Déjà commercialisée en Allemagne, en Espagne et aux
Etats-Unis, la technologie des courants
porteurs en ligne (CPL) fait l'objet de tests depuis plusieurs années en
France. Des expérimentations
ont eu lieu à Courbevoie,
à Geisswasser en Alsace, dans le Pays Chartrain, ou
encore à la Haye du Puits dans la Manche. Deux petits
villages situés dans la Haute Vallée d'Aspe, tout près
de l'Espagne dans les Pyrénées-Atlantiques, l'ont également
mise en uvre, en l'associant au satellite et au Wi-Fi.
Il est vrai que cette technologie offre quelques avantages, le principal étant de permettre la diffusion d'offres "quadruple play" par le biais de la prise électrique : énergie, Internet,
téléphone et télévision. Par ailleurs, le CPL est exploitable à la
fois à l'échelle des réseaux domestiques (indoor) et
des réseaux métropolitains (outdoor). Dans le premier
cas, cette technologie d'accès Internet concurrence
le Wi-Fi ; dans le deuxième, elle concurrence l'ADSL.
Enfin, appliqué à la boucle locale, le CPL permet, en pratique,
des débits symétriques partagés de 25 Mb/s, pour une
"grappe" de 100 à 200 foyers environ. Son déploiement
est rapide, puisque seuls les transformateurs basse tension (équivalent des répartiteurs
pour l'ADSL) doivent être équipés, pour un coût de quelques milliers d'euros
l'unité.
Le projet CPL de la Haute Vallée d'Aspe a été sélectionné
par la région Aquitaine, dans le cadre de son Programme
Régional d'Actions Innovatrices (PRAI), dédié au développement
de la Société de l'Information. Lancé en 2002, il a été doté d'un budget de 200.000 euros financé
par les fonds FEDER, le Conseil régional, l'Etat et
la CDC (Caisse des dépôts et consignation). Cette enveloppe a permis de mettre en place une infrastructure
multi-technologies utilisant le satellite, le CPL et
le Wi-Fi pour parcourir les derniers mètres nécessaires
au raccordement des maisons les plus isolées.
Une promesse tenue puisque depuis quatre mois, les deux villages de Etsaut et
Borce, 100 habitants chacun, disposent du haut
débit. Ce qui a passablement changé les comportements
des autochtones, comme le rappelle Pierre-Yves Pose,
président de l'Association Haute Aspe : "Tous les habitants
de moins de 30 ans ont acheté un ordinateur, même ceux
qui n'y touchaient pas avant. Certains voisins qui ne
s'adressaient pas la parole auparavant discutent aujourd'hui
par chat ou par email."
Pierre-Yves Pose qui, outre ses activités d'éleveur
et de loueur d'ânes, gère un gîte d'étape équipé en
Wi-Fi dans le village d'Etsaut, s'est retrouvé parachuté
à la tête de l'Association Haute Aspe, la structure
locale qui a mené le projet haut débit, car il avait
créé lui-même son site Internet il y a plusieurs années.
Une trentaine de testeurs répartis sur les deux villages
profitent actuellement gratuitement d'un débit de 1Mb/s.
A l'issue de l'expérimentation, prévue pour durer 18
mois, la phase commerciale devrait prendre le relais.
"Si c'était aujourd'hui, nous commercialiserions l'abonnement
aux alentours de 20 euros", déclare Pierre-Yves Pose
qui concède que sans aucune subvention, il serait difficile
de tenir.
La baisse des tarifs n'est d'ailleurs pas à l'ordre du jour. Plusieurs éléments freinent encore le déploiement du
CPL à l'échelle industrielle. Car si ses performances
techniques ont été validées par plusieurs expérimentations,
EDF R&D reconnaît sur son site Web le besoin de
faire passer les débits crêtes à 100 Mb/s. Par ailleurs, le cadre
réglementaire ne facilite pas les choses :
pour qu'EDF puisse faire transiter des données sur son
réseau électrique, il faudrait qu'il abandonne son principe
de spécialité et qu'il obtienne une licence d'opérateur.
Sa filiale EDEV CPL Technologie, dédiée au CPL et créée
en mai 2003, ne souhaite d'ailleurs pas s'exprimer sur
le sujet, par crainte de "donner l'impression d'être
potentiellement opérateur". Car ce statut l'amènerait, de fait, à court-circuiter France
Télécom sur la boucle locale.
A cela vient s'ajouter trois autre contraintes majeures : l'absence de normalisation sur les équipements
outdoor (alors que la norme HomePlug existe pour l'indoor),
le prix de revient des équipements, et le calcul difficile
de la rentabilité comparée à celle de l'ADSL. "EDF
n'est pas certain de la rentabilité du CPL, car il n'a
pas de visibilité sur le marché, explique Stéphane Lelux,
directeur du cabinet de conseil Tactis. Or, le marché
ne pourra démarrer que si les FAI commencent à communiquer,
ce qui n'est possible que si EDF se décide à équiper
ses réseaux. En effet, il n'y a pas de dégroupage sur
le réseau électrique. EDF a le monopole tant
qu'il possède la concession des communes."
Certains signes vont néanmoins dans le sens d'un déploiement
progressif du CPL : le gouvernement, par le biais du
CIADT du 3 septembre 2003, a exprimé sa volonté d'expertiser
la possibilité de recourir au CPL pour relier des zones
non desservies par un service d'accès à l'Internet haut
débit. Par ailleurs, une quarantaine d'équipementiers
au niveau mondial sont dans les starting blocks. Parmi
eux, Schneider Electric Powerline Communications, présent
en France, Alterlane (dont EDF possède une partie du
capital), ou encore Mainnet. Enfin, le CPL représente
un relais potentiel de croissance pour les acteurs de
l'électricité, dans un marché libéralisé.
Les autres volets de l'enquête
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