Frédéric Montagnon (Arianee) "La Silicon Valley Bank nous donnait notre chance"

Entre 2012 et 2019, Frédéric Montagnon possédait une start-up cliente de la Silicon Valley Bank (SVB), un établissement réputé dont l'effondrement était pour lui imprévisible.

JDN. Vous avez été client de la Silicon Valley Bank pendant sept ans. Pourquoi avoir choisi cette banque ?

Fondateur d'Arianee, Frédéric Montagnon était client de SVB dans sa précédente entreprise, Teads. © JDN

Frédéric Montagnon. Je suis venu aux Etats-Unis en 2012 pour continuer de développer Teads, une start-up que j'ai fondée. A l'époque tout le monde me parlait de la Silicon Valley Bank, c'était la banque des start-up. Autour de moi, les gens disaient "c'est la seule à comprendre ce que font les start-up". C'est vrai qu'elle était compétente sur le sujet. Surtout, quand on lance sa boite, ce n'est pas évident de trouver un partenaire bancaire. Contrairement avec les grandes entreprises, la banque fait un pari avec les start-up et elle sait qu'elle ne gagnera pas d'argent à court terme. La SVB acceptait de nous donner notre chance.

La Silicon Valley Bank était donc un établissement avec une bonne réputation et considéré comme fiable ?

C'était la référence pour les start-up et l'une des 15 premières banques américaines. Dans le domaine de la tech, tout le monde était client là-bas. Factuellement, elle faisait partie des banques très respectées aux Etats-Unis, elle avait des guichets dans l'ensemble du pays et des régulateurs qui inspiraient confiance… A aucun moment on pouvait imaginer qu'elle allait s'effondrer. Si je n'avais pas vendu ma boite, je serais sans doute resté client à la Silicon Valley Bank et aujourd'hui j'aurais été bien embêté.

"Si je n'avais pas vendu ma boite, je serais sans doute resté client à la Silicon Valley Bank"

Pourtant, du jour au lendemain, tout s'est effondré…

La relève des taux d'intérêt de la part de banque centrale américaine a été un peu brutale. La donne a changé d'un seul coup et personne n'est préparé à ça. Peut-être que le département risque de la SVB n'a pas été très vigilant mais ce changement de situation était très dur à prévoir. Dans l'ensemble, la banque n'a rien fait de dramatique. Il y'a un an et demi, les start-up étaient les clientes idéales car elles étaient très bien valorisées, surtout dans la tech. La Silicon Valley Bank, par la structure de sa clientèle, avait le meilleur business de banque possible. Mais les conditions de marché se sont durcies soudainement et les start-up ont eu besoin de retirer leur argent. La SVB a été obligée de vendre ses bons du trésor avec une décote car les investisseurs ont privilégié des placements devenus avantageux avec la hausse des taux d'intérêt. En somme, pendant la période post-covid, les étoiles s'étaient alignées pour la Silicon Valley Bank et tout a basculé d'un seul coup.

Peut-on tirer des conclusions de cet épisode pour éviter qu'il ne se reproduise ?

Le premier enseignement est qu'aucune banque n'est à l'abri d'un bank run partout dans le monde. Peut-être que la Silicon Valley Bank a fait des choix douteux mais c'est surtout les conditions qui ont changé brusquement. Pour n'importe quelle banque, si leurs clients veulent tous retirer leur argent en même temps, ça ne sera pas possible. Quoiqu'il arrive, le risque zéro ne sera jamais évacué. On peut aussi tirer un deuxième enseignement : pour le client final, c'est presque impossible d'évaluer la fiabilité d'une banque. Les bilans des banques sont des documents lourds, difficilement compréhensibles. Cela manque de clarté et de transparence. Au final, on choisit sa banque pour des paramètres qui ne sont pas les bons car ils n'ont rien à voir avec la structure de l'établissement.

Quelles conséquences la faillite de la Silicon Valley Bank peut-elle entrainer ?

Les gens vont se dire qu'il faut aller dans les banques de taille encore plus importante. Pourtant, la Silicon Valley Bank était la 15e banque américaine… C'est terrifiant car les clients vont se concentrer encore plus sur un petit nombre d'établissements. Quand une grosse banque sera en danger, par exemple l'une des cinq premières, la banque centrale interviendra car la faillite d'un tel établissement serait dévastatrice. Mais elle créera des liquidités (comme elle le fait aujourd'hui) et donc de l'inflation. Et cela fera perdre de la maitrise à tout le monde. Evidement, une telle situation n'est pas enviable.