Michel Sapin (ministre de l'Economie et des Finances) "Je vais au CES pour soutenir les entrepreneurs"

Baisse de l'impôt sur les sociétés, allègement de la fiscalité pour les investisseurs… Avant son voyage à Las Vegas, le ministre de l'Economie commente pour le JDN les dernières mesures prises par Bercy pour booster les start-up.

Cette semaine vous allez visiter le CES, le salon de l'innovation de Las Vegas. Vous avez rendez-vous là-bas jeudi avec les entrepreneurs français au pavillon de la French Tech. Quel message voulez-vous leur faire passer ?

Michel Sapin, ministre de l'Economie et des Finances. © ministère de l'Economie et des Finances

La France est le troisième pays le plus représenté au CES, derrière les Etats-Unis et la Chine. Un ministre de l'Economie se doit dans ce moment extrêmement important d'être au côté de ces start-up pleines d'avenir et de les soutenir. Je profiterai également de ce voyage pour souligner auprès de ces chefs d'entreprise combien la France est attractive pour les structures qu'ils développent.

Dans le cadre de la loi de finances de 2017 et des lois de finances rectificatives pour 2016, nous avons mis en place plusieurs mesures visant à soutenir ces jeunes pousses, notamment sur le plan fiscal. Nous allons abaisser fortement l'impôt sur les sociétés. Il passera entre 2017 et 2020 de 33 à 28% pour toutes les entreprises, pour un coût de 7 milliards d'euros par an. Mais dès 2017, les 700 000 PME tricolores qui réalisent jusqu'à 75 000 euros de bénéfices bénéficieront de cet allègement fiscal, qui coûtera 330 millions d'euros. De nombreuses start-up appartiennent à cette catégorie.

L'impôt sur les sociétés va passer de 20 à 17% au Royaume-Uni d'ici 2020, il n'est que de 12% en Irlande. Cette mesure coûteuse n'est-elle pas vaine ?

Nous ne sommes pas ici dans une course au moins-disant mais dans une lutte contre une image fausse que certains chefs d'entreprises ont de la France. L'impôt n'y est pas plus élevé qu'ailleurs en Europe. 28% est le taux moyen d'imposition sur les sociétés appliqué sur le Vieux continent. Il est plus élevé chez nos voisins allemands et belges (respectivement 30,18 et 33,99%, ndlr).

Par ailleurs, nous allons réduire dès 2017 l'assiette sur laquelle les sociétés sont imposées dans l'Hexagone en faisant passer le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) de 6 à 7% pour toutes les entreprises.

Cette mesure, qui coûte environ 20 milliards d'euros à l'Etat chaque année, a pourtant été critiquée dans un rapport parlementaire signé par Marie-France Beaufils, membre communiste de la commission des Finances du Sénat…

"Dès 2017, les 700 000 PME qui réalisent jusqu'à 75 000 euros de bénéfices bénéficieront d'un impôt sur les sociétés allégé à 28%"

Dans notre beau pays, tout dispositif nouveau est critiqué, mais ce qui est légitime ce ne sont pas les jugements, ce sont les faits. Je constate que depuis la mise en place du CICE, les entreprises - start-up y compris - ont retrouvé les marges dont elles bénéficiaient avant la crise, que l'investissement est reparti en 2016 et qu'il a toutes les raisons de continuer à croître en 2017. Les sociétés installées en France ont également recommencé à créer des emplois. Depuis la crise de 2008, jamais autant de postes n'ont été créés dans notre pays qu'en 2016. Les objectifs principaux de ce texte ont donc bel et bien été remplis, il est efficace.

Les investissements ont certes repris mais parmi les 25 nouvelles licornes recensées dans le monde en 2016, aucune n'est française. Qu'allez-vous faire pour convaincre les investisseurs de miser sur des jeunes pousses tricolores ?

Le portrait que vous tirez de la situation est sévère. Depuis 2013, cinq start-up ont réalisé des levées de fonds supérieures à 100 millions de dollars et les entreprises hexagonales lèvent chaque année plus de fonds auprès de sociétés de capital-risque. En 2016, elles auront collecté auprès de ces structures plus de 2,5 milliards de dollars.

Pourtant, les entrepreneurs pensent trop souvent qu'ils doivent aller chercher à l'étranger, aux Etats-Unis notamment, les financements nécessaires à leur développement. Je me rends donc au CES pour souligner auprès des investisseurs que la France est un pays attractif. Le compte PME innovation, mis en place cette année, permet par exemple aux entrepreneurs couronnés de succès de réinvestir les bénéfices de leur entreprise dans de jeunes PME ou dans des start-up, en bénéficiant d'un cadre fiscal très avantageux sur les plus-values.

Les start-up peinent également à croître car il leur est difficile d'attirer des profils d'ingénieurs, faute de moyens. Que proposez-vous pour les aider ?

"Je me rends au CES pour souligner auprès des investisseurs que la France est un pays attractif, notamment grâce au compte PME innovation mis en place cette année"

Les entrepreneurs proposent souvent à leurs salariés une rémunération sous forme d'actions gratuites. La fiscalité appliquée à ce type de rétribution va évoluer. Lorsque les gains générés seront inférieurs à 300 000 euros par an, comme c'est souvent le cas pour les collaborateurs de jeunes pousses, ils seront taxés de manière avantageuse en fonction du régime des plus-values mobilières. Lorsque ces rétributions sont supérieures, comme c'est le cas pour certains grands patrons qui bénéficient aussi de ce type de rémunérations, elles seront fiscalisées au barème plus élevé de l'impôt sur le revenu. Les start-up pourront ainsi attirer leurs potentiels employés grâce à une rémunération fiscalement intéressante, juste retour des efforts accomplis pour développer la société.

Avant de rentrer en France, vous faites un crochet par San Francisco. Vous allez notamment y rencontrer le maire de la ville afin de discuter des mesures qu'il a mises en place pour limiter la location de biens immobiliers sur la plateforme Airbnb à 90 jours par an. Voulez-vous faire passer des mesures similaires en France ?

Nous avons déjà pris des mesures d'encadrement de l'activité de ces plateformes, pour que leurs concurrents, qui doivent payer des charges, ne subissent pas de pression abusive sur les prix. A partir du 1er janvier 2019, elles devront notamment transmettre à l'administration fiscale les revenus générés par chacun de leurs utilisateurs. Mais nous n'allons pas faire passer de loi à la va-vite. Je vais écouter l'analyse du maire de San Francisco sur cette nouvelle réglementation et y réfléchir avec mes équipes. Il est toutefois intéressant de noter qu'aux Etats-Unis, pays où la libre entreprise est un absolu, cette activité nouvelle ait été régulée…