Le régime JONUM veut fixer les règles des jeux vidéo dans le Web3
Les députés ont récemment adopté le projet de loi sur la Régulation de l'Espace Numérique, ou SREN, qui introduit le "régime JONUM" (l'acronyme de "jeux avec des objets numériques monétisables"). Il promet d'établir un cadre réglementaire spécifique pour les jeux vidéo exploitant les NFT et la blockchain. La nécessité de réguler devenait en effet pressante. Le secteur du jeu vidéo Web3 en France est florissant, avec comme chef de file SoRare, désigné comme une "Licorne" par Emmanuel Macron lui-même, et qui a inspiré l'intitulé officieux du texte, que certains qualifient de "loi SoRare".
Le texte cherche à équilibrer la promotion de l'innovation parmi les start-up françaises tout en garantissant la protection des utilisateurs. Et si certains aspects restent à déterminer, il se montre dans l'ensemble plutôt favorable aux acteurs du secteur. Les députés les distinguent en effet clairement des jeux d'argent, comme l'espéraient les acteurs du secteur, qui dans le cas contraire auraient du faire face à des contraintes fiscales et juridiques bien plus lourdes. "Ce qui va être mis en place, c'est un régime pilote de trois ans, semblable à celui des DLT (technologie des registres distribués, terme qui inclut la blockhain, ndlr), avec une certaine flexibilité," explique Matthieu Quiniou, avocat spécialiste de la blockchain.
De nouvelles obligations
Le régime JONUM, tel qu'il a été voté, prévoit notamment de nouvelles obligations en termes d'identification des joueurs, ainsi qu'un encadrement plus strict de la promotion des jeux Web3 par les influenceurs. Les utilisateurs devront ainsi indiquer leur âge lors de la création d'un compte pour un jeu crypto et vérifier leur identité lorsqu'ils retirent leurs gains. En revanche, contrairement à ce que craignaient les acteur du secteur, aucune vérification d'identité à l'inscription ne sera requise.
"Il me semble que l'exigence d'un KYC non pas pour la participation au jeu mais uniquement pour le retrait du gain est une solution équilibrée," estime Matthieu Quiniou. "Espérons que cette approche sera maintenue jusqu'au vote de la version définitive du texte de loi. Pour la vérification de l'âge, il semble qu'on se dirige vers une approche simplement déclarative de l'internaute comme par exemple pour l'accès à des sites liés à l'alcool ou au tabac".
Seule ombre au tableau aux yeux des défenseurs d'une approche souple de la part du législateur, c'est l'Autorité Nationale des Jeux (ANJ) qui supervisera la conformité des jeux Web3 avec la loi. Il pourrait ainsi devenir obligatoire pour les entreprises souhaitant proposer de tels jeux de faire une déclaration préalable à l'ANJ. Cette dernière devra préciser à l'avenir ses modalités de dépôt ainsi que son contenu.
Concernant la promotion de ces jeux, le régime JONUM prévoit également des mesures interdisant l'utilisation d'influenceurs pour des activités promotionnelles sur des plateformes en ligne qui ne prévoient pas de mesures permettant de limiter leur accès aux mineurs. Cette dernière mesure devrait avoir un impact limité. YouTube, par exemple, ne serait pas concerné. En revanche, X, qui ne prévoit pas de limiter son accès aux mineurs, ne pourrait plus être utilisé.
"Il semble délicat de limiter excessivement les possibilités pour les entreprises produisant des jeux vidéo utilisant des NFT, le risque étant de voir des entreprises partir pour des pays plus flexibles", estime Matthieu Quiniou. "Plutôt que de créer des contraintes excessives, il serait préférable de segmenter selon les différentes phases du jeu et, dans la plupart des cas, de laisser les joueurs tranquilles". Avant d'entrer en vigueur, la loi doit encore passer devant une Commission mixte paritaire, dont la composition ainsi que la date restent à déterminer. Elle devra ensuite être définitivement validée par le Conseil Constitutionnel.