des actions offensives, pensez à construire et entraîner un collectif défensif : comprendre le rôle de ses coéquipiers, construire des schémas défensifs efficaces, anticiper les actions et les mouvements (changements, évolutions internes et externes).
Mettre en place une stratégie défensive de gouvernance des données est la base du dispositif : définir le cadre, les principes directeurs, gérer les problèmes liés aux données, améliorer leur qualité, intégrer des données externes, standardiser, normaliser, désiloter, protéger, échanger et publier des données contrôlées, documentées et fiables.
5. Passer ensuite à l’offensive
Une fois le cadre opérationnel, le terrain de jeux praticable et adapté aux besoins, une approche offensive peut être déployée.
Des stratégies d’innovation et de nouveaux usages autour des données peuvent être envisagées. Les données peuvent être valorisées et échangées. De nouveaux joueurs arrivent sur le terrain et doivent comprendre les schémas et tactiques en place pour sécuriser et optimiser leur offensive (s’appuyer sur un patrimoine de données fiables, documentées et contrôlées pour développer de nouveaux usages).
Les moyens pour développer cette offensive :
- Observer la concurrence, ses tactiques et adapter sa stratégie,
- Être innovant dans le jeu en développant de nouveaux schémas offensifs ; plus qu’un concept, l’IA est devenue une réalité et un moyen de renforcer son équipe et son efficacité (même si cette activité existe depuis des dizaines d’années, les technologies, les Gafam, les fintechs, les startup ont bousculé les paradigmes, rendant stratégique, concurrentielle et vitale son adoption opérationnelle).
Les règles du jeu évoluent, les schémas tactiques doivent être redéfinis pour éviter l’essoufflement des initiatives ML/IA. Nous voyons beaucoup d’organisations tenter de trouver des bénéfices et des résultats en testant différents algorithmes de ML et d’IA, mais les taux de transformations et les gains restent encore trop faibles. Deux principaux constats : les données d’entraînement des modèles ne sont pas suffisamment fiables et les objectifs ne sont pas clairement définis. Il s’agira de bien définir les objectifs de son équipe, pour la renforcer, l’organiser, l’entraîner et la rendre plus performante (on n’intègre pas de nouveaux joueurs sans stratégie collective).
Il est donc structurant de revoir les approches et les stratégies en intégrant dès le démarrage des réflexions et des initiatives ces nouveaux joueurs à l’équipe. Il s’agira pour eux de comprendre puis de maîtriser le jeu en place (connaître le patrimoine informationnel, le socle technologique, l’écosystème), de s’intégrer aux tactiques de l’équipe (connaître les règles et processus autour des échanges, des contrôles et de la gestion des données), pour enfin définir de nouvelles tactiques adaptées, efficaces et stables qui transformeront le jeu.
Le conseil final du “coach” et de son staff
Construire et entraîner sa défense en développant un collectif organisé puis passer à une offensive gagnante : préparer et maîtriser ces données, ces jeux de données d’entraînement puis de supervision (les données de supervision devront évoluer en même temps que l’apprentissage des modèles et algorithmes), définir ses processus et protocoles d’échanges et de contrôles des données et déployer des usages innovants.
A vous de jouer !