E-commerce : faut-il fabriquer ses propres produits pour survivre ? Pré-requis, dangers et limites du modèle

Fabriquer les produits que l'on commercialise a beau présenter nombre d'avantages, ce métier ne s'improvise pas non plus. "Vous avez besoin, au commencement, d'une réelle expertise en design et en fabrication, avant même le sourcing", met en garde Arnaud Vanpoperinghe. Chez Tikamoon, ce rôle est dévolu au fondateur Xavier Vincent, qui fabriquait déjà des meubles avant de se lancer dans l'e-commerce. Arnaud Vanpoperinghe se charge pour sa part du branding et de la distribution. "Si vous intégrez l'ensemble de la chaîne, il vous faut l'ensemble des savoir-faire, aussi bien en matière de production que de distribution, insiste Marc Menasé. S'il vous manque un maillon, tout tombe par terre."

Gérer la croissance

Parmi les principaux défis à relever par les sites marchands verticalement intégrés, le directeur associé de Tikamoon note qu'il est très important de croître rapidement. "En avançant l'argent nécessaire à l'achat des matières premières, nous finançons nos partenaires. Il est donc important de rentabiliser cet investissement dans le sourcing, le design et la fabrication par des ventes importantes."

Or même Tikamoon, dont le chiffre d'affaires a été multiplié par huit en trois ans, estime que ce n'est pas chose facile. D'abord, comme n'importe quel e-commerçant, parce que la croissance est jalonnée de paliers difficiles à dépasser. Et d'autre part parce que les fournisseurs du site, également de petite taille, doivent grandir eux-aussi.

Un périmètre par nature restreint

arnaud vanpoperinghe, directeur associé de tikamoon
Arnaud Vanpoperinghe, directeur associé de Tikamoon © S. de P. Tikamoon

Pour qu'un site monomarque devienne pertinent sur son offre, il doit rester concentré sur son segment et ne pas diversifier son offre, juge Marc Menasé. "C'est de cette façon que l'on peut être perçu avec la légitimité d'un spécialiste. Le client sait alors qu'il sera mieux servi que sur un site non spécialiste. Et de toutes manières, imposer un produit unique dans un site généraliste est trop dur."

Seconde limite : un site verticalement intégré touche encore plus rapidement les contours de son périmètre. "A l'inverse de nos concurrents dans le meuble, qui sont à la recherche de l'offre la plus large possible, nous ne vendons quasiment que ce que nous produisons", explique Arnaud Vanpoperinghe. Ainsi, lorsque Tikamoon décide de couvrir la famille des meubles TV, il les décline dans toutes les essences de bois et les prix pertinents, afin de remplir toutes les facettes de la catégorie. In fine, les meubles TV regrouperont entre 50 et 100 références. "Au total, nous ne dépasserons donc jamais 1000 références. Lorsque nous toucherons les contours de ce modèle de meubles massifs vendus sur Internet, nous croîtrons à la même vitesse que le secteur de l'e-commerce de meubles."

Le levier de l'international

Le relais de croissance principal de ces sites devient alors l'international. Actif depuis trois ans en Allemagne, qui pèse déjà 25% de son chiffre d'affaires, Tikamoon compte ainsi étendre son activité d'ici la fin 2014 au Royaume-Uni, en Italie et en Espagne. "Or l'intégration verticale fait partie des atouts de l'e-commerçant qui s'étend à l'étranger, souligne Arnaud Vanpoperinghe : nous apportons quelque chose de nouveau sur le marché que nous allons investir." Le bénéfice du levier international serait donc encore meilleur pour les sites marchands qui fabriquent leur propre offre.

L'exemple des marques propres du site marchand britannique de mode Asos, qui pèsent 50% de son chiffre d'affaires, semble confirmer cette hypothèse, puisqu'elles représentent 65% de ses ventes à l'international et jusqu'à 70% aux Etats-Unis (lire l'interview de son PDG Nick Robertson : "Nous avons toujours su qu'Asos serait accueilli favorablement en France", du 22/03/2013).