L'interopérabilité doit-elle être gouvernée ?

Le besoin de collaboration et de coopération s'affirme comme une réalité durable, mais l'interopérabilité est-elle envisagée à sa juste valeur au regard de sa contribution à cette réalité croissante ? Des progrès restent à réaliser.

Les personnes, les systèmes, les entreprises et maintenant les objets sont connectés. Ils se comptent en dizaines de milliards. Aussi, au cœur des réflexions qui conduisent à s’engager dans la vague numérique qui déferle sur le monde, ne devrions-nous pas envisager l’interopérabilité ?

L’interopérabilité : une évidence

Le niveau de qualité des échanges n’est pas toujours au rendez-vous (moyen de communication défaillant, évolution unilatérale d’une interface, faible qualité des données…). Les acteurs avancent à leur rythme au risque de creuser un fossé toujours plus large entre eux et leurs partenaires, ses clients… Pourtant, la coopération s’affirme en réponse à de vrais enjeux :

  • Améliorer la relation citoyen-administration ;
  • Internationaliser les processus (ePrescription, lutte contre la fraude) ;
  • Innover avec l’IOT, la 5G (voiture autonome, médecine) ;
  • Maintenir la compétitivité en déployant des services étendus…

Mais de quoi parle-t-on ?

Selon WikipédiA, c’est "la capacité que possède un produit ou un système, dont les interfaces sont intégralement connues, à fonctionner avec d’autres…".

Le RGI de la DINSIC précise que "c’est souvent un défaut d’interopérabilité des systèmes qui met le mieux en évidence le concept et l’intérêt de l’interopérabilité…".

L’OTAN la définit comme "l’aptitude à opérer en synergie…".

En tant que condition à mettre en œuvre dans une transformation, TOGAF l’aborde selon les architectures : stratégie, métier, des données, applicative et technique.

J’ose ma définition : l’interopérabilité est la capacité de plusieurs acteurs à coopérer pour atteindre leurs objectifs respectifs de manière mutuellement profitable.

Les conditions de l'interopérabilité - De la culture à l’architecture d’entreprise

La coopération a du sens si chaque acteur tire un bénéfice de l’effort qu’il a consenti pour être en situation d’interopérabilité. Les exemples montrant la puissance d’une interopérabilité performante se multiplient. La lourdeur des conditions de sa mise en œuvre dépend de l’enjeu de la collaboration envisagée. Le RIO, le GIE Carte Bancaire, les GDS disposent d’un énorme potentiel d’interopérabilité. Mais lorsque l’enjeu est moindre, étudie-t-on réellement l’ensemble des axes qui concourent à une collaboration efficace, pertinente voire efficiente ?

L'interopérabilité est vue comme une contrainte

  • Constat : L'interopérabilité est conçue a minima. Les bénéfices à en tirer ne sont pas toujours évalués. Elle est envisagée a posteriori lorsque les systèmes éprouvent un besoin de dialogue et donc comme un inducteur de coût, voire un facteur de risque.
  • Conviction : Elle devrait être un levier pour créer de la valeur à partir d’informations utiles et surtout pour augmenter le potentiel des acteurs qui coopèrent. C’est une culture à insuffler au sein des organes de décision pour que les organisations envisagent un véritable écosystème de coopération.

L'interopérabilité n’est pas considérée comme stratégique

  • Constat : Approche anachronique, les organisations définissent leur stratégie sans réellement intégrer les apports de l'interopérabilité. Ce sera au mieux une commodité à mettre en place, parfois même un frein - comment sécuriser le système, préserver un avantage concurrentiel, mon identité ?
  • Conviction : Dans un monde qui s’ouvre, l'entreprise doit poser la question de la valeur à retirer du partage des informations et des services. Cela suppose d’aborder l'interopérabilité en tant que composante stratégique des transformations.

L’interopérabilité n’est pas soutenue dans la durée

  • Constat : Les efforts pour atteindre un réel niveau d'interopérabilité sont importants. Dans un cas complexe, l’obstacle peut paraître infranchissable. On s’appuie alors sur une solution minimale sans évaluer la valeur perdue par la limitation de la capacité d’interopérabilité.
  • Conviction : Les transformations des SI s’accélèrent. Une trajectoire avec des jalons capacitaires d‘interopérabilité renforce la flexibilité et la souplesse dont ils ont besoin. L’interopérabilité se négocie et ne se décrète pas. A ce titre, c’est un axe majeur de la stratégie SI qui conduit à un réel modèle d’agilité.

L'interopérabilité n'est pas gouvernée

  • Constat : L'interopérabilité est souvent vue comme une problématique technique, mais rarement globalement. Elle est pilotée localement au regard d’exigences spécifiques, mais n’est pas gouvernée.
  • Conviction : L'entreprise distingue le monde interne, maîtrisé qu'elle peut piloter et l’externe sur lequel elle n'a pas prise, mais qu’elle peut influencer ou dont elle peut dépendre. A leur croisée, la gouvernance d’ensemble doit aborder l’interopérabilité au plus tôt et surveiller son maintien en condition. C’est dès lors un domaine de l’architecture d’entreprise.

En conclusion

Comment coopérer et rester maître de son destin ? Il faut jouer avec cette apparente contradiction. Sans anticipation ni gouvernance l’affaire est complexe. Quant à l’interopérabilité, il n’y a plus de question, sauf celle de la survie.