Référentiels de bonnes pratiques et pragmatisme

Les bonnes pratiques ITIL, CMMI ou EFQM peuvent permettre aux DSI de contribuer aux efforts de réduction de coûts. Mais l’optimisation des processus est une transformation profonde dans laquelle il faut s’engager avec discernement et pragmatisme.

Dans le contexte économique actuel, les entreprises cherchent autant que possible à réduire leurs dépenses. Appelées à participer à cet effort, les directions informatiques envisagent souvent de délocaliser vers des pays à très bas coûts. Mais c'est une solution à manier avec prudence car il ne faut pas oublier de déduire les coûts cachés des bénéfices financiers directs. Des défauts de qualité peuvent par exemple retarder de façon dramatique le lancement d'un nouveau service ou jeter le discrédit sur une nouvelle application auprès des utilisateurs. De plus, la perte de confiance ou de savoir-faire qui peut accompagner une délocalisation est ensuite très difficile à rattraper, et l'expérience montre que, parfaitement maîtrisé, l'offshore apporte au mieux une économie de 20 %. Et de tels cas sont rares...

Mesurer de réels bénéfices, c'est possible
Avant de se lancer dans des expéditions lointaines et hasardeuses, les DSI ont souvent de réels et importants gisements d'optimisation et d'économies en interne. Largement répandus, des référentiels standard comme ITIL ou CMMI permettent des gains très significatifs.

Pour une entreprise qui engage des programmes de transformation basés sur des référentiels robustes, on peut constater : chez un constructeur automobile, le coût du point de fonction a diminué de 5 % en trois ans ; chez un opérateur télécom, les dépenses en licences de logiciels ont été réduites de 15 % en deux ans ; chez un industriel du secteur aéronautique et spatial, le nombre de projets réalisés dans les budgets a augmenté de 70 % en quatre ans. Cependant, pour obtenir de tels résultats, il faut se garder de se lancer tête baissée dans des démarches qui réclament un investissement substantiel et qui ne sont pas dépourvues d'effets pervers. La surcharge documentaire, la lourdeur des circuits décisionnels ou les rigidités procédurales peuvent devenir antiproductives, occasionnant des pertes de temps, bridant l'innovation, étouffant la motivation et l'initiative pour finalement engendrer beaucoup de frustrations.

À trop vouloir appliquer les référentiels à la lettre, ou à importer sans les adapter des pratiques contraires à la culture de l'entreprise, on risque de n'obtenir que de bien maigres, ou bien tardifs, résultats. Enfin, épuisées par ces efforts et découragées, les équipes enterrent peu à peu la démarche alors que celle-ci ne prend véritablement son sens que dans la durée, dans une perspective d'amélioration continue et de réelle transformation des mentalités.

En dehors de quelques "bons élèves" qui tiennent à leur certification coûte que coûte, ou de sous-traitants pour qui ce sont des critères importants de sélection, de plus en plus d'entreprises cherchent aujourd'hui à appliquer les référentiels de façon moins stricte. Revenant à l'esprit initial de l'optimisation de processus, elles utilisent ces outils avec discernement pour répondre à un objectif précis d'amélioration et sont sensibles à une vraie mesure de retour sur investissement..

Travailler en amont et identifier les gains potentiels
La méthode commence invariablement par un Business Case. Il s'agit de déceler ce qui coûte le plus, d'identifier les sources de gains potentiels et enfin d'évaluer les bénéfices d'une action d'amélioration. La réalisation de cette étude économique demande beaucoup de soin. Souvent en effet les indicateurs de progrès sont difficiles à obtenir ou à percevoir. Il faut par ailleurs inclure des éléments indirects et non financiers pour avoir un tableau complet des coûts globaux.

Pour obtenir un panorama clair de la situation, les chiffres ne suffisent d'ailleurs pas : le management, par sa perception, va apporter les éléments qualitatifs qui permettront de pondérer ou d'éclaircir les données quantitatives. Les scénarios d'amélioration doivent ensuite prendre en compte l'impact du programme de transformation lui-même, qui pendant sa durée mobilisera des ressources ou engendrera des perturbations passagères. Il faut également veiller à l'ordre et au périmètre des actions à mener car les sujets sont rarement indépendants. Ce n'est qu'au terme de cette analyse, et après avoir défini les axes d'amélioration prioritaires et les risques potentiels, que l'on sélectionnera l'outil dans l'éventail des référentiels et des pratiques disponibles.

Le savoir faire dans le déploiement est un facteur clé
Dès lors, toute la difficulté tient dans le déploiement jusque dans les équipes d'une démarche initiée au sommet de l'organisation. L'expérience montre que les principaux facteurs de réussite sont le choix des axes de travail, qui doivent être clairs et surtout ne pas être remis en cause sans raison profonde, la présence d'un porteur identifié du projet, bénéficiant d'une autorité et de relais suffisants, et la mise en place dès le début des indicateurs. En effet, on obtient rarement une amélioration brutale mais plutôt des tendances qu'il faut détecter, quitte à réorienter la démarche si nécessaire. Là encore, il s'agit d'être pragmatique et donc bien informé. Enfin, un aspect particulièrement important est la conduite du changement auprès du middle management, dont le rôle et l'adhésion sont essentiels.

Un dernier écueil, que l'on rencontre parfois dans les grands groupes internationaux, est la réticence du siège à laisser les pays localiser la démarche. Il ne faut pas voir cette adaptation comme une façon de détricoter le travail réalisé en amont, une expression d'indépendance ou encore une forme de désinvolture, mais au contraire comme le meilleur moyen d'intégrer la transformation à la culture locale de l'entreprise. Car la réussite finale, au-delà même des gains chiffrés, s'exprime quand l'esprit des règles instaurées, et notamment le raisonnement en risques et impacts vs. bénéfices, devient pour chacun un réflexe quotidien. Et ces projets de transformation, qui au premier abord peuvent apparaître très techniques, révèlent ainsi toute leur dimension humaine.