Facturation électronique obligatoire : l'archivage légal, angle mort de la réforme ?
Face à l'arrivée de la facturation électronique obligatoire, les entreprises ne doivent pas faire l'impasse sur l'archivage légal qui reste leur obligation.
À partir de septembre 2026, la réforme de la facturation électronique entrera en vigueur. Elle imposera à toutes les entreprises françaises l’émission et la réception de factures électroniques structurées, seules recevables en cas de contrôle fiscal.
Dans ce contexte, l’attention se focalise logiquement sur les plateformes de dématérialisation partenaires (PDP), au cœur du dispositif. Pourtant, un autre pan fondamental reste trop souvent relégué au second plan : l’archivage électronique.
Bien plus qu’un simple stockage, l’archivage légal constitue une condition implicite mais essentielle de la conformité. Si nombre d’entreprises comptent sur leur PDP pour gérer l’ensemble du processus, il est essentiel de rappeler que ces plateformes n’ont aucune obligation en matière d’archivage légal. Il revient donc aux entreprises de définir clairement leurs besoins en matière de gestion, de transmission et de conservation des factures, afin de s’assurer du respect des exigences légales imposées par les autorités.
Un cadre encore flou : le vide réglementaire de l’archivage légal
En effet, à l’approche de la généralisation de la facture électronique, un point critique reste insuffisamment cadré : l’archivage. Car :
- L’administration fiscale peut exercer son droit de reprise pendant six ans,
- Tandis que le Code du commerce impose quant à lui une conservation de documents comptables et commerciaux pendant six à dix ans.
Ainsi, la réglementation actuelle ne prévoit aucune obligation d’archivage à la charge des PDP après la transmission des factures. D’où l’importance de sélectionner une PDP capable d’assurer, en plus de la transmission, un archivage légal à valeur probante, afin de sécuriser pleinement vos obligations fiscales et légales.
Dans ce contexte, il faut bien noter que l’archivage ne peut se limiter à un simple stockage de fichiers numériques. Il s’agit d’un processus encadré visant à garantir que chaque document puisse servir de preuve fiable, recevable lors d’un contrôle fiscal, d’un audit ou d’un contentieux. Un véritable archivage à valeur probante repose sur trois piliers essentiels, tels que définis par la norme NF Z42-013 : l’authenticité (tracer l’origine du document), l’intégrité (garantir qu’il n’a pas été altéré) et la lisibilité (assurer sa lisibilité dans le temps). Sans ces garanties, les documents archivés pourraient être considérés comme juridiquement irrecevables.
Changement de PDP : un point de rupture possible
A ce flou réglementaire, s’ajoute une autre difficulté : le changement de PDP. Ce type de transition, bien que permise par la réforme, peut avoir des conséquences lourdes si la migration documentaire n’est pas rigoureusement encadrée.
Changer de plateforme ne signifie pas simplement transférer des fichiers : il faut aussi préserver tous les éléments qui garantissent la valeur probante des factures (cf. signature électronique, horodatage, empreinte numérique).
Sans cette rigueur, une facture pourtant conforme à l’origine peut perdre toute valeur légale après migration. Et lors d’un contrôle fiscal ou d’un audit, elle pourrait tout simplement être rejetée comme preuve.
Les risques d’un archivage incomplet ou mal maîtrisé
Face à toutes ces considérations, en cas de défaut de conservation probante, les entreprises s’exposent à des sanctions financières et administrative lourdes :
- En cas de non-représentation des factures à l’administration fiscale dans le délai légal de six ans, une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 euros peut être encourue.
- A cela peut s’ajouter : rejet de comptabilité par l’administration fiscale, redressement, voire exclusion temporaire des marchés publics.
Mais comment anticiper les enjeux de l’archivage à valeur probante ?
- Opter pour une PDP qui garantit un stockage sécurisé des factures dans les durées réglementaires imposées par l’administration fiscale et le code du commerce,
- Mettre en place un système d’archivage électronique à valeur probante, conforme à la norme NF Z42-013/ NF 461, pour assurer l’intégrité, la traçabilité et la restitution des factures dans le temps ;
- Conserver les factures dans leur format d’origine, que ce soit en PDF, XML ou autre, afin de garantir leur authenticité et répondre aux exigences de contrôle fiscal et comptable ;
- Bien choisir sa PDP et/ ou anticiper un éventuel changement de PDP, en prévoyant des mécanismes de portabilité et d’exportation sécurisée des archives pour ne pas perdre la valeur probante des documents dans le temps ;
- Compléter l’archivage PDP par une politique d’archivage interne, permettant de centraliser, historiser et sécuriser toutes les versions et formats des factures, y compris celles reçues via d'autres canaux.
En l’absence d’un cadre unifié entre les obligations de la réforme et celles du droit fiscal et commercial, c’est bien à l’entreprise qu’incombe la responsabilité de garantir la pérennité et la conformité de ses archives. Un enjeu stratégique, souvent sous-estimé, mais crucial en cas de contrôle.
Si, la facture électronique marque un tournant, son efficacité dépendra de la capacité des entreprises à sécuriser leur archivage sur le long terme. Il est essentiel d’anticiper, de structurer et de reprendre le contrôle sur la conservation des factures. Au-delà d’une exigence légale, c’est un enjeu de confiance, de conformité et de pérennité. Dans un univers de plus en plus numérique, la mémoire des documents reste le socle de toute gouvernance saine.