Levées de fonds : l'arbre qui cache la forêt

En 2020, les startups de la French Tech ont battu un record avec 5,4 milliards d'euros de fonds levés. De quoi donner l'impression que la case "levée de fonds " est un passage obligé pour toute startup qui se respecte.

Cette mise en lumière tranche avec l’obscurité dans laquelle restent plongées les aides fiscales à l’innovation (CIR/CII/JEI). Pourtant ces dispositifs pèsent 7 milliards d’euros et concernent beaucoup plus d’entreprises. Résultat 80% des entreprises éligibles passent à côté des aides fiscales à l’innovation et souvent par méconnaissance…

En cinq ans, le montant levé par les startups en France a pratiquement quintuplé, passant de 1,81 milliards d’euros en 2015 à 5,39 milliards d’euros en 2020. Un record qui témoigne de l’intérêt croissant des startups pour cette solution de financement. Ce chiffre permet aussi d’entretenir le mythe de la jeune pépite, partie de rien et valorisée à plusieurs millions en quelques mois d’existence. Des success stories largement relayées dans la presse qui font rêver les nouveaux entrepreneurs quitte à leur faire oublier le sens des priorités : les clients, le produit et la rentabilité. Combien d’entreprises ont levé des millions et n’ont jamais atteint l’équilibre financier ? Lever des fonds n’empêche pas une faillite, Take Eat Easy en est l’exemple : 16 millions levés en 2015 et un redressement en 2016. C’est pourquoi "dans la Silicon Valley, quand tu as levé des fonds, on te dit bon courage !" rappelle Olivier Younes, professeur à HEC, spécialisé dans l'entrepreneuriat et le capital-risque.

Lever des fonds peut être un levier important et permettre de s’imposer sur un marché mais c’est trop souvent le plan A, le plan B et le plan C des startups dans leur stratégie de développement. Le battage médiatique sur la levée de fonds occulte les autres sources de financement à commencer par les aides fiscales à l’innovation. Pourtant ces dispositifs pèsent plus lourd (7 milliards de budget annuel) et concernent plus d’entreprises (25 000 bénéficiaires contre 620 levées de fonds françaises en 2020). Alors on pourrait se dire qu’il n’est pas nécessaire de parler du crédit impôt recherche, du crédit impôt innovation ou du statut Jeune Entreprise Innovante puisque tant d’entreprises en profitent déjà. À quoi bon parler d’un sujet si évident ? Et c’est bien là le problème ! Ces aides sont trop largement méconnues des startups et des PME. La preuve, elles sont plus de 100 000 à passer à côté chaque année. Si tous les dirigeants connaissent la levée de fonds combien ont entendu parler du crédit impôt innovation ?

Ces derniers se rassureront peut-être en se disant que le CII ne doit pas faire le poids face aux centaines de milliers d’euros des levées de fonds. Là encore c’est une double erreur. D’abord car ce dispositif n’est pas une alternative aux levées de fonds mais une source indépendante et complémentaire de financement. Enfin le CII est un dispositif généreux. Il représente en moyenne 30 000 euros par an pour une TPE, il est non-dilutif et mobilisable rapidement. Mais surtout il est très accessible ! Il "suffit" de développer un produit ou un logiciel présentant un élément de nouveauté par rapport à la concurrence. Et le CII a fait ses preuves. Depuis sa mise en place en 2013, il a largement favorisé la conception de nouveaux produits français. Ces mêmes produits qui font ensuite la une des médias…