Jean-Baptiste Rudelle (Criteo) "La performance et le volume exigent une grande puissance de calcul"

Criteo s'apprète à recruter une centaine d'ingénieurs supplémentaires en 2011 pour son pôle recherche et développement basé à Paris. Son fondateur, Jean-Baptiste Rudelle, explique ses objectifs.

JDN. Vous allez recruter une centaine d'ingénieurs et doubler l'effectif de votre centre de recherche en France. Qu'est-ce qui motive un tel investissement ?

Jean-Baptiste Rudelle. Le marché du reciblage publicitaire display est très concurrentiel, en particulier aux Etats-Unis où nous avons ouvert une filiale début 2010. La différence se joue sur les volumes et la rentabilité des solutions proposées. A ce titre, deux points nous distinguent et nous ont permis de percer rapidement outre-Atlantique. D'une part Criteo est capable de personnaliser les bannières sur des volumes très importants. Nous vendons en moyenne 6 milliards de bannières par mois à nos clients, toutes différentes. Notre modèle est celui de la performance, nous cherchons donc à optimiser les taux de clics et de conversion. D'autre part, nous vendons tout notre inventaire en temps réel, quand de nombreux d'acteurs vendent à prix fixe, sans garantie sur la rentabilité des bannières. Cela demande une grosse infrastructure technique. Pour ces deux raisons, nous avons besoin d'une technologie à la pointe, d'une grande puissance de calcul, et de nombreux chercheurs.

Et vous êtes satisfait de votre modèle économique ?

La performance et le volume nous permettent d'apporter de la valeur aux clients. Ainsi nous avons pu nous installer dans 16 pays, y compris en Asie, en l'espace de deux ans. Le CPC a aussi le mérite d'être simple à expliquer pour des marchés qui sont tous au diapason de Google. Et c'est un modèle d'autant plus rentable que nous atteignons des volumes considérables. Nous ne communiquons pas sur la croissance de la société mais si nous embauchons 100 ingénieurs, vous comprenez que nous avons du cash à réinvestir. En 2010, nous avons multiplié par trois le nombre de clients, par 10 le nombre de clics, et par 11 les ventes générées par ces clics.

Où comptez-vous recruter vos nouvelles équipes ?

En France. Nous avons un centre de management à Palo Alto, en Californie, de grosses équipes à Londres et à Munich, mais notre siège et notre centre de recherche sont en France. Par ailleurs c'est un atout de pouvoir proposer aux Etats-Unis une technologie française. Nous avons déjà conquis de nombreux pure-players de l'e-commerce US. Enfin, en France, les mathématiciens et statisticiens de talent présentent un bon rapport qualité prix.

Les talents ne sont-ils pas souvent aspirés par les salaires de la finance ?

Notre principal adversaire pour recruter les meilleurs ingénieurs est le secteur de la finance, qui peut proposer des rémunérations plus attractives. Nous essayons de nous aligner quand c'est nécessaire. Mais surtout, ceux qui viennent chez nous sont attirés par les problématiques passionnantes d'Internet et des nouvelles technologies. D'autre part la finance a moins la cote aujourd'hui.

La protection des données de navigation est un sujet de plus en plus sensible, notamment aux Etats-Unis. Est-ce que c'est une menace pour vous ?

La protection des données des internautes est un sujet légitime que nous n'avons jamais négligé. En particulier, nous proposons un modèle fondé sur la performance donc nous avons tout intérêt à être transparents. En Europe nous intégrons systématiquement à nos bannières des liens optout, qui explicitent quelles données nous enregistrons, et de quelle manière. Nous n'utilisons pas de données personnelles, mais uniquement des données de navigation. Les récentes déclarations de la Federal Trade Commission aux Etats-Unis pour protéger les internautes vont accélérer le processus d'entente entre les acteurs du secteur. Ils vont devoir établir des règles communes.

Jean-Baptiste a co-fondé Criteo en 2005, aux côtés de Romain Niccoli et Franck le Ouay. Il en est aujourd'hui le CEO. Dans les années 2000, il a fondé et dirigé le spécialiste des contenus mobile Kiwee, racheté en 2004 par American Greetings Interactive. Auparavant, Jean-Baptiste Rudelle a occupé des postes de consultant pour Roland Berger et Arthur D. Little. Il a commencé sa carrière comme ingénieur chez Philips et Lucent.