Le métavers est-il mort ? Les promesses d'une technologie en transformation

Annoncé comme une révolution, le métavers semble relégué au second plan. Pourtant, il se réinvente discrètement, explorant des usages concrets qui esquissent les contours d'un web immersif et humain.

À l’annonce spectaculaire de Meta en 2021, le métavers a été présenté comme la prochaine grande révolution numérique. Pourtant, face à l’essor fulgurant de l’intelligence artificielle ces dernières années, le scepticisme prédomine désormais à l’égard des espaces virtuels immersifs. Certains déclarent la mort du métavers, alimenté par des projets inaboutis, des performances économiques décevantes et une confusion conceptuelle. Mais ce constat amer masque une vérité plus nuancée : le métavers, loin de s’éteindre, se transforme, évolue et trouve des usages concrets qui préfigurent discrètement la possible naissance  d’un nouveau web.

Un concept victime de la hype

Le métavers a souffert d’attentes irréalistes et d’une vision floue. Aux yeux du grand public, il reste un amalgame complexe : réalité mixte, NFT, blockchain et avatars. Les grands investissements de Meta, suivis de réductions spectaculaires d’effectifs, ont renforcé l’idée d’une bulle en plein éclatement. Le déficit persistant de Reality Labs met en lumière les limites de ces paris audacieux, rappelant que ces revers ne sont qu’une étape naturelle d’une courbe d’adoption similaire à celle d’Internet dans les années 2000. Le métavers traverse aujourd’hui le creux de la désillusion, pour reprendre la terminologie du Hype Cycle de Gartner.

Des usages concrets et stratégiques

Loin d’être cantonné au divertissement, le métavers révèle des applications concrètes dans des secteurs clés. Dans l’éducation, la formation professionnelle ou encore la santé, les environnements immersifs redéfinissent les méthodes d’apprentissage et d’entraînement. Par exemple, des outils comme Gravity Sketch permettent une conception 3D collaborative, réduisant ainsi les délais de prototypage, tandis que des plateformes comme Bigscreen recréent un cinéma à domicile en immersion totale. Les jumeaux numériques, désormais indispensables dans l’industrie, modélisent des appareils physiques en temps réel et optimisent les processus complexes ainsi que les infrastructures critiques.

Ces exemples démontrent que le métavers n’est pas une finalité, mais un outil au service de cas d’usage spécifiques. Pour une adoption grand public, la clé réside dans sa capacité à s’intégrer naturellement et discrètement dans nos pratiques professionnelles et personnelles. À l’image du luxe discret, le métavers doit proposer une technologie discrète, présente dans nos usages sans se rendre visible. C’est ce que propose, par exemple, Amazon Beyond, qui transforme l’expérience d’achat en showroom 3D immersif. Loin d’un simple catalogue numérique, cette technologie engage les utilisateurs dans des récits sensoriels et immersifs, redéfinissant les standards du commerce en ligne.

Des défis éthiques et techniques

Le développement de grands espaces virtuels persistants et sociaux pose des questions fondamentales. La collecte massive de données personnelles, les risques liés à la surveillance ou encore l’impact environnemental des infrastructures numériques suscitent de légitimes inquiétudes. La question cruciale de la décentralisation émerge alors : comment éviter une mainmise des géants technologiques tout en assurant la sécurité des utilisateurs ? Comment créer un cadre où la vie privée reste protégée sans compromettre les avancées technologiques ?

La blockchain et les organisations autonomes décentralisées (DAO), piliers du Web3, pourraient constituer une réponse partielle mais prometteuse en redonnant aux utilisateurs un contrôle accru sur leurs données et contenus. Toutefois, ces solutions nécessitent un cadre technique solide et une adoption élargie pour concrétiser leur promesse.

Un glissement progressif vers le web immersif

À travers ses évolutions actuelles, le métavers amorce un glissement progressif vers un web plus immersif et plus humain. Ce futur numérique ne remplace pas le monde réel ; il l’enrichit en ajoutant des couches interactives et sensorielles à nos expériences quotidiennes. Les interfaces traditionnelles, figées dans leur ergonomie rectangulaire, tendent à laisser place à des dispositifs intuitifs comme les lunettes de réalité augmentée (à l’image du prototype Orion), capables de superposer informations et interactions au monde physique.

Ce chemin, déjà entamé par la reconnaissance vocale, continue avec les gestes et les mouvements oculaires pour remplacer les clics, les pointages et les claviers. L’objectif : faire de l’humain l’interface ultime, naturelle et fluide, où la technologie s’efface pour proposer des usages fluides et intuitifs.

Une renaissance plus qu’une disparition

L’annonce de la mort du métavers revient à enterrer une vision immature, centrée sur l’exubérance technologique et les effets d’annonce spectaculaires. En réalité, nous assistons à une phase de maturation nécessaire où les innovations, loin de s’imposer brutalement, s’intègrent progressivement. Ce qui se dessine, malgré l’incertitude, est une adaptation progressive du web aux capacités tridimensionnelles de notre cerveau. Cette évolution logique des technologies numériques s’aligne davantage avec notre expérience sensorielle du monde, ouvrant de nouvelles dimensions pour les interactions et l’exploration numériques.

Construire un web immersif plus éthique

Le débat est loin d’être clos. C’est à nous d’accompagner cette transformation pour bâtir un web immersif plus éthique, utile et inclusif. Dans cette nouvelle itération du web, les créateurs, les citoyens et les innovateurs ont l’opportunité de redéfinir les règles et de faire entendre leurs voix. Ce n’est pas la fin du métavers, mais le début de son évolution, où la technologie se met au service de l’humain, enrichissant nos vies sans les détourner de leur essence.