Feux de forêt : articuler l'humain et la technologie pour une meilleure prévention

Si la technologie semble incontournable, elle est indissociable d'une vraie réflexion à mener sur notre rapport au vivant et notamment vis-à-vis de la prise en charge de sa protection.

Il n'y a plus de saison des feux. Un constat qui inquiète autant qu’il interroge sur notre capacité, en tant que société, à offrir une réponse adéquate et pérenne à cette nouvelle réalité incarnée par l’essor des mégafeux. Si la technologie semble incontournable, elle est indissociable d’une vraie réflexion à mener sur notre rapport au vivant et notamment vis-à-vis de la prise en charge de sa protection. Cela ne pourra que renforcer une mobilisation et une prévention d’ores et déjà bien en place.

La valeur du sauvé : une piste pour améliorer la prévention

Les prévisions pour 2050 n’ont pas de quoi rassurer : selon les scénarios envisagés, une augmentation significative des surfaces brûlées serait inévitable, pouvant aller de +80% jusqu’à un triplement des zones affectées. Le réchauffement climatique et la gestion inégale des forêts en sont les principales causes. Pour autant, il n’est pas question de pointer un ou plusieurs responsables car les différents acteurs de la forêt se mobilisent déjà intensivement au quotidien. La gestion des petits feux s’est d’ailleurs grandement améliorée, réduisant paradoxalement le nombre d’incendies ces dernières décennies en France selon François Plimont[1], ingénieur de recherche en écologie des forêts méditerranéennes à l’INRAE.

Certes, la synergie entre les acteurs politiques, les services de secours, les acteurs économiques, les propriétaires de forêt et exploitants pourraient être plus efficaces mais ce n’est pas là le seul point d’amélioration. Aujourd’hui, il est difficile d’améliorer l’impact des dispositifs de prévention car les dégâts sur les forêts n’ont pas forcément de valeur monétaire, surtout si aucune exploitation ou habitation n’est touchée. Dès lors, pourquoi ne pas introduire la valeur du sauvé d’un point de vue assurantiel afin de quantifier véritablement le risque incendie et ainsi de décider ce qui doit être protégé ? Traduire la réalité des feux de forêt en chiffres semble essentiel pour justifier et légitimer les investissements réalisés au titre de la prévention incendie. Cela permettra d’améliorer les modèles de prévention et de les répliquer à l’échelle du territoire.

N'oublions pas que derrière une forêt brûlée, c’est tout un tissu économique incarné pas des acteurs engagés qui est touché. Mais au-delà des considérations économiques, nous devons repenser notre rapport au vivant ; comprendre que notre patrimoine naturel n’est pas éternel. Et il ne s’agit pas tant d’une réflexion personnelle que d’une vision sociétale à même de mieux calibrer nos actions préventives dans les années à venir. 

La technologie, une solution à double tranchant

Pour mieux anticiper et endiguer les feux et notamment les mégafeux, l’usage de solutions spécifiquement dédiées à la surveillance et à la détection des incendies est inévitable. Au regard des immenses dégâts causés par les mégafeux qui deviennent rapidement incontrôlables, la technologie donne l’occasion aux acteurs mobilisés de pouvoir intervenir plus rapidement afin d’éviter que les feux n’atteignent une taille à laquelle il sera difficile de les maîtriser. Analyse de données météorologiques, drones équipés de caméras infrarouges pour surveiller les zones à risques ou encore utilisation de capteurs IoT pour améliorer les simulations au sein des zones inaccessibles, les dispositifs sont à la fois nombreux et complémentaires.

Si nous reconnaissons l’intérêt de l’approche technologique pour lutter contre les feux de forêt, elle ne peut être dissociée d’une réflexion sur son impact. Dans le cadre des politiques de prévention, nous avons le devoir de ne pas détourner le regard face au coût environnemental des solutions technologiques qui peuvent contribuer indirectement à l’aggravation du risque incendie. Ces dernières ne sont en rien des remèdes miracles et elles doivent être pleinement justifiées afin de s’insérer intelligemment aux moyens d’action existants. Ici, la cohérence et la complémentarité doivent primer pour parvenir à une gestion plus globale des feux de forêt. 

[1] « Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable : compte rendu de la semaine du 13 juin 2022 : Prévention et lutte contre l'intensification et l'extension du risque d’incendie ».