L’ ubérisation du droit, une réalité ?

Nous assistons à un réel bouleversement de nos modes de consommation : c’est l’avènement d’une économie collaborative qui touche tous les secteurs. Pour autant, peut-on vraiment qualifier d’ubérisation l’évolution des métiers du droit ?

L’économie collaborative n’est pas nouvelle, c’est un fait. Les exemples sont nombreux et concernent divers secteurs : hôtelier, enseignement, transport …

Le terme d’ubérisation tire son origine de la médiatisation du conflit juridique opposant les taxis aux sociétés de VTC. Outre le constat flagrant qu’il s’agit d’un secteur particulier : à savoir le transport, les disparités se font multiples dès lors que l’on applique l’exemple d’Uber aux bouleversements que connaissent les  métiers du droit.  

Cessons de comparer des situations bien différentes : en termes juridiques, la « concurrence déloyale » n’est pas pertinente dans le cas d’Uber, les taxis revendiquent une violation d’une d’interdiction légale ! C’est à dire que leur monopole - accordé par la licence - est bousculé par une concurrence qui est alors illégale. En matière de droit, les professions sont réglementées (prenons pour exemple les avocats),  elles ne bénéficient pas d’un monopole en tant que tel mais d’une exclusivité pour certaines activités. La prétendue concurrence n’est alors pas la même que pour les taxis. 

Le rapprochement le plus pertinent entre les situations des taxis et des praticiens du droit est que les consommateurs recherchent une offre de service innovante, personnalisée, immédiate et en rapport avec leurs attentes. Le marché se transforme rapidement et celui du droit ne fait pas exception.

Le droit, un secteur mouvant

Les métiers du droit connaissent de nombreux changements, notamment depuis ce 10 juillet 2015 qui a vu la loi dite « Macron » adoptée. Quel contexte, alors,  pour ces nouvelles règles ?  L’évolution du droit est globale mais deux grands axes peuvent être dégagés, ils sont notamment causés par le recours fréquent aux nouvelles technologies.

  • Une offre de service marquée par l’intervention de nouveaux acteurs du droit

Le marché du droit a vu apparaître, de façon assez récente, des sociétés et des start-ups qui proposent un accompagnement juridique en ligne aux TPE/PME ainsi qu’aux particuliers afin de faciliter leurs démarches administratives et juridiques, ou encore créer des documents juridiques à l’aide de puissants algorithmes. Les clients de ces nouveaux sites peuvent également contacter des avocats en ligne, ils y sont d’ailleurs fortement encouragés pour la relecture de certains types de contrats. 

Ces « legalstartup » respectent le caractère règlementé de la profession d’avocat car elles ne prodiguent pas de conseils juridiques, elles n’agissent en aucune façon pour violer les principes déontologiques des avocats. Elles procurent un service innovant, et à moindre coût en associant les avocats au processus. Les avocats bénéficient alors d’une clientèle nouvelle par le biais de ces entreprises, les clients y trouvent une offre personnalisée.

Comme dans tous les secteurs d’activité, certains acteurs sont beaucoup moins scrupuleux et peuvent, s’ils outrepassent le champ d’activité exclusif de l’avocat (conseil juridique, assistance et représentation en justice), se voir condamner pour exercice illégal de la profession d’avocat. Les méthodes douteuses de ces « braconniers du droit » représentent un risque important pour le client qui recevra des conseils juridiques de personnes non qualifiées.

  • Une évolution des pratiques en lien avec le numérique

Les cabinets d’avocats sont aussi réactifs au marché et proposent de plus en plus des services de conseil en ligne. Ils s’adressent notamment à une clientèle soucieuse de son budget.

Nous assistons à une dématérialisation des pratiques de travail et en particulier, dans les procédures judiciaires, en droit civil comme en droit pénal, par le Réseau Privé Virtuel des Avocats mis en place en 2005. De même, mai 2015 a vu naître l’acte d’avocat numérique qui permet de certifier sur le plan juridique un accord entre des parties. Le document est infalsifiable dès lors qu’il est signé par l’avocat. Toujours dans une démarche de dématérialisation, le télétravail se développe dans le milieu des avocats, procédure facilitée par des  moyens de communication, notamment en visio-conférence, toujours plus performants. 

Dès lors, si l’ubérisation n’est pas une analogie pertinente aux nouvelles offres juridiques, il est indéniable qu’un changement bouleverse des métiers jusqu’alors considérés comme protégés. Ceux-ci, notamment avec la loi Macron, connaissent une ouverture et une libéralisation (structures interprofessionnelles, modification des grilles tarifaires) de leur marché si bien qu’il leur est nécessaire de revoir leurs méthodes de travail et toucher, de fait, un plus large public. Le train est à prendre en marche, les avocats et autres professions juridiques restent incontestablement indispensables sur le marché et les enjeux actuels ne représentent que de nouvelles opportunités. Ce pragmatisme et cette réactivité au marché seront décisifs pour le client.