Yariv Abehsera (Travelski) "Nous verticalisons notre métier en allant jusqu'à l'hébergement"

Travelski a racheté 9 agences immobilières cette année pour se positionner comme le guichet unique des vacances à la montagne, explique son patron.

Que devient Travelski ?

Légende par défaut © S. de P. Travelfactory

Depuis un an nous faisons évoluer le business model de Travelski. Pour mieux maîtriser la qualité de l'expérience client, nous verticalisons notre métier en allant jusqu'à l'hébergement. Cette année, nous avons donc racheté 9 agences immobilières à la Plagne, aux Arcs, à La Rosière, à Tignes, aux Menuires et au Corbier. Cela correspond à 1 000 appartements dont Travelski assure la gestion directe. Ce n'est pas tout, puisque nous avons aussi conclu un partenariat qui nous confère la gestion exclusive de 1 000 autres appartements dans les Hautes-Alpes, à Serre Chevalier, Montgenèvre, Vars Risoul et Puy-Saint-Vincent. A Serre Chevalier par exemple, nous gérons 300 lots, ce qui fait de nous le plus gros acteur de la station.

L'an dernier, nous avions déjà fait l'acquisition de SkiDiscount et de SkiMoinsCher pour nous renforcer sur le matériel de ski. Enfin, afin de poursuivre notre internationalisation, nous avons encore signé une acquisition la semaine dernière : celle du tour-operator belge Skiline.be, qui affichait entre 5 000 et 6 000 clients la saison dernière. Pour notre part, nous avons enregistré 55 000 clients, pour un chiffre d'affaires en croissance de 8% à 70 millions d'euros pour TravelFactory, la maison-mère de Travelski.

 

Quel est l'objectif de cette verticalisation ?

Le client a beaucoup changé. Il est plus informé et plus exigeant qu'avant, et il veut un accueil et une expérience personnalisés. Qu'il n'y ait pas de rupture dans la chaîne de valeur a donc beaucoup de sens. Il y a quatre ans, nous n'avions que deux points de contact avec les clients : l'acte d'achat et la fidélisation. Aujourd'hui, nous fournissons plusieurs étapes supplémentaires de la prestation, dont l'hébergement qui est clé pour nous. De cette façon, nous pouvons remettre la clé et le skipass en même temps au client qui arrive en station. Cela lui fait gagner du temps et retire un point très anxiogène d'organisation. Nous allons pouvoir industrialiser cela avec nos agences. Plus largement, verticaliser le produit sur toute la chaîne de valeur nous permet de démultiplier notre relation avec le client, en faisant émerger Travelski comme le facilitateur des séjours à la montagne.

 

Cette stratégie vous permet aussi d'apporter une réponse à l'essor du tourisme collaboratif….

En effet, car avec Travelski, au bout, il y a un professionnel, qui vous attend avec la clé même lorsque vous êtes retardé sur la route et qui reste disponible toute la semaine. Ce point de contact, cette personnalisation et, globalement, le fait que nous ne fournissons pas juste l'appartement mais toutes les vacances à la montagne, constituent un vrai facteur de différenciation par rapport à la fois aux résidences de vacances traditionnelles et au CtoC. Or ce dernier segment occupe bien 30% du marché de l'hébergement à la montagne, en regroupant le CtoC visible – en particulier via Airbnb, Abritel-Homelidays et Leboncoin – et le CtoC invisible.

 

Où en est votre internationalisation ?

Entre la guerre et les déboires du rouble, l'Ukraine, que nous avions lancée en hiver 2013, est un peu en stand-by. Nous sommes en croissance pour la saison 2015-2016, mais les volumes restent faibles. L'Israël, relancé l'an dernier en joint-venture avec un acteur local, marche en revanche très bien. Toute la saison, un avion va tourner entre Tel Aviv et Chambéry pour emmener les vacanciers à Val Thorens. Nous allons peser 15% du marché israélien en France cette saison, qui au total devrait s'élever à 18 000 skieurs.

Notre verticalisation va aussi nous aider à l'international

Et dorénavant, nous allons beaucoup travailler la Belgique et la Hollande. Au début de notre internationalisation, nous avions évité ce genre de marchés saturés. Mais en particulier grâce à Skiline, nous allons maintenant nous y intéresser. D'abord pour aller chercher les skieurs hollandais qui actuellement se rendent à plus de 70% en Autriche. Bref, nous continuons étape par étape, mais attendons une grosse accélération en 2016 grâce à la Belgique et aux Pays-Bas. Ensuite, ce sera sans doute le Royaume-Uni ou l'Espagne.

En outre, notre verticalisation va nous aider. D'abord parce que ces consommateurs matures recherchent ce type d'offre tout-en-un. Mais aussi car ne plus avoir qu'un seul point de contact lorsqu'on organise des vacances dans un pays qui parle une langue différente a énormément de valeur.

 

Où en êtes-vous sur le mobile ?

Nous sortons cet hiver la V2 de l'application Travelski. Elle n'est pas marchande, mais multiplie les fonctionnalités qui vont en faire le couteau suisse de nos clients en station. Nous allons encore étoffer les bons plans, les contenus, les webcams, etc. Nous rajouterons peut-être aussi des tutoriels, du type "comment mettre des chaînes sur les pneus d'une voiture". Tout pour casser les points anxiogènes ! L'avant-séjour sera également présent, au travers d'une fonction de coaching sportif de remise en forme montée en partenariat avec Karine Lemarchand.

Mais la grande nouveauté sera la cartographie 3D des domaines skiables de 8 stations. Il sera possible de s'y positionner, de mesurer sa vitesse de descente en station, de voir ses amis, de se donner rendez-vous à tel restaurant d'altitude, de s'envoyer les pistes à prendre pour s'y rendre en fonction du niveau de chacun, sans oublier tout l'aspect communautaire. L'appli est gratuite et utilisable aussi par les gens qui ne sont pas clients de Travelski. Nous voulons que notre appli devienne le Waze de la montagne ! L'hiver dernier, un cinquième de nos clients l'avait déjà téléchargée. Cette nouvelle cartographie communautaire devrait nous permettre d'accélérer encore l'enrôlement.

 

Yariv Abehsera, 44 ans, est président de Travelfactory, qui regroupe Travelski, Locatour et Golden Voyages. Titulaire d'un DESS d'ingénierie financière de Sorbonne Paris I et d'une maîtrise en économie politique et gestion, il débute sa carrière en banque d'affaires chez SPB-Groupe Hervet, puis intègre en 1997 le département analyse de la Société parisienne de Banque (HSBC de Baecque Beau). En 2000 il crée Golden Voyages, spécialiste de voyages pour groupes et étudiants, puis le groupe TravelFactory. En 2005 il lance Travelski avec Olivier Abergel. Les deux hommes détiennent encore 72% du capital du site, dont les 28% restants sont la propriété de Capital Management. En 2009 il lance Declicfrance et Espanaclic. En 2010, Travelfactory rachète les marques Locatour et Snotour suite à la liquidation de la société Le Tourisme Moderne, afin d'ouvrir sa distribution aux agences de voyages. En mars 2013, Declicfrance et Espanaclic sont intégrés à Locatour, spécialiste de la location de vacances en France et en Espagne. Toujours en 2013, Travelski s'étend à l'international, en Ukraine, Israël, Belgique et Pays-Bas.