Cinq idées reçues sur l’offshore informatique

L’offshore continue à véhiculer nombre de clichés. Entre autres, l’externalisation de services informatiques menacerait l’emploi en France et générerait toute sorte de coûts cachés. Il est temps de rétablir certaines vérités. Sans langue de bois.


Cela fait une quinzaine d’années que le phénomène offshore s’est enraciné dans le paysage français, qu’il s’agisse de l’externalisation de services informatiques (développement, tests, maintenance) ou de processus métiers (centre d’appel, comptabilité, paie…).

Une quinzaine d’années que le recours à des prestataires étrangers s’est généralisé dans les entreprises, en particulier chez les grands comptes rôdés à la mondialisation. Au terme d’offshore, je lui préfère d’ailleurs l’expression de sous-traitance internationale.

Et pourtant, l’offshore est régulièrement décrié à grand renforts de poncifs et d’idées reçues. Le tout illustré par les échecs retentissants d’entreprises qui sont parties à l’étranger sans aucun préparatif. Je voudrais ici revenir sur les principaux griefs portés contre l’externalisation pour mieux les réfuter.

 

1. L’offshore détruit des emplois en France

C’est le reproche le plus souvent avancé par les détracteurs de l’offshore. C’est oublier un certain nombre de réalités. En France, le marché du logiciel et des services informatiques n’a jamais autant recruté. Il est même le premier secteur créateur d’emplois cadres selon l’Apec.

En juillet dernier, Syntec Numérique annonçait, de fait, la création nette de 12 000 emplois en 2014. Soit près du double de l’année précédente. 93,7 % des 365 000 salariés que compte la profession sont en CDI et 68,9 % d’entre eux ont le statut cadre. En 2013, le taux d’ingénieurs informaticiens au chômage s’élevait à 5 %, contre 13 % toutes professions confondues, et certains profils de développeurs et d’experts sont en situation de pénurie.

Le marché de l’emploi IT est donc particulièrement dynamique alors que - toujours Syntec Numérique - les prestations réalisées dans les pays à bas coûts pour des entreprises françaises n’ont cessé de progresser. Elles représentent désormais 7,7% du chiffre d’affaires global, en hausse de 1% sur un an.

Pour autant, les informaticiens le savent. Leur métier est en perpétuellement évolution, ce qui fait d’ailleurs son charme. Pour rester à la pointe des technologies et maintenir leur employabilité, ils doivent continuellement se former. Il s’agit aussi, pour eux, de valoriser leur expertise métier et fonctionnelle qui n’est pas « délocalisable ».

Les frontières de l’innovation ne se limitent pas à celles de l’Hexagone. La mondialisation des services conduit les informaticiens français à travailler avec la planète entière. Cette capacité à gérer des équipes distantes en jonglant avec les fuseaux horaires, les langues et les différences culturelles, est une compétence particulièrement recherchée. C’est aussi un visa pour l’expatriation. Les ingénieurs français sont particulièrement courtisés dans la Silicon Valley.

On assiste aussi à une montée en puissance des informaticiens indépendants. Ces freelances rejoignent des places de marché comme Freelancer ou oDesk pour proposer leurs compétences en France comme à l’étranger.

Enfin, rappelons que l’externalisation est créatrice de valeur pour notre pays. Un certain nombre de projets n’auraient pas vu le jour faute d’expertise ou de rentabilité économique sans l’offshore. D’autres chantiers qui n'aboutissaient pas ont trouvé une seconde vie en partant à l’étranger.

2. L’industrialisation des services rend caduque le recours à l’offshore

En l’espace d’une quinzaine années, l’informatique est passée du stade artisanal à l’ère industrielle. Les prestations au forfait se substituent aux placements en régie. Et les développements spécifiques font progressivement place à des briques logicielles mutualisées que l’on personnalise ensuite.

Ce mouvement d’industrialisation, on le doit à la poussée du cloud (IaaS, SaaS, PaaS) mais aussi à l’adoption de référentielles qualités structurantes (CMMi, Itil…), au recours aux méthodes agiles (Scrum, Kanban, XP) et à leurs différents prolongements (lean startup, DevOps…).

Cette professionnalisation du marché est, au contraire, un préalable à l’offshore. En partageant les mêmes standards de qualité et cadres méthodologiques, reconnus internationalement, une entreprise est plus à même de travailler avec un prestataire étranger.

L’industrialisation des services implique aussi de s’outiller en conséquence avec serveurs de développement, d'intégration et de tests pour partager le code. On trouve aussi solutions de management collaboratif, dont certains en open source, qui, utilisés en interne, peuvent servir pour la gestion de projet à distance.

3. Les coûts cachés réduisent à néant les bénéfices économiques

Il faut effectivement tordre le cou à cette idée reçue. Au cours des dernières années, un grand nombre d'entreprises se sont tournées vers l'externalisation uniquement pour réduire leurs coûts. C’est un mauvais calcul. Non seulement les économies n’interviennent qu’à moyen et long terme – à condition de réunir certains prérequis que je vais développer plus loin – mais le tarif du jour/homme ne doit pas être le critère décisif et exclusif.

Une entreprise va à l’étranger pour gagner en agilité et en expertise. Pendant ce temps qu’elle souhaite, elle s’appuiera sur un très large choix de talents – 5, 50 ou 500 développeurs - sans avoir à les gérer en interne.

En ce qui concerne le prix, il n’y a pas de mystère. Une bonne compétence se paie. Les coûts cachés viennent essentiellement de cette volonté de certaines entreprises aller au meilleur prix. Elles se retrouvent avec des prestataires n’ayant pas les compétences affichées sur leurs CV.

Pour éclairer le débat, le portail Offshore-Developpement.com vient de publier un panorama, pays par pays, du salaire moyen brut pour un ingénieur ayant moins de 3 ans d’expérience

La rémunération varie en fonction de la qualité de formation sur place (universités, écoles d’ingénieurs). Elle oscille (hors charges sociales) entre de 250 euros pour Madagascar à plus de 3 500 euros pour les Etats-Unis.

Côté front office, l’entreprise doit se doter d’une équipe dédiée, compétente et patiente. Elle sera garante de la bonne conduite du projet. Le dialogue entre front et back office doit être permanent. Je préconise au moins une conférence vidéo par semaine et une rencontre physique au moment du lancement du projet (kick-off) puis une fois par an.

Il est important de mettre un visage sur ses interlocuteurs. C’est l’occasion aussi de mener des opérations d’incentive. Toutes ces actions doivent être budgétées afin d’éviter les mauvaises surprises.

4. Les différences linguistiques et culturelles rendent impossible toute communication

Dans le choix de la destination, l’entreprise doit se poser les bonnes questions. Est-ce que le fuseau horaire, la langue, la culture sont des critères décisifs ? Auquel cas, elle doit aller au Maghreb, en Roumanie ou à l’Ile Maurice, proches de notre pays sur tous ces points. Si l’entreprise cherche l’expertise et d’importants bassins d’emplois, elle fera le voyage jusqu’en Inde.

Je le constate tous les jours, les différences culturelles s’estompent. Partout dans le monde, les informaticiens parlent anglais, s’occidentalisent. Ils sont sur Facebook et LinkedIn, s’informent sur les mêmes sites anglophones que leurs collègues virtuels basés à Paris, Londres, Berlin ou San Francisco. Ils ont envie de réussir et ils savent que cela passe par l’international. Pour autant, il faut, bien sûr, connaître les jours fériés, respecter certains rites religieux afin de ne pas connaître d’impairs.

Si différence il y a, elle est plutôt du côté des informaticiens français dont le niveau d’anglais n’est pas excellent, du moins à l’oral. Mais les choses changent. Les grandes écoles d’ingénieurs dispensent la moitié de leurs cours dans la langue de Shakespeare. De toute façon, ils doivent se perfectionner. Les grands fournisseurs IT sont américains et la documentation technique rédigée en anglais.

5. Le turn-over dans les pays low-cost empêche toute pérennisation du savoir-faire

Il serait faux de dire que le turn-over n’est pas important. Il peut s’élever jusqu’à 20%. Mais la fidélisation des équipes ne passe pas que par des augmentations sachant que l’inflation salariale est déjà de 5 à 10 % par an. Le volet RH est tout aussi important. Il faut prendre en compte les besoins en formation et les souhaits d’évolution de carrière. On a aussi vu plus haut l’importance des rencontres physiques et des actions d’incentive.

S’il diffère d’un pays à l’autre, le droit du travail n’est pas aussi flexible que certains le laisse à penser. Les collaborateurs ne partent pas du jour au lendemain. Ils effectuent un préavis de plusieurs mois durant lequel ils vont assurer le transfert de compétences et le passage de relais.