Innover, attirer, engager : comment la réalité virtuelle peut soutenir les lieux culturels

Cette tribune porte sur l'impact économique de la crise de la Covid-19 sur les institutions culturelles et les challenges qu'ils ont à relever avec le focus mis sur la réalité virtuelle qui permet de compléter l'offre déjà proposée par les musées.

Selon la dernière enquête de l’ICOM[1] sur les musées, l’impact économique de la crise de Covid-19 est particulièrement inquiétant : près de 13% des musées pourraient fermer définitivement leurs portes, et 80% déclarent que leurs programmes de demain seront plus limités qu’avant la pandémie. Cette situation d’instabilité n’est pas nouvelle, mais la crise sanitaire et les fermetures à répétition des lieux culturels ces derniers mois n’ont fait que l’accentuer. 

Face à cette réalité, il devient vital pour la survie des musées de réagir et s’adapter. Cela nécessite des fonds, des idées, mais aussi de l’audace. Les technologies immersives comme la réalité virtuelle peuvent ici intervenir, et s’imposer en support de l’offre culturelle actuelle, non pas en la remplaçant, mais bien en l’enrichissant. 

Relever le défi d’une offre muséale adaptée à son époque 

Les musées ne sont pas seulement des lieux de préservation des collections d’art. Ils sont aussi et surtout engagés dans la diffusion de la culture à un public aussi large que possible. Rendre des œuvres accessibles, éveiller la curiosité et renforcer les connaissances... il s’agit pour cela de satisfaire et fidéliser une audience déjà existante, tout en en attirant une nouvelle, souvent moins captive et plus éloignée. Comment ? C’est notamment une question de contextualisation des œuvres et sites culturels. Quoi de mieux qu’être littéralement immergé dans la culture pour engager le public et maintenir l’attention ? Les musées regorgent d’histoires fascinantes et de connaissances pointues, par le biais de leurs collections et expositions, mais aussi grâce à l’expertise de leurs acteurs, conservateurs, historiens d’art…

Concrètement, la mise en lumière de ce patrimoine tant matériel qu’immatériel repose sur la capacité des institutions culturelles à investir deux champs d’action : ceux de la promotion et de l’innovation. Il s’agit d’une part de capitaliser sur les artefacts des musées en diffusant plus largement leurs histoires, notamment via des canaux numériques, mais aussi de s’appuyer sur la notoriété des institutions. Un musée est aussi une marque, trop souvent sous-exploitée. La promotion passe également par des démarches de prêt des œuvres (physiques ou virtuelles), qui véhiculent l’image et les valeurs du lieu. En parallèle, les musées doivent proposer de véritables expériences à leurs visiteurs : des moments créateurs d’émotions et de sensations, personnalisés et vécus en groupe. Une œuvre ressentie aura en effet toujours plus d’impact qu’une œuvre expliquée. Elle sera en outre partagée plus largement par le visiteur, dans son cercle proche ou via les réseaux sociaux. C’est en s’engageant dans cette direction que les institutions pourront partager plus largement leur patrimoine. Ces différents efforts permettront de générer de nouvelles sources de revenus pour les musées, et donc à terme de développer leur offre dans une dynamique vertueuse.

En finir avec l’opposition stérile entre culture et divertissement 

Et si, pour faire face à la crise que nous traversons, il fallait appréhender autrement le positionnement des musées dans l’écosystème culturel ? Le divertissement est en effet souvent considéré comme un parent pauvre face à la culture avec un grand C. Il est de fait souvent mis de côté dans les stratégies muséales. Or, développer sa culture présente une dimension divertissante pour nombre de visiteurs, tous publics confondus. Il est temps de changer de paradigme et de revaloriser les expériences de divertissement au sein des musées. C’est bien là que la réalité virtuelle peut venir en soutien.

Appliquée à la culture, la réalité virtuelle permet de mettre en place des expériences immersives : autant de plongées sensorielles dans un monde virtuel, dans le musée ou à l’extérieur, seul ou en groupe… Ces dernières peuvent s’insérer facilement dans l’offre muséale. Imaginons par exemple qu’au sein d’une exposition sur l’Egypte ancienne, vous aviez la possibilité d’explorer avec vos amis ou votre famille la pyramide de Khéops. Vous découvrez son histoire, son architecture, et vous pouvez même remonter le temps pour assister aux funérailles du roi Khéops. Cette projection est aujourd’hui possible grâce à la réalité virtuelle. Cette technologie peut également permettre d’aller plus loin, en prolongeant une exposition temporaire par une continuité numérique ou en invitant des œuvres d’art dans les écoles ou les lieux privés… L’imagination n’a pas de limite. Il revient aux musées de repenser leurs approches de médiation culturelle en y intégrant la dimension technologique qu’offre la réalité virtuelle.

Certains visiteurs préfèreront un environnement neutre pour apprécier une œuvre d’art, d’autres auront envie de vivre une expérience interactive avec cette dernière, ou encore de participer à un jeu collectif autour de celle-ci. Pourquoi privilégier l’une ou l’autre de ces approches et ainsi se couper d’un public potentiel ? Les expériences reposant sur la réalité virtuelle peuvent permettre d’engager de nouveaux visiteurs et de rendre accessible plus largement les trésors des musées. Ne nous privons pas de ce que la réalité virtuelle a à offrir. Il en est de l’avenir de nos institutions muséales !  

[1] Conseil international des musées - https://icom.museum/wp-content/uploads/2020/05/Rapport-musées-et-COVID-19-1.pdf