Xavier Garambois (Amazon.fr) "Notre priorité est de poursuivre l'élargissement de notre offre."

Amazon.fr multiplie les ouvertures de nouvelles boutiques, visant comme aux Etats-Unis l'exhaustivité de son catalogue. Une stratégie qui fait croître de 19 % en un an le chiffre d'affaires groupe. Les explications du DG France.

JDN. Que s'est-il passé sur Amazon.fr ces derniers mois ?

 

Xavier Garambois. Depuis 2007, nous accélérons les ouvertures de nouvelles boutiques. Nous avons d'abord lancé "jeux et jouets", "cuisine et maison" et "montres et bijoux". En 2008 nous avons ajouté une offre "écrans et téléviseurs" au rayon électronique grand public. Ces produits, comme les télévisions à grand écran, nous ont obligés à développer un mode de livraison particulier. En 2009, nous avons ouvert une boutique de fournitures de bureau - de l'ordinateur aux rubans adhésifs en passant par les logiciels - et en juin, une boutique "beauté et soin du corps". Vient évidemment s'y ajouter notre boutique de téléchargement Amazon MP3, lancée le 10 juin. (Lire l'interview de François Nuyts : "Amazon MP3 propose plus de 5,5 millions de titres sans DRM en France", du 10/06/2009.)

Fnac.com vient de proposer 500 albums en MP3 à 2,99 euros, comme vous. Comment voyez-vous le marché du téléchargement de musique ?

Il recèle des opportunités immenses, nous n'en sommes qu'aux prémices de la vente de fichiers musicaux. D'autant qu'une grande partie des clients est prête à dépenser quelques euros, j'en suis convaincu. A nous de faire en sorte que les prix soient bas, car c'est cela qui développera le marché. Quant à l'offre de Fnac.com, je suis certain aussi que toute concurrence est bonne pour développer le marché. Or la concurrence sera dure. Nous devons donc améliorer le modèle économique et travailler avec les majors.

Quelles sont les prochaines boutiques que vous allez ouvrir ?

Il nous reste beaucoup à faire dans l'équipement de la maison, en particulier dans les meubles et la décoration. Nous ne sommes pas non plus présents dans l'équipement de la personne : textile, puériculture, chaussures... En France, nos boutiques recouvrent une douzaine de catégories de produits, contre une quarantaine aux Etats-Unis, où Amazon vend par exemple des voitures et de l'épicerie. Cela montre le chemin à parcourir.

Comment choisissez-vous dans quels domaines vous lancer ?

Nous décidons des ouvertures en fonction des opportunités et de la demande locale : nous regardons la taille et l'évolution des marchés, la présence d'acteurs, si les fournisseurs sont fragmentés ou regroupés, ce que veut la clientèle... Nous ouvrons aussi nos boutiques de proche en proche : si nous vendons de l'électronique grand public depuis trois ans, nous pouvons sans risque nous mettre à vendre aussi de l'électroménager. De même que les livres pour enfants nous ont menés aux jouets. L'objectif est d'être dans le peloton de tête des retailers de chaque activité où nous nous lançons.

"C'est parce que le catalogue est exhaustif que les clients reviennent"

Plus globalement, nous restons convaincus qu'il faut offrir le plus de choix possible aux clients. Il y a un vrai créneau à être présent tout le temps, par exemple en ne vendant pas des jouets qu'à Noël. Parallèlement à cet élargissement des gammes, nous les approfondissons donc. Ceci même sur les livres, pourtant la catégorie la plus ancienne : nous cherchons des petits éditeurs, des livres étrangers, établissons des partenariats pour les livres anciens... Nous allons chercher la longue traîne du catalogue. Car même si elle ne représente pas de grosses ventes, c'est parce que le catalogue est exhaustif que les clients reviennent.

La tendance semble au développement des places de marché. Comment se porte la vôtre ?

Nous sommes rentrés dans cette activité en 2003, c'était dans nos gènes. Ce qui ne veut pas dire que ce ne soit pas très contraignant. Sur une même fiche article peuvent cohabiter à la fois l'offre d'Amazon et l'offre d'un autre marchand, peut-être moins chère et disponible plus rapidement. De plus, maintenir un catalogue propre est un exercice très compliqué. Par ailleurs, il nous faut sans cesse jongler avec les prix. Ainsi, si nous achetons un stock d'appareils photo et que le lendemain, un autre marchand se met à vendre le même 10 % moins cher sur notre propre site, juste à côté de notre appareil, c'est dur ! Nous avons donc appris à accepter la concurrence sur notre propre site.

Quels nouveaux services avez-vous lancés dernièrement ?

Depuis novembre 2008 nous proposons aux marchands tiers un programme "Expédié par Amazon". Ces PME envoient leur stock à notre entrepôt d'Orléans et nous prenons en charge pour eux toute la chaîne logistique. Il y a environ 50 000 e-marchands en France, qui n'ont pas tous une logistique très professionnelle. Ce programme permet d'obtenir une bonne satisfaction client puisque la qualité du service est la même que pour les produits Amazon. Aujourd'hui, plusieurs centaines de marchands utilisent cette plate-forme, notamment des marchands étrangers souhaitant vendre en France.

"Qu'il s'agisse d'e-commerce ou de commerce n'a plus d'importance. Ce qui compte, c'est le positionnement."

Nous avons aussi lancé en novembre notre programme Premium, qui existe depuis quelques années aux Etats-Unis sous le nom de Prime. En échange d'un abonnement de 49 euros par an, toutes les commandes sont livrées en 24 heures et au plus tard en 48 heures pour quelques zones. Même si nous livrons gratuitement à partir de 20 euros de commande, Premium est très apprécié : être livré en 24 heures est souvent très adapté aux produits que nous vendons.

Constatez-vous un impact de la crise sur votre activité ?

En France, la consommation des ménages pour les produits de consommation courante est stable depuis le début de l'année, puisqu'elle n'a augmenté que de 0,5 %. De plus, l'e-commerce connaît globalement une croissance de 20 %. En outre, les clients recherchent de plus en plus des prix bas : c'est d'après la Fevad la première préoccupation des cyberacheteurs. Vu notre positionnement, nous ne sentons donc pas d'effet très négatif de la crise. Au premier trimestre 2009, le chiffre d'affaires groupe a d'ailleurs augmenté de 19 % par rapport à la même époque l'an dernier, ceci même dans les pays où la situation est plus compliquée, comme aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Il est vrai que le marché y est de plus en plus mature, mais qu'il s'agisse d'e-commerce ou de commerce n'a plus vraiment d'importance. Ce qui compte, c'est le positionnement des commerçants.

En quoi consiste votre politique de communication ?

Elle se limite à très peu d'actions. Nous ne faisons pas de communication institutionnelle traditionnelle et ne voulons pas faire de publicité dans le métro, la presse ou à la télévision. Ces montants, nous préférons les investir sur le long terme, dans les baisses de prix et la livraison gratuite. Elle nous coûte en effet très cher : 800 millions de dollars en 2008 au niveau du groupe. Pour faire venir du trafic, nous achetons des mots clés et avons un réseau d'affiliation important. Mais c'est tout.

Quels sont les enjeux majeurs d'Amazon.fr aujourd'hui ?

La priorité est de poursuivre l'élargissement de notre offre. Or ce n'est pas toujours évident. Prenez le secteur de la beauté et de la parfumerie : ce sont des réseaux très bien établis... L'autre priorité étant bien sûr de maintenir une plate-forme de qualité et isolée de la fraude.