Racheter une start-up en difficulté : 3 repreneurs livrent leurs meilleurs conseils
L'annonce du placement en redressement judiciaire d'Ynsect a été l'une des grandes actualités du mois de mars dans la French tech. Mais ce spécialiste de l'élevage d'insectes est loin d'être le seul à passer par la case redressement. En effet, en 2024, le nombre de défaillances (l'étape qui précède le redressement) de start-up françaises s'est élevé à 64 selon ScaleX Invest. Un chiffre peu glorieux. Mais aussi l'occasion de réaliser une bonne affaire pour de potentiels repreneurs… à condition qu'ils s'y prennent bien.
Anticiper grâce à son réseau
Premier des conseils : ne pas être pris de court. "Le timing pour reprendre une boîte est très serré", prévient Cédric Meston. Pour le fondateur d'HappyVore, qui a repris cinq entreprises (Jay & Joy, Sol Semilla, Bluedigo, Tupperware France et Les Nouveaux Affineurs), un bon repreneur possède avant tout un bon réseau : "L'idéal, c'est d'être en contact avec les fondateurs avant l'annonce du redressement judiciaire pour prendre une longueur d'avance". Un conseil partagé par Younes El Hajjami, qui s'est associé à Cédric Meston pour reprendre Bluedigo fin 2024 : "Si on découvre l'existence du projet dès sa publication, c'est presque mission impossible. Il faut vraiment être connecté avec l'écosystème de l'entreprise en question".
Demander un maximum de données
Quand une entreprise démarre une procédure de redressement judiciaire, de nombreuses données la concernant peuvent être demandées par les repreneurs potentiels. A eux d'en profiter : "Ces données permettent d'établir un vrai diagnostic de la start-up. On peut vraiment avoir accès à de nombreuses informations : les comptes de l'entreprise, ses contrats fournisseurs, ses contrats clients…", détaille Younes El Hajjami. Des données très utiles pour "s'imprégner en profondeur de l'ensemble de l'entreprise" selon Roland Gomez, président de Proman, une société spécialisée dans l'intérim et le recrutement qui a mené une quarantaine d'acquisitions dont les start-up Iziwork en septembre 2023 et Onestaff en avril 2025.
Rencontrer les équipes en amont
Reprendre une start-up, c'est aussi reprendre ses collaborateurs. Alors autant savoir avec qui on va travailler. "Il faut évaluer les équipes pour savoir si elles sont prêtes au changement", indique Roland Gomez. Pour cela, il n'y a pas de recette miracle : "Avant de finaliser une reprise, il me semble très important de rencontrer les équipes et d'échanger avec elles".
Identifier des erreurs réparables
"Il y a un paquet de boîtes en difficultés et toutes ne sont pas redressables. Si on veut avoir une chance de réussir une reprise, il faut identifier les sources de défaillance. Par exemple, pour Bluedigo, on a vite compris que la gestion des stocks et la logistique consommaient trop de cash. Quand on a repris la boîte, on s'est appuyé sur des partenaires pour fournir le matériel nécessaire à notre activité. Résultat, on a dégagé nos premiers bénéfices seulement trois mois après la reprise", raconte Younes El Hajjami. "Les comptes d'Iziwork n'étaient pas brillants. Mais on avait identifié les erreurs qui ont été commises et on était persuadé qu'on pouvait les corriger dans un délai raisonnable", confie de son côté Roland Gomez.
Ne pas s'improviser expert
Redresser une boîte en difficulté est déjà un sacré défi. Alors autant ne pas s'aventurer dans des domaines que l'on ne maitrise pas. "Il faut beaucoup d'expérience et une réelle expertise du secteur pour réussir là où l'ancien dirigeant a échoué", avertit Cédric Meston. "Une précédente expérience dans l'entreprenariat permet d'avoir une certaine légitimité vis-à-vis du tribunal du commerce (qui désigne le repreneur, ndlr)". Le fondateur d'HappyVore sait de quoi il parle puisque quatre des cinq boîtes qu'il a reprises appartiennent au secteur de la foodtech ou de l'alimentation. "Il faut savoir analyser la dynamique d'un marché et son contexte réglementaire", complète Younes El Hajjami.