Yoshiki Yasui (Origami) "Origami séduit les grandes marques qui ne veulent pas être sur les grandes marketplaces"

L'app de social shopping de cette pépite japonaise s'impose face aux géants de l'e-commerce et mise sur le online-to-offline et son système de paiement pour continuer de grandir.

JDN. Origami a été lancé en avril 2013 et a depuis levé 22 millions de dollars, ce qui en fait l'une des start-up japonaises les mieux financées. Que proposez-vous exactement ?

Yoshiki Yasui, PDG fondateur d'Origami © S. de P. Origami

Yoshiki Yasui. Origami est une application mobile et sociale d'e-commerce qui donne accès à une marketplace comptant 1 500 marques partenaires. On se connecte, on voit ce qu'aiment ses amis, on suit des marques, on navigue dans leurs boutiques, on reçoit des recommandations basées sur son historique et on achète en un clic. Les marques ont leur propre flux et poussent des produits à ceux qui les suivent. L'expérience est donc très différente d'Amazon. Le taux de réachat est excellent pour l'e-commerce puisqu'il s'élève à 40%. Et nous sommes extrêmement performants vis-à-vis des réseaux sociaux. Nos marques obtiennent sur Origami entre 2 et 10 fois plus de followers que sur l'ensemble de leurs réseaux sociaux.

Quelle est la barrière à l'entrée d'un service comme le vôtre ? Pinterest et The Fancy n'ont pas réussi à évoluer en marketplace mais ne craignez-vous pas qu'un Rakuten vous balaie en un instant ?

La barrière à l'entrée n'est pas technologique. Cela fait trois ans que nous parlons aux gouvernements, aux marchands et à divers partenaires pour mettre en place le service. C'est une avance importante sur d'éventuels nouveaux entrants.

Quant à Rakuten, il a essayé de lancer une app comme la nôtre mais la mayonnaise n'a pas pris. Il travaille surtout avec des petites marques et des petits marchands. A l'inverse, sur Origami, vous trouvez des grands noms qui veulent contrôler leur marque… et ne surtout pas être sur Rakuten ou Amazon. Ce sont d'ailleurs nos marques qui font le succès d'Origami, bien plus que notre côté social ou notre fonctionnement en flux. Si nous avons décidé de ne pas construire une marketplace classique, c'est simplement parce que nous pensons que le scroll est supérieur au search. Par exemple, à Ginza (le quartier des boutiques de luxe à Tokyo, NDLR), vous entrez dans un magasin parce qu'il vous inspire confiance et que le quartier vous inspire confiance, mais vous n'auriez pas trouvé la même chaise si vous l'aviez recherchée en ligne. Nous reproduisons cela.

Vous venez également de vous lancer offline avec une solution de paiement in-store. Pourquoi ?

Le marché e-commerce japonais, qui pèse environ 100 milliards d'euros en 2016, va doubler d'ici 2020. Mais surtout, le online-to-offline accélère enfin et va permettre d'accéder à un marché plus de dix fois plus gros, celui des ventes de détail. C'est celui qui nous intéresse. A l'heure actuelle, le marchand qui reçoit un paiement en liquide ne sait pas qui est son client, ce qu'il achète ni comment l'inciter à revenir. A moins que le client ne paie avec son mobile. C'est la raison pour laquelle nous venons de lancer Origami Pay, qui permet aux utilisateurs de notre app de payer en boutique avec leur smartphone en l'approchant simplement de la tablette du marchand.

"Pour accepter Origami Pay, il suffit d'Internet et d'une tablette"

Lors d'un achat classique en magasin, l'enseigne ne récupère en moyenne que 10% d'informations clients et lorsqu'elle les relance par mail, elle ne touche que 10% de ceux-là. Avec Origami Pay, nous orientons les clients vers les boutiques, leur permettons de payer, acquérons toutes les données du ticket de caisse, les fournissons au marchand et pouvons envoyer aux acheteurs des offres ciblées et des messages personnels. Nous touchons ainsi 30% à 40% des clients au lieu de 1% dans le premier cas, et de façon plus efficace.

Comment se fait l'intégration d'Origami Pay chez les marchands ?

Elle est très simple. Contrairement à Square, qui nécessite de changer tout le système de caisse, pour accepter Origami Pay il suffit d'Internet et d'une tablette. C'est pour cette raison que Square n'est choisi que par les petits marchands et que nous signons les grandes enseignes, qui jamais ne changeraient tout leur système de caisse pour ajouter un nouveau moyen de paiement.

Comment vous positionnez-vous par rapport à Apple Pay ?

Notre proposition de valeur est différente. Si vous payez en magasin avec Apple Pay, l'enseigne ne pourra pas vous suivre, sur les réseaux sociaux par exemple. Si vous payez avec Origami Pay, nous créons de la data, nous la monétisons avec de la publicité, qui en retour nous permet de financer des offres. C'est profitable à tout le monde.

"Nous allons construire cette activité de paiement en nous appuyant sur nos marques"

A combien s'élève la commission que vous prélevez ?

A 3,25% du montant des transactions. C'est inférieur ou égal aux commissions que le marchand doit verser aux émetteurs de carte bancaire mais nous lui apportons des données clients, nous nous assurons que les consommateurs paient avec Origami Pay pour pouvoir les suivre, nous leur offrons des promos et apportons du repeat-business. Visa et Mastercard détiennent aussi toutes ces informations, mais elles ne les utilisent pas, à part pour leur propre programme de fidélité.

Même avec une proposition de valeur différente, comment allez-vous vous faire une place au milieu de tous les nouveaux moyens de paiement mobiles et sans contact déjà très présents au Japon ?

Nous disposons déjà d'une importante base d'utilisateurs, qui ont rentré leurs informations de paiement dans l'app. Et pour lancer Origami Pay, nous leur offrons 5% de rabais sur les achats. Cela peut sembler beaucoup mais cela reste très inférieur aux budgets marketing que Visa et Mastercard dépensent simplement pour que vous choisissiez leur carte.

Quelle est la prochaine étape pour Origami ?

Dès le début, je voulais monter une entreprise de paiement. Mais il fallait bien commencer quelque part. Nous nous sommes donc concentrés sur la vente sur mobile de grandes marques de mode et lifestyle. Désormais, nous allons construire notre activité de paiement en nous appuyant sur ces marques, qui détiennent les meilleurs emplacements du secteur de la vente de détail.

Concrètement, nous allons développer le nombre des marques partenaires d'Origami Pay au Japon (une centaine aujourd'hui, NDLR), en incluant les grands retailers, les grands magasins, les grandes surfaces alimentaires, les enseignes de mode… Cela va concentrer la plupart de nos efforts pour les deux prochaines années. Nous allons aussi étoffer les services d'Origami Pay. Une belle annonce en matière de transfert d'argent est notamment prévue d'ici six mois à un an. Enfin, nous réaliserons un nouveau tour de financement puis lancerons l'international.

Yoshiki Yasui est le fondateur et PDG d'Origami. Né à Toronto, Yoshiki Yasui a vécu à Toronto, à New York, dans la Silicon Valley, à Sydney et à Tokyo. Diplômé de l'université Waseda à Tokyo et de l'université de Sydney, il débute sa carrière en 2007 dans la banque d'invsetissement Lehman Brothers, puis passe au venture capital en 2010 chez Doll Capital Management. Fort de son expérience d'investisseur, il fonde Origami en 2012.

Et aussi