Paul-François Fournier (Bpifrance)  "Trois milliards d'euros de prêts garantis par l'Etat ont été accordés aux start-up"

Le directeur exécutif de la banque publique d'investissement revient sur le soutien financier accordé par l'Etat aux start-up et fait le point sur l'état de l'écosystème depuis le reconfinement.  

JDN. Où en est le French Tech Bridge, ce mécanisme via lequel Bpifrance investit 50% du montant d'une levée de fonds d'une start-up aux côtés de fonds d'investissement ? 

Paul-François fournier est directeur exécutif de Bpifrance. © Bpifrance

Paul-François Fournier. Une soixantaine de start-up ont bénéficié du French Tech Bridge depuis le début de la crise, pour un investissement de l'Etat d'une centaine de millions d'euros sur une enveloppe totale de 160 millions investis en fonds propres. Nous avons entre 80 et 100 plus petits dossiers en cours d'instruction. Une fois bouclés d'ici début 2021, ils devraient nous amener au bout de cette enveloppe. Pour l'instant, il n'est pas envisagé de prolonger le dispositif avec un nouveau financement. 

Ces investissements ont été réalisés sous forme d'obligations convertibles en actions. Etes-vous entrés au capital de certaines start-up via le French Tech Bridge ? 

Cela se fera à la marge. Nous avons identifié certaines start-up pour lesquelles cela nous intéresserait, mais nous n'en sommes pas encore là.  

Quel est le montant total des prêts garantis par l'Etat (PGE) accordés aux start-up ? 

Selon nos estimations, 3 milliards d'euros de PGE ont été accordés à des start-up depuis le début de la crise. C'est beaucoup plus que ce à quoi nous nous attendions. Les banques ont été très présentes pour accompagner les start-up. Certes, avec une garantie de l'Etat, mais en prenant tout de même le risque de financer de nouvelles activités et des modèles économiques innovants. Quand on voit que le capital-risque investit 5 milliards d'euros par an en France, trois milliards d'euros de prêts est un montant significatif.  

Des start-up qui ont déjà bénéficié des PGE et du French Tech Bridge peuvent-elles à nouveau y prétendre en cas de forte baisse d'activité pendant le deuxième confinement ? 

"On ne sent plus dans l'écosystème une inquiétude massive comme après le premier confinement"

Il est possible de redemander un PGE, mais il faudra rester dans les clous du critère fixé pour les start-up : le montant ne peut dépasser le double de la masse salariale de l'entreprise. En pratique, la plupart des jeunes pousses ont demandé le montant maximum possible et ne pourront donc pas y avoir à nouveau recours. Il sera en revanche possible de reporter d'un an supplémentaire le début du remboursement pour les entreprises qui en feront la demande. Pour ce qui est du French Tech Bridge, ce sera difficilement possible puisque l'enveloppe sera bientôt épuisée et qu'il n'est pas prévu de l'abonder à nouveau. 

Avez-vous vu arriver avec cette deuxième vague et le reconfinement des start-up qui ne pensaient pas avoir besoin de ces mécanismes la première fois mais n'ont plus le choix ? 

Pour l'instant, nous ne constatons pas un afflux massif.  

L'écosystème a-t-il de quoi tenir en 2021, une fois que ces mécanismes d'aide seront épuisés, alors que la demande restera en baisse dans certains secteurs ? 

Je ne crois pas que nous soyons dans une scénario catastrophe. Si la catastrophe devait avoir lieu, elle aurait déjà eu lieu. On ne sent plus dans l'écosystème une inquiétude massive comme après le premier confinement. A présent, beaucoup d'entreprises ont une visibilité de fonds propres de plus de douze mois. C'est le cas de 60% des start-up de notre portefeuille par exemple. Malgré cette crise, le capital-risque devrait investir environ les mêmes montants qu'en 2019, soit cinq milliards d'euros. La France sera l'un des seuls pays à se maintenir ainsi. Selon le baromètre EY, au premier semestre, les investissements similaires sont en baisse de 20% en Allemagne et de 9% au Royaume-Uni, contre seulement 3% en France. 

Mais il restera en revanche de grosses difficultés dans certains secteurs, comme les mobilités ou le tourisme. L'un des points de vigilance de Bpifrance est que les start-up bénéficient aussi des aides sectorielles et ne soient pas considérées seulement comme des entreprises de la tech. De manière plus générale, on observe tout de même que le modèle de la tech est plus résilient que l'économie traditionnelle en temps de crise et lui ouvre davantage d'opportunités. D'ici un an, nous pourrons nous dire que cette crise est derrière nous.  

Paul-François Fournier est directeur exécutif de Bpifrance, en charge de la direction innovation depuis 2013, après une carrière d'ingénieur télécom chez France Telecom, Wanadoo puis Orange.