Responsabiliser les entreprises face aux défis du gaspillage électronique et de la fracture numérique

Fracture numérique et gaspillage électronique: comment responsabiliser les entreprises et les aider à revaloriser leurs ordinateurs en fin de vie ?

En France, 1,4 million de tonnes de déchets électroniques sont produits chaque année ; 40% seulement sont recyclés. Qu’il s’agisse de machines à café, de chargeurs de batterie ou d’imprimantes, ce fléau pour la planète est lié en grande partie à l’activité des entreprises.

Loin devant l’envoi d’e-mail, le streaming ou les data centers souvent pointés du doigt, la production de matériel électronique représente 65 à 90% de l’impact environnemental de l’informatique ! La solution pour réduire cet impact ? Prolonger la durée de vie du matériel et donner aux entreprises des solutions alternatives.

Si les initiatives se sont multipliées pour aider les individus à donner une seconde vie à leurs outils technologiques, les solutions proposées aux entreprises sont encore rares et le cadre législatif est encore trop léger.

D’un autre côté, la fracture numérique se creuse en France : les personnes qui n’ont pas accès à un ordinateur et à internet subissent de fortes inégalités. Les ordinateurs qui dorment dans les placards des entreprises pourraient aider à y remédier.

Gaspillage numérique : la responsabilité environnementale des entreprises

En France, 2 millions d’entreprises déclarent disposer d’ordinateurs dont elles ne se servent plus, et qui dorment dans leurs placards, d’après Emmaüs Connect. Le même problème se pose pour les téléphones professionnels.

Si la plupart des grandes entreprises ont des départements RSE, dédiés à leur impact social et environnemental, le sujet n’est pas toujours pris à bras le corps. Il faut dire que la loi n’impose aucune contrainte en matière de recyclage des appareils électroniques.

Quant aux PME, elles tendent à délaisser le sujet, faute de connaissances, de ressources et d’initiatives externes proposées. D’après une étude BNP Paribas de 2020, seulement 25% des PME européennes mesurent l’empreinte carbone associée à leurs équipements technologiques, soit deux fois moins que les grandes structures.

Mais ce n’est pas une fatalité : des solutions existent. La première chose à faire est de sensibiliser les entreprises et l’ensemble de la population à cet enjeu de taille, notamment par des campagnes de communication ; car c’est peut-être, avant tout, dans le manque de communication sur le sujet que le bât blesse.

Mieux inscrire la lutte contre le gâchis numérique pour les entreprises dans la législation serait également un premier pas indispensable pour déclencher une vraie prise de conscience et des actions concrètes.

Une législation encore en retard pour inciter les entreprises à valoriser leurs objets électroniques non utilisés

L’impulsion pourrait venir du législateur, mais celui-ci est encore timide. Ainsi, aucune législation ne contraint vraiment les entreprises à recycler leurs objets électroniques non utilisés. En effet, les entreprises doivent recycler leurs déchets d'équipements électriques et électroniques  (DEEE) mais elles ne sont nullement taxées si elles ne le font pas. Quelques projets de loi voient lentement le jour : par exemple, la loi REEN 2 confère à l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) un pouvoir de collecte de données relatives à l’impact environnemental du numérique, mais sans pour autant obliger les organisations à réduire leur empreinte carbone et en excluant les Gafam, qui sont pourtant principalement concernés par le sujet.

Côté particuliers, on note toutefois que de premières actions ont été mises en place. À cet égard, la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire a instauré un indice de réparabilité des produits électriques et électroniques, qui permet d’informer le consommateur sur le caractère réparable (ou non) des produits électroniques qu’il achète.

Répondre à la fois aux problèmes du gâchis électronique et de la fracture numérique : revaloriser les ordinateurs en fin de vie dans les entreprises

Au-delà de l’importance d’une prise de conscience collective et d’une législation plus incitative, quelles mesures pourrait-on mettre en place pour revaloriser les objets électroniques en fin de vie ?

Il est tout d’abord possible de se tourner vers le reconditionnement, c’est-à-dire la remise en état d’un produit pour lui donner une seconde vie. Le marché du reconditionné pour les particuliers est en plein essor : il est actuellement estimé à plus de 50 milliards d’euros. Des acteurs comme BackMarket luttent contre le gâchis numérique et l’obsolescence programmée en vendant des ordinateurs et des smartphones reconditionnés aux individus.

Ensuite, si les ordinateurs ne sont plus utilisables, on peut se tourner vers le recyclage. Une liste des points de collecte est disponible sur le site ecosystem.eco.

Enfin, on peut faire don de ses objets électroniques inutilisés à des familles dans le besoin ou à des écoles, via des associations qui s’occupent de les reconditionner (Emmaüs Connect, Ecologic, LaCollecte.tech…). Ces dons peuvent d’ailleurs être défiscalisés.

Donner une seconde vie au matériel électronique qui n’est plus utilisé par les entreprises pourrait, ainsi, constituer une solution à la fracture numérique : en effet, une partie de la population n’a pas accès à internet ou ne sait pas utiliser les outils numériques, souvent faute de posséder un ordinateur. Selon l’INSEE, près de 17% de la population française est concernée.

En distribuant des ordinateurs encore en état de marche aux populations n’ayant pas accès au numérique, les entreprises pourraient avoir un impact social important et s'impliquer dans la réduction des inégalités.

Des solutions simples existent. Il ne tient désormais qu’à nous de les mettre en œuvre, pour répondre de manière conjointe aux problèmes du gâchis et de la fracture numérique.