Katia Beauchamp (Birchbox) "Birchbox veut devenir le leader mondial du discovery commerce"

Quelques jours après avoir acquis le français Joliebox, le pionnier des coffrets de cosmétiques sur abonnement explique son fonctionnement et ses ambitions. Rencontre avec sa cofondatrice et co-PDG, Katia Beauchamp.

JDN. Quelle est l'ambition principale de Birchbox ?

Katia Beauchamp. Le modèle économique que vous connaissez à Birchbox et Joliebox est celui des coffrets de produits cosmétiques miniatures livrés tous les mois sous forme d'abonnement. Cependant, notre idée a toujours été plus large que cela : nous voulons être le leader mondial du "discovery commerce". Les coffrets débutent le processus en vous inspirant et en captant votre attention. Ensuite, nous vous enseignons des choses sur ces produits au travers de contenus éditoriaux, écrits et vidéo, qui vous donnent envie de les acheter. Enfin, nous vous vendons ces produits, en grand format, sur notre site. Les trois étapes du discovery commerce sont donc "essayer, apprendre, acheter". Birchbox n'a jamais dévié de cette mission. Aujourd'hui, notre plus grand défi est de porter cette vision du discovery commerce au-delà des Etats-Unis, au niveau mondial.

Pourquoi avoir choisi d'acquérir Joliebox plutôt qu'un autre clone européen de Birchbox tel que Glossybox, copycat lancé par Rocket Internet ?

Parce qu'il est manifeste que Joliebox construit une marque dotée d'une âme et une expérience allant bien au-delà du coffret de cosmétiques. Nous avons rapidement su que nous n'aurions aucune difficulté à aligner nos visions. Nous avons rencontré quelques autres sociétés commercialisant des coffrets beauté mais aucune ne nous a enthousiasmés autant que Joliebox.

Dorénavant, nous allons pouvoir croiser nos 400 marques partenaires entre nos différents marchés, ce qui les intéresse énormément. Car les box constituent pour elles une façon très pertinente de se lancer sur un nouveau marché : elles n'ont pas besoin de placer leurs produits dans des dizaines de magasins, elles sont instantanément présentées à des dizaines de milliers de consommateurs qui vont les aider à se tester et à affiner leur positionnement.

N'est-il pas irritant de voir se développer autant de clones de votre société et de devoir, en plus, en racheter pour vous lancer dans d'autres pays ?

Nous avons effectivement beaucoup été copiés et en outre, le rythme s'est accéléré. Groupon a eu plusieurs années pour construire son activité avant de voir éclore des copycats et de devoir réagir à l'international. Nous, nous n'avons eu que six mois ! Bien sûr, c'était agaçant au début. Mais il est aussi très satisfaisant de voir un nouveau modèle validé par nombre d'entrepreneurs talentueux qui y voient de la valeur. Après deux ans d'activité, cela ne nous irrite plus. Nous voulons "garder les yeux sur la balle", sur notre objectif, sans être distraits par les centaines de petites balles qui volent en tous sens.

Que se passera-t-il le jour où Sephora ou Macy's commenceront à vendre des coffrets de cosmétiques, sachant qu'ils peuvent également produire des contenus éditoriaux et vendre en ligne, tout cela à grande échelle ?

Tout le monde peut vendre des coffrets d'échantillons. Mais nous ne pensons pas que n'importe qui peut construire une marque à laquelle les consommateurs s'attachent et qui fasse autorité sur le discovery commerce. Ces sociétés ne sont pas organisées pour vous faire découvrir des produits, mais pour vous aider à réaliser une transaction pour un produit dont vous savez déjà que vous le voulez. Notre ambition est différente et d'ailleurs tout-à-fait complémentaire de celle des retailers : vous présenter des produits que vous ne vouliez pas. Pour nous, tout l'enjeu de ce "essayer, apprendre, acheter" est d'inspirer la demande. Or les consommateurs associent ce moment à Birchbox. Ils nous font confiance pour leur proposer les meilleurs produits.

En outre, nous créons des coffrets dont le contenu est adapté à chaque abonné, en nous appuyant sur notre technologie, nos données et notre méthode de personnalisation. Nous travaillons sur la meilleure façon de prendre en compte aussi bien ce que nos clients nous disent d'eux que leur façon d'agir, de noter les produits et d'acheter. Notre algorithme améliore leur profil au fil du temps pour constituer la box la plus adaptée possible. Mais sans oublier de les exposer aussi à des produits inattendus, de les pousser un petit peu pour les aider à trouver des produits dont ils ne savaient pas qu'ils les aimeraient. Car, en réalité, c'est cela que les gens apprécient le plus.

Combien d'abonnés comptez-vous aujourd'hui ?

Tout début 2012, Birchbox avait dépassé les 100 000 abonnés. Nous avons bien sûr continué de croître et notre base d'abonnés s'est encore élargie avec l'acquisition de Joliebox, présent en France, en Espagne et au Royaume-Uni. Birchbox compte à ce jour 90 salariés, auxquels s'ajoute la vingtaine de collaborateurs de Joliebox.

Que représente dans les revenus de Birchbox la vente en ligne de produits grand format (hors miniatures), la troisième étape de votre modèle de discovery commerce ?

Elle représente une part massive de notre business et croît désormais plus vite que notre activité de coffrets sur abonnement. Plus de 50% de nos abonnés achètent sur notre boutique en ligne et une proportion croissante d'internautes y réalisent des achats sans être abonnés à nos coffrets. Nous concentrons donc une bonne partie de nos efforts sur notre activité de vente en ligne, qui complète notre modèle vertueux.

Nous arrivons à peu près à estimer combien de ventes sur le site va générer l'envoi d'une box, mais cette activité croît tellement rapidement que nos prévisions sont souvent dépassées. Nous nous attendons d'ailleurs à ce que notre activité d'e-commerce dépasse celle des abonnements.

Vous avez lancé en avril aux Etats-Unis une box pour les hommes qui ne contient pas que des cosmétiques. Vous élargissez donc votre sourcing...

Nous n'avons jamais voulu nous limiter à l'univers de la beauté, c'est d'ailleurs pour cela que nous nous appelons Birchbox et non Beautybox, par exemple. Nous avons toujours pensé que le fait de faire découvrir une marque et un produit au consommateur constituerait une façon intéressante d'attirer son attention, de le pousser à vouloir en apprendre davantage. Avec ce coffret homme, c'est la première fois que nous pouvons réellement tester si d'autres secteurs que les cosmétiques sont prêts à travailler ainsi, via des échantillons. Et cela fonctionne très bien.

Cela démontre aussi que Birchbox est légitime au-delà du segment de la beauté, et même au-delà des échantillons de consommables tels que la nourriture. Dans les coffrets homme, nous incluons de l'habillement, des accessoires, des jeux... Donc bien plus que des produits que l'on consomme une fois puis que l'on jette.

De l'habillement... de la tête aux pieds ?

Non, plutôt des éléments de détail : des sous-vêtements, des t-shirts, des chaussettes... Des vêtements dont on exige plus à notre âge que lorsque nous étions adolescents. Birchbox se veut l'ami qui vous aide à upgrader votre garde-robe simplement et sans effort. Par exemple, nous vous envoyons un t-shirt et vous savez que vous en trouverez beaucoup d'autres sur le site, de couleurs et de motifs différents.

Comment faites-vous circuler vos clients entre vos trois activités ?

Depuis deux ans que nous existons, ils sont habitués et savent que lorsqu'ils reçoivent leur box, ils peuvent aller sur le site voir les pages produits. Nous les encourageons aussi par email et via les réseaux sociaux à lire notre contenu et à partager leur expérience.

Certains acteurs comme le pionnier Shoedazzle ou The Honest Company ont mis de côté leur modèle d'abonnement pour devenir des sites marchands classiques. Comment voyez-vous le futur de ce modèle économique ?

Nous pensons que l'avenir de cette facette du modèle de Birchbox est robuste, mais nous ne nous sommes jamais considérés comme un e-commerçant sur abonnement comme l'est Shoedazzle. Pour ces acteurs, l'abonnement est une fin en soi et le produit vendu est leur produit. Tandis que chez Birchbox, le coffret n'est que le début de l'expérience de découverte de produits. Et l'abonnement demeurera toujours une partie primordiale de notre activité : essayer un produit est primordial dans le rapport à la marque.

Vous ne payez pas aux marques les cosmétiques que vous placez dans vos coffrets. Comment fonctionne votre sourcing pour les autres catégories de produits de la box homme ?

Le business model est le même pour tous nos assortiments. Nous délivrons ce que les marques désirent, c'est-à-dire l'accès à des consommateurs qualifiés, qui paient et que l'on peut cibler très précisément. Cela a une valeur immense pour les marques.

Jeux, t-shirts, alimentaire... Ne payez-vous rien ?

Cela dépend vraiment du type de produit et de la valeur de chaque article. Et cela ne rend absolument pas notre modèle moins rentable. Les hommes qui reçoivent la box poursuivent bien leur shopping sur notre site, donc la rentabilité de ces clients est très bonne également.

Pour améliorer leurs marges, certains sites d'e-commerce sur abonnement sont intégrés verticalement : Shoedazzle fabrique les chaussures qu'il vend, Wittlebee vient d'acquérir Cottonseed... Est-ce une option que vous envisagez ?

Pas du tout. Nous voulons être la plateforme qui connecte les marques existantes avec les consommateurs. C'est cette dimension qui nous différencie.

En France et au Royaume-Uni, Stylistpick vend des collections de Stylemint, la branche habillement de Beachmint (les deux sociétés comptent Accel Partners parmi leurs actionnaires, ndlr). Réfléchissez-vous à des partenariats de ce type ?

Ce n'est pas notre approche. Nous préférons développer notre offre en interne en demandant à nos clients ce qu'ils veulent, d'autant qu'ils sont très heureux de nous le dire. Et nous savons ensuite tirer profit de notre très large base de clients pour réussir des lancements à grande échelle.

Nous l'avons d'ailleurs bien vu avec la box homme : les consommateurs y ont été très réceptifs, ce qui prouve que nous pouvons continuer à étendre notre activité. Tout l'enjeu consiste à rester attentif, pour chaque nouvelle catégorie de produits, à la meilleure façon de proposer une expérience de découverte de produits.

Comment tirez-vous profit du concept de curation et des sites comme Pinterest ?

Pinterest, très pertinent pour des secteurs aussi visuels que la beauté et la mode, est très important pour Birchbox. Nous y avons plus de 300 000 followers. Or la qualité du trafic est incroyable : les visiteurs sont déjà dans un état d'esprit de lèche-vitrine et pensent déjà à consommer.

Nous utilisons peu les autres sites bâtis sur le même modèle que Pinterest, mais bien sûr Facebook, Twitter et Youtube sont primordiaux pour nous aussi. C'est même presque grâce à Youtube que nous avons décollé : beaucoup de consommateurs réalisent des vidéos à la réception de leur coffret. Cela fait maintenant partie de leur expérience de Birchbox.

Vous êtes pour l'instant absents du canal mobile. Avez-vous des projets en la matière ?

Tant de transactions sont effectuées sur mobile, tant d'e-mails sont ouverts sur mobile... Nous nous y intéressons forcément beaucoup. Une part importante de notre trafic provient d'ailleurs de ce canal. Nous lancerons notre première expérience sur mobile au premier trimestre 2013.

Katia Beauchamp est la cofondatrice et la co-PDG de Birchbox, fonctions qu'elle partage avec Hayley Barna. Diplômée de Vassar College, elle débute sa carrière dans la finance et l'immobilier. Au bout de trois ans, elle intègre le programme de MBA de Harvard Business School, où elle rencontre Hayley Barna. Dès l'obtention de leur MBA, les deux jeunes femmes lancent Birbox, en septembre 2010.