Christophe Charle (MyDesign) "Les fablabs de MyDesign vont révolutionner la distribution"

Le fondateur de Cdiscount lève le voile sur sa nouvelle aventure : des corners en grande surface où les clients peuvent personnaliser une très large gamme d'articles.

JDN. Vous avez créé MyDesign en 2005 puis l'avez intégré à Images Corp, que vous avez fondé en 2011 après avoir cédé à Casino vos dernières parts de Cdiscount. Après que Carrefour a pris 50% de son capital, fin 2013, MyDesign a commencé à placer des corners dans ses hypers. En quoi consistent-ils ?

Christophe Charle, PDG de MyDesign © S. de P. MyDesign

Christophe Charle. Ce sont des espaces où les visiteurs peuvent personnaliser une large variété de produits - prêt-à-porter, décoration, accessoires, fournitures scolaires…-, ceci avec leurs messages, leurs photos, ainsi que les images des licences de Carrefour et de nos catalogues, Disney ou Getty par exemple.

Au début, nous fabriquions les produits dans l'usine d'Images Corp et les acheteurs devaient patienter quelques jours avant de venir les récupérer en magasin. Cela marchotait, sans plus. Nous avons donc changé de fonctionnement et, depuis six mois, nous ouvrons de vrais fablabs, des unités de production qui regroupent plusieurs petites machines. De cette façon, les clients peuvent emporter immédiatement leurs créations. Ce modèle va donc à l'encontre des circuits longs de la grande distribution qui, pour schématiser, fait fabriquer en Chine et propose une offre très peu variée. Nous rafraîchissons tout cela.

Qu'en retire Carrefour ?

De proposer une offre nouvelle sur le non-alimentaire ! Prenez la décoration. Les hypers n'en vendent plus, l'offre a basculé sur Internet. MyDesign leur permet de la récupérer, avec une offre et un service meilleurs qu'en ligne.

Combien de fablabs opérez-vous actuellement ?

Un à Mérignac, un aux Ulis et un à Madrid, tous les trois dans des magasins Carrefour. Nous allons en ouvrir douze de plus en France à la rentrée puis suspendrons les ouvertures en novembre et décembre, grosse période d'activité dans la grande distribution. Une nouvelle salve interviendra début 2016 pour nous mener entre 60 et 80 à la fin de l'année prochaine.

Tous chez Carrefour ? Ou comptez-vous signer des partenariats avec d'autres distributeurs ?

Carrefour a l'exclusivité de nos services pour les grandes surfaces alimentaires, mais nous discutons effectivement avec d'autres acteurs. Nous annoncerons ainsi fin septembre un partenariat avec un grand distributeur. Et nous avons plein d'autres projets. Par exemple, nous pourrions travailler avec des parcs d'attraction, pour lesquels nous fabriquerions des produits dérivés personnalisés.

"Nous commencerons fin septembre à imprimer des livres à la demande"

Prévoyez-vous d'ouvrir des boutiques MyDesign indépendantes ?

Nous ne l'envisageons pas actuellement. Pour l'instant ce serait trop complexe.

Quelles sont les prochaines familles de produits que vous proposerez ? Pensez-vous à l'impression 3D ?

Bien sûr. Aujourd'hui, la technologie n'est pas assez efficace et la qualité des produits n'est pas suffisante. Mais très bientôt, ce sera le cas. A ce moment-là nous l'intégrerons à nos fablabs, ce qui nous permettra d'ouvrir d'autres catégories encore, comme le jouet.

Dans l'immédiat, nous nous apprêtons à équiper un magasin Carrefour fin septembre avec une nouveauté : les livres, que nous pourrons imprimer à la demande. Sur le marché du livre, la longue traîne est très importante. 700 000 livres se vendent chaque année en France, mais les best sellers n'en représentent que 25%. Or c'est bien parce qu'un magasin ne peut stocker la totalité des références qu'Amazon a pu se développer. Nous ramenons donc cette offre dans la distribution physique tout en supprimant 50% de l'insatisfaction liée aux commandes en ligne : la livraison.

La dimension personnalisation sera également présente. On peut très bien imaginer une gamme enfant permettant d'imprimer son prénom en couverture ou de l'inclure à l'histoire.

Avez-vous signé des partenariats avec des éditeurs ? Quant aux œuvres tombées dans le domaine public, les commercialiserez-vous à des prix très bas ?

Nous parlons actuellement avec eux. Que-Sais-Je, par exemple, nous a dit oui. Et peu importe si tous les éditeurs ne sont pas à bord dès le lancement. Comme je l'ai vu chez Cdiscount avec le DVD, un autre produit culturel, ils nous rejoindront progressivement. Concernant les œuvres du domaine public, notre stratégie n'est pas encore finalisée.

Nous voulons arriver très vite à 100 millions d'euros de CA

Quel est le rôle du site Web de MyDesign ?

MyDesign.com sert avant tout notre stratégie crosscanal. Typiquement, pour certains produits plus complexes à réaliser, comme les pêle-mêle de plusieurs photos, les clients préfèrent le plus souvent les composer tranquillement depuis chez eux. Ce rôle essentiellement crosscanal du site nous permet en outre de peu nous soucier de marketing – pas besoin de Google, les clients du site sont ceux de Carrefour – ou de logistique, puisque les commandes sont pour la plupart retirées en magasin.

La personnalisation possède-t-elle vraiment le potentiel qu'on lui prête depuis plusieurs années… sans voir de chiffres de ventes le corroborer ?

Personnaliser un produit ne consiste pas uniquement à lui apposer sa photo, or c'est déjà un vrai marché. Cela peut être un guide touristique adapté aux niveaux de prix et de standing qu'indique l'acheteur. Ou un personnage Disney sur un cartable. Ou tout simplement tel ou tel Que-Sais-Je. C'est permettre à chacun d'accéder à ce qu'il souhaite dans la longue traîne. Et il y a un marché pour cela aussi. Mais c'est également de la pré-personnalisation : on vous aide à fabriquer votre pêle-mêle en assurant tout le graphisme autour de vos photos. Bref cela ouvre tous les possibles. C'est à cela que je crois.

Combien de références proposez-vous aujourd'hui et quel est votre panier moyen ?

Nous proposons environ 200 articles allant de 3 à une centaine d'euros. Notre panier moyen approche 20 euros en magasin et 30 euros sur MyDesign.com.

Recherchez-vous de nouveaux financements, auprès de Carrefour ou ailleurs ?

Nous cherchons toujours à lever des fonds. Je crois énormément à ce projet, donc je veux aller vite, prendre des parts de marché et devenir leader. Pour cela, il faut des moyens. Si un fonds d'investissement nous approche demain, nous regarderons s'il peut nous aider, par exemple pour nous développer à l'étranger. Mais notre partenaire numéro 1, c'est Carrefour. Donc tout se fera avec son accord.

Images Corp affichait l'an dernier un chiffre d'affaires de 10 millions d'euros. Quelle part en réalisait MyDesign et quelles sont vos ambitions pour les années à venir ?

Pour l'instant MyDesign démarre, donc nous sommes tout petits. Surtout en regard des 85 milliards d'euros de chiffre d'affaires de Carrefour ! Mais nous pensons pouvoir révolutionner la distribution. Nous voulons donc arriver très vite à 100 millions d'euros.

Christophe Charle est le fondateur et PDG de MyDesign. Diplômé de l'Université Paris Dauphine en 1989, il crée d'abord la société Scopus, qui fabrique des badges magnétiques et à cartes à puce. En 1998, il fonde Cdiscount avec ses frères Hervé et Nicolas. En 2000, ils en cèdent 51% au groupe Casino, qui monte progressivement au capital du site marchand jusqu'à 100% en 2011. Christophe Charle, qui avait déjà lancé MyDesign en 2005, fonde alors Images Corp, dont il est toujours le PDG.

Fablab MyDesign dans l'hypermarché Carrefour de Mérignac © S. de P. MyDesign