Open Source ou Open Core : pourquoi s’en soucier ?

Certains essayent d’appliquer un semblant d’Open Source à des business models et des modes de facturation d’un autre temps. Ils sont devenus des fournisseurs de logiciels « open core ».

« Ça ne marchera jamais ! » Ce refrain, on l’a beaucoup entendu alors que le système d’exploitation Linux gagnait en popularité. Cela paraissait inimaginable il y a 10 ans que le code logiciel de quelques passionnés du Libre, programmeurs à leurs heures (sans structure officielle pour les guider et sans même être payés), puisse devenir la colonne vertébrale de la majorité des échanges boursiers et financiers, de puissants systèmes d’archivage et d’applications d’interaction avec le client.

Linux est l’exemple le plus populaire mais ce n’est pas le seul. Partout dans le monde, de petites entreprises comme de grands groupes ont déployés à grande échelle des serveurs Web Apache, Hadoop ou JBoss.

Tout le monde sait que les communautés Open Source ont leur vision propre du développement, qu’elles procèdent différemment. Les développeurs se réunissent par communauté d’intérêt, certains suivent des personnalités charismatiques ou des gourous bienveillants. Mais tous ont un point commun : mécontents de l’ordre établi, ils souhaitent s’affranchir des contraintes des logiciels propriétaires qui évoluent trop lentement au gré de décisions arbitraires. La nature collaborative des contributions a poussé à produire du code de qualité qui a donné lieu à un vrai produit. Cette démarche de développement transparent des logiciels s’est d’ailleurs depuis imposée dans de nombreuses entreprises modernes.

Les logiciels Open Source ont vite gagné du terrain car le modèle de développement communautaire fonctionne dans tous les secteurs. On les retrouve par exemple dans l’infrastructure des géants du Web, comme Facebook et Google. Et bon nombre d’avancées dans l’univers du Cloud et du Big Data s’appuient sur des composants Open Source.

Plusieurs éditeurs de logiciels libres sont des chefs de file de l’innovation Open Source et œuvrent pour rendre l’Open Source utilisable par les entreprises pour leurs applications critiques. Les plus performants, supportent un modèle de consommation à l’usage et doivent gagner la confiance de leurs clients en délivrant des solutions ouvertes, sans barrières d’entrée ou de sortie.

Maintenant que l’Open Source est largement adopté par les entreprises ou les administrations publiques et déployé à grande échelle au niveau de services entiers, les éditeurs de logiciels propriétaires se rendent à l’évidence qu’il leur faut trouver des accords avec les communautés du libre. Certains essayent d’appliquer un semblant d’Open Source à des business models et des modes de facturation d’un autre temps. Ils sont devenus des fournisseurs de logiciels « open core ».

Les éditeurs de logiciels selon le modèle « open core » se rendent souvent compte que la transition d’un business model à un autre ne se fait pas sans mal, qu’il est difficile de renoncer aux recettes frontales importantes liées aux ventes de licences à la faveur de ventes d’abonnements générant des flux financiers bien plus modérés. Ils finissent donc par développer des extensions propriétaires, qui n’ont plus rien de libre, pour s’assurer des recettes sur la durée. Les clients réalisent qu’ils ont été piégés et doivent se lancer dans un long et coûteux processus de migration à l’échelle de toute l’entreprise si ils veulent s’extraire de ce verrouillage.

Quand ces fournisseurs « open core » comprennent que les entreprises préfèrent se tourner vers un véritable modèle Open Source, la réalité de ce nouveau business model s’impose à eux : proposer un abonnement renouvelable garant d’un support de qualité supérieure, de certifications suivies et d’efforts constants d’innovation. Les entreprises dont les structures de coûts s’appuient intégralement sur le paiement en amont des prévisions d’utilisation de la technologie sur plusieurs années peinent à concurrencer le modèle des logiciels sur abonnement qui reflète mieux les coûts de maintenance annuels. Et pour susciter de très forts taux d’adoption de la technologie, l’entreprise doit offrir aux utilisateurs le privilège d’utiliser gratuitement son logiciel.

Le modèle de développement open core qui veut que seules des portions des logiciels soient libres et ouvertes, avec tout autour des offres propriétaires de l’éditeur, ne fonctionne tout simplement pas. C’est une version limitée de l’Open Source, qui sert uniquement les intérêts de fournisseurs qui veulent s’accrocher à leurs antiques offres propriétaires et ne produire que peu d’innovations technologiques. Quand des éditeurs propriétaires s’aventurent dans des groupes de représentants de l’industrie qui font la promotion des technologies Open Source, ils donnent l’impression qu’ils se rendent à l’évidence et qu’ils acceptent que les logiciels Open Source puissent former la base de l’infrastructure IT de prochaine génération.

Mais peuvent-ils tenir les promesses d’un engagement total en faveur de l’Open Source ? Le principe de l’open core peut finalement être comparé à la segmentation et la fracture du marché UNIX historique : autant de versions incompatibles entre elles que de fournisseurs, sur une base initialement commune.

L’Open Source domine dans l’entreprise au point qu’il participe dorénavant à la quasi-totalité de chaque projet d’envergure. C’est une excellente chose à la fois pour les clients et l’innovation technologique. Mais les approximations et les nuances prennent un tout autre sens quand les entreprises réalisent que tout ce que l’on appelle Open Source n’est pas systématiquement libre et ouvert.