Legalstart vs LegalPlace : la bataille s'étend à la comptatech
Legalstart et LegalPlace sont sans doute les deux start-up françaises les plus connues dans le domaine de la création d'entreprise. Le premier assure avoir accompagné 850 000 entrepreneurs depuis ses débuts en 2014. Le second, lancé en 2017, déclare créer entre 4 000 et 5 000 entreprises chaque mois. Mais les deux legaltech ne sont pas rivales uniquement sur le marché de la création d'entreprise et de leur accompagnement juridique. Désormais, leur duel s'étend sur un autre terrain, celui de la comptatech.
Mais là, les rôles sont inversés. En ce qui concerne le lancement de services comptables et financiers, LegalPlace a dégainé le premier en lançant en 2021 Compta Place, sa solution d'expertise comptable. De son côté, Legalstart a sorti de tels services début 2024 : "Ils existaient déjà avant mais on distribuait les offres de nos partenaires. Là, ce sont nos propres solutions", indique Pierre Aïdan, cofondateur.
Partenariat technologique avec Pennylane vs autonomie
Désormais, les deux entreprises proposent un compte pro, un logiciel de facturation, une solution de gestion des dépenses ou encore de gestion de la trésorerie. Des services classiques… à condition d'être une fintech. "LegalPlace est presque devenu une fintech", confirme d'ailleurs Racem Flazi, CEO et cofondateur.
Pour construire leurs services comptables et financiers, les deux rivaux ont opté pour des stratégies différentes. Hormis l'aide du spécialiste du banking as a service Swan pour mettre en place son compte pro, LegalPlace a développé ses services de manière autonome. "On a beaucoup investi en R&D. Pour la comptabilité, nous n'avons pas de partenaire", confie Racem Flazi. L'approche est donc différente pour Legalstart qui a coconstruit ses produits comptables avec Pennylane, son partenaire technologique. Deux approches mais un même objectif : "construire une application unique avec tous les outils nécessaires pour se développer", déclare Pierre Aïdan.
L'arrivée de ces acteurs dans l'univers de la comptatech s'inscrit dans un mouvement global de grande convergence. Ces derniers mois, on observe un rapprochement marqué entre plusieurs acteurs qui développent désormais des plateformes "tout-en-un" afin d'offrir à leurs clients des solutions complètes de gestion comptable et financière. Jusqu'à présent, ce mouvement concernait des fintech, notamment des acteurs de la comptatech (Pennylane, Tiime, Indy…) et des néobanques (Qonto, Shine…). Ce qui peut surprendre, c'est que désormais, mêmes des legaltech succombent à la tentation de la super app et s'invitent sur un marché sur lequel elles ne sont pas expertes (a priori). Comment justifier un tel choix ?
Une super app en vue
Une raison est notamment mise en avant par nos interlocuteurs : le passage à la facturation électronique obligatoire à partir de septembre 2026. "Cette réforme incitera chaque entrepreneur à s'équiper d'une solution digitale pour gérer ses finances", prédit Pierre Aïdan. Et là aussi, les stratégies divergent. Si Legalstart proposera à ses clients la plateforme de dématérialisation partenaire (PDP) de Pennylane, LegalPlace ambitionne d'obtenir d'ici octobre son propre agrément en tant que PDP. Dans les deux cas, la facturation électronique obligatoire devra servir de porte d'entrée vers les autres services comptables et financiers.
Empiéter sur les platebandes des acteurs bien connus de la comptatech peut s'avérer risqué tant la concurrence sur ce marché parait élevée. "A partir du moment où on s'intéresse tous à la même cible, il y a une concurrence dans l'acquisition des clients", confirme Pierre Aïdan. Certes, les deux legaltech partent avec un certain retard face aux acteurs historiques de la gestion comptable et financière, mais elles disposent d'un atout de taille : elles interviennent dès la création d'entreprise, ce qui leur permet de capter les entrepreneurs dès le premier jour. "Pour eux, c'est le moment naturel pour s'équiper d'une plateforme", avance Pierre Aïdan. "C'est un avantage énorme car on connaît les entreprises dès leur début avant que quiconque ne puisse les démarcher", ajoute Racem Flazi. "En outre, on peut réaliser des revenus sur l'ensemble de la durée de vie d'un client".
Un point loin d'être anodin. Si les deux entreprises ont choisi d'opérer ce virage stratégique, c'est avant tout pour diversifier leurs sources de revenus. "Nous avons deux modèles complémentaires : d'une part, un revenu transactionnel lié aux différentes étapes juridiques de la vie d'une entreprise comme la création, la liquidation ou le changement de dirigeant… et d'autre part, un revenu récurrent provenant des abonnements à nos services comptables et financiers", précise Pierre Aïdan. Et que ce soit chez Legalstart ou chez LegalPlace, le revenu récurrent est déjà sur le point de dépasser le revenu transactionnel. De quoi valider leur revirement stratégique et affirmer que ces acteurs ne sont plus "seulement" des legaltech.
Legalstart | LegalPlace | |
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Lancement commercial
|
2014 | 2017 |
Cœur de cible | TPE et micro entrepreneurs | TPE et micro entrepreneurs |
Nombre de clients
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"850 000 entrepreneurs accompagnés" | "Entre 4 000 et 5 000 entreprises créées chaque mois" |
Nombre d'employés
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180 | 220 |
Rentable | Oui | Non |
Montants levés cumulés
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19 millions d'euros | 26 millions d'euros |
Lancement des services comptables et financiers
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2024 | 2021 |