La greentech, déjà la fin de la hype

La greentech, déjà la fin de la hype Après une période euphorique, le secteur envoie en 2025 quelques signaux mitigés qui confirment que l'engouement pour la greentech s'essouffle.

Après la fête, la gueule de bois ? Premier secteur en termes d'investissement en 2023 de la French tech et véritable locomotive de l'écosystème, la greentech semble marquer le pas. Selon la Banque de France, les jeunes pousses qui développent des solutions innovantes pour lutter contre le réchauffement climatique sont celles qui ont connu la croissance de leur chiffre d'affaires la plus faible en 2024 (+0,5%). Autre chiffre peu flatteur pour le secteur, les fonds durables européens ont enregistré une décollecte de 1,2 milliard de dollars au premier trimestre de 2025, alors qu'ils avaient récolté 20,4 milliards de dollars lors des trois derniers mois de 2024 (selon les données de Morningstar).

Si tous ces chiffres n'envoient pas des signaux positifs, il faut garder à l'esprit que l'ensemble de la French tech traverse une zone de turbulences. "Le contexte général est difficile. Ce qui ressort de nos travaux, c'est que la période n'est clairement pas euphorique, mais ce n'est pas pire que les autres secteurs", assure Louise Picard, responsable du pôle start-up du collectif Impact France. "La contraction du financement concerne tout l'écosystème. L'ensemble du segment VC connait une dynamique difficile", complète Yann Marteil, cofondateur du fonds d'investissement dédié à la mobilité durable Shift4Good.

"Niveau engouement, l'IA est clairement passée devant"

Ce dernier ajoute que les start-up de la greentech "ont tellement levé en 2023 et début 2024 qu'elles n'ont pas forcément besoin de nouveaux financements dans l'immédiat" et que "la dynamique d'un secteur ne se mesure pas seulement aux levées de fonds, mais à sa contribution à l'économie réelle. Et là, la greentech trouve sa place, avec des solutions qui s'intègrent dans la chaîne de valeur et qui deviennent d'usage quotidien".

Nos interlocuteurs s'accordent tout de même sur le fait que la greentech n'est plus aussi sexy qu'il y a quelques mois. "Niveau engouement, l'IA est clairement passée devant", se résout Louise Picard. "Aujourd'hui, les grands sujets sont l'intelligence artificielle et la défense", confirme Yann Marteil. La baisse d'enthousiasme autour du secteur est même visible dans la présentation des pitchs des entrepreneurs qui cherchent à lever des fonds : "Beaucoup de fondateurs ont voulu surfer sur la vague greentech mais cette période est terminée. L'argument "je suis green et je sauve la planète" n'est plus suffisant. Pour lever des fonds, on revient aux arguments business classiques", confie Eric Gossart, partner pour Racine², un fonds à impact piloté par Serena. Un changement de prisme qui n'est pas une mauvaise chose pour notre expert : "C'est signe de maturité pour le secteur".

Fin des fonds "touristes"

Le recul de l'intérêt a, au passage, reconfiguré le paysage des investisseurs actifs dans le secteur : "Certains fonds généralistes ont redirigé leurs investissements vers d'autres verticales, notamment vers l'IA", explique Eric Gossart. "Comme le green est devenu moins mainstream, les fonds "touristes" sont repartis", confirme Yann Marteil. "On ne va pas se plaindre. Il y a moins de concurrence donc on peut rentrer sur des valorisations plus faibles et les négociations sont moins périlleuses. Le climat est plus apaisé", se félicite Eric Gossart.

Si certains fonds généralistes – pour ne pas dire opportunistes – se sont retirés, les fonds spécialisés sur la thématique impact sont bien en place. "En 2025, Impact France a recensé 150 financeurs dont plus de la moitié des investissements visaient des entreprises positionnées sur cette verticale", indique Louise Picard. En plus de ce mapping, Impact France publie aussi l'indice "Impact 40/120", pendant sociétal et écologique du Next40/120. Si l'on peut imaginer que certains poids lourds comme Greenly, Electra ou DriveEco figureront bien dans la promotion 2026, le reste demeure encore incertain : "Nous y travaillons, et de nombreuses start-up devraient sortir de l'indice. On sent une petite instabilité chez un peu tout le monde". Pour un secteur, l'instabilité de ses locomotives n'est jamais idéale…

Si on résume, la greentech n'est plus la star de la French tech. Elle attire moins d'investisseurs généralistes mais plutôt des spécialistes. Ses entrepreneurs ne peuvent plus se contenter de beaux slogans pour lever des fonds mais doivent avancer des arguments économiques solides. Verre à moitié vide : le secteur est rentré dans le rang après l'euphorie et subit le contexte tendu qui touche l'ensemble de la French tech. Verre à moitié plein : il a gagné en maturité et poursuit son développement sur des bases saines. La hype de la greentech est retombée. Mais est-ce bien grave ?