Avec le Covid-19, nos données et nos échanges s'échappent vers des clouds extra-européens non sécurisés…

Suite à la publication de son ouvrage "Pour un Cloud européen" aux Editions du Cherche Midi, Stanislas de Rémur alerte sur le monopole américain et chinois dans le domaine du cloud. Pour lui, la conservation et le stockage des données par ces acteurs suscitent des problèmes évidents de confidentialité, de sécurité et de souveraineté.

Nos données nous échappent !

Depuis l’épidémie de Covid-19, le nombre de participants quotidiens à des réunions sur la plateforme Zoom est passé de 10 à 300 millions entre décembre 2019 et avril 2020. Même progression exponentielle chez Teams où le nombre d’utilisateurs est passé de 44 à 75 millions en six semaines de confinement. Or tous ces outils numériques, comme l’ensemble de nos données, sont hébergés dans le cloud. Que vous soyez un particulier ou à plus forte raison une entreprise, il est plus que temps de vous intéresser au sujet. Car fin 2019, six Américains (AWS / Amazon, Azure / Microsoft, Google, IBM, Salesforce et Oracle) et deux Chinois (Alibaba et Tencent) se partageaient près de 80% du marché mondial des infrastructures. En comparaison, le français OVHCloud, leader européen, représente moins de 2% du marché. Dans un monde où les économies se livrent une guerre féroce, chinois et américains ne se privent pas de siphonner les données qu’elles hébergent, fussent-elles sur notre territoire. Et si nous cessions d’être naïfs en protégeant enfin nos données de santé, de mobilité, d’énergie ou de téléphonie ?

Européens, Faisons bloc !

Les gouvernements français et allemands l’ont bien compris, un peu tard comme souvent, un peu à nos dépends aussi, mais enfin ils ouvrent depuis quelques mois la voie à un Airbus du cloud avec le projet Gaia-X. Et au-delà du seul cloud, il s’agit de construire un bloc européen du numérique pour faire face aux géants américains et chinois. Ils ont leurs Gafam et BATX, commençons par une lettre (le O d’OVH ?) et les autres suivront. Nous avons un vrai potentiel de marché en Europe, exploitons-le. Sensibilisons les grands acteurs publics et privés, consommateurs de cloud, sur l’urgence de protéger nos données et le bon sens fera le reste. Apprenons à cacher nos cartes, à commencer par les cartes maîtresses. Faisons bloc et nous couverons les futurs champions européens du cloud de confiance et du numérique.

Il faut instaurer la préférence européenne 

En France et en Europe, nous avons trop tendance à nous lancer dans les compétitions avec des sacs à dos lestés de cailloux. Pas par naïveté, mais par excès de fairplay. Nous sommes les seuls à ne pas favoriser la préférence nationale et nos concurrents se frottent les mains devant cette pudibonderie. Les américains ont des lois qui privilégient leurs acteurs locaux, avec 30 à 40 % des contrats des marchés publics qui leur sont réservés. En chine, tous les équipements et logiciels utilisés dans les services publics devront être chinois en 2022. Il n’est pas suffisant de compter sur les bonnes intentions ou le patriotisme de nos grandes entreprises ou administrations. Nous avons besoin d'instaurer la préférence européenne dans les marchés publics et stratégiques en réservant 30 à 40% des contrats aux fournisseurs européens. C’est la seule voie pour garantir l'indépendance de l'Europe dans le numérique.