Blockchain : l'Union européenne passe à la phase 2 de son expérimentation

Blockchain : l'Union européenne passe à la phase 2 de son expérimentation Les institutions européennes ont mis en place dès 2018 un programme visant à tester les usages de la blockchain au sein de l'administration européenne.

La vague d'adoption de la blockchain actuellement à l'oeuvre concerne aussi bien le secteur privé que le secteur public. Les institutions européennes sont en effet à la pointe sur le sujet, après avoir lancé un programme expérimental dès 2018, dans le cadre des "building blocks", des boîtes à outils visant à accélérer la numérisation de l'Union européenne.

Ce programme expérimental, qui s'achève désormais pour laisser place à une nouvelle phase consacrée à l'approfondissement des usages, est mené par le Partenariat Européen pour la Blockchain (PEB). Ce consortium regroupe les Etats membres, ainsi que la Norvège et le Liechtenstein, sous l'égide de la Commission Européenne. L'objectif est d'exploiter la blockchain pour créer un environnement numérique sûr et efficace, et proposer des services transfrontaliers de confiance aux administrations, aux entreprises et aux citoyens de l'UE.

"Il est si facile de tomber sur des informations fallacieuses. Trouver des renseignements authentiques est un vrai défi", confie Joao Rodrigues Frade, chef du secteur des composants numériques fondamentaux à la Direction générale de l'informatique (DIGIT) de la Commission européenne, au Journal du Net. "Utiliser la blockchain permet de résoudre certains des problèmes qui se posaient jusqu'à présent lorsqu'on cherche à vérifier un document, par exemple".

La blockchain européenne, officiellement baptisée Infrastructure Européenne des Services de Blockchain (EBSI), est dite "semi-publique". Cette configuration garantit un accès universel à la plateforme, tout en instaurant un mécanisme de permission pour l'enregistrement des données, confié aux opérateurs des nœuds.

Traçabilité et authentification

Au coeur du projet de blockchain européenne se trouve le concept "d'identifiants vérifiables", des versions numériques des justificatifs dont toutes les informations sont vérifiables car fondées sur des technologies qui en garantissent l'authenticité, et inscrites sur la blockchain.

L'expérimentation a porté sur trois axes majeurs. Le premier concerne la vérification de documents, tels que les diplômes ou les attestations de sécurité sociale pour les personnes envisageant un emploi à l'étranger. "Avec un diplôme, au lieu d'un simple PDF, nous obtenons un identifiant vérifiable qui structure les données pour certifier qu'une université spécifique a accordé ce diplôme à un individu précis", détaille Joao Rodrigues Frade. "La preuve est directement transmise au portefeuille électronique de l'étudiant."

Ensuite, vient la traçabilité des produits, comme les aliments ou médicaments, en assurant leur provenance par le biais d'un jumeau numérique. Le troisième domaine d'application concerne la vérification des accréditations pour les services en ligne cherchant à opérer légalement.

Conforme aux directives européennes sur la cybersécurité et la protection des données, la confidentialité des données est respectée. "Aucun document personnel n'est conservé sur la blockchain", assure Rodrigues Frade. "Seule une signature électronique attestant de l'authenticité d'un document y est inscrite."

21 inititatives

L'infrastructure complète de l'EBSI fonctionne de manière décentralisée: chaque nœud est contrôlé par un Etat-membre. Il est possible pour un Etat-membre d'opérer plusieurs noeuds à la fois, par exemple pour les confier à différents ministères. Il revient ensuite à chaque opérateur de noeuds la responsabilité d'octroyer des droits d'accès. Par exemple, le ministère de l'Education peut accorder aux universités le droit d'inscrire des informations sur la blockchain.

Jusqu'à présent, 21 initiatives issues de 18 pays européens ont été lancées, disposant d'un accès en avant-première à l'EBSI. Ces pionniers ont conçu des solutions adaptées aux besoins tangibles du secteur éducatif. Un projet d'envergure est le "pilote multi-universitaire", porté par deux alliances universitaires européennes et 11 établissements de différents pays. Collectivement, ils ont élaboré six scénarios transfrontaliers visant à moderniser le secteur académique. Le Passeport Européen de Qualifications pour les Réfugiés (EQPR) illustre également la valeur ajoutée de la blockchain. Destiné aux réfugiés et déplacés souhaitant étudier ou travailler en Europe sans les documents requis, ce système numérise les démarches via une plateforme basée sur la blockchain. Grâce à l'EBSI, les réfugiés peuvent partager de manière rapide, anonyme et sécurisée, leurs qualifications avec les institutions éducatives, employeurs et autres entités européennes.

Afin de favoriser l'adoption de la blockchain par les Etats-membres, la Commission a inauguré à Bruxelles un "centre d'expérience" afin de présenter des applications concrètes. "Il est crucial pour nous d'éduquer et de démontrer comment cela fonctionne", insiste Rodrigues Frade. "Trop souvent, les gens entendent parler de blockchain mais ont du mal à accéder à des informations limpides et fiables."