L’IPTV 2.0 deviendra-t-elle réalité grâce au Très Haut Débit ?

Tout comme le Web, l’IPTV peut être également suffixée "2.0" dans la mesure où elle apporte suffisamment de nouveautés à ses clients au travers des conditions techniques actuelles. L’annonce du déploiement du Très Haut Débit (THD) en France peut l’y aider.

Afin de lever toute ambiguïté, précisons de prime abord que l'acronyme IPTV ne désignera ici que la fonctionnalité de "Télévision par ADSL" de nos offres, désormais communes, triple play. En France, en cumulant les déclarations parfois confuses des six FAIs concernés (Orange, Free, Neuf Cegetel, Alice, Club Internet, Darty), on dénombre au début du printemps 2007 entre 1,5 et 2 millions d'usagers IPTV, très majoritairement via leur bouquet de chaînes gratuites. L'IPTV 1.0 a donc vu le jour en décembre 2003, grâce aux bonnes fées qu'ont été Free et le couple TPS/France Télécom, et elle s'apprête à connaître une seconde jeunesse.
 
En effet, l'IPTV s'est quelque peu essoufflée, bridée par de "sombres" contingences technologiques et financières dont voici quelques exemples : 
 
- Potentiellement accessible à seulement 40 % des foyers français, l'IPTV s'avère trop coûteuse à déployer sur le reste de la population n'habitant pas le coeur des villes ;
- De surcroît, si vous habitez à plus de 3 kilomètres de votre noeud de raccordement abonné (NRA), vous ne pouvez bénéficier de l'IPTV (cela peut même survenir en région parisienne !) car la qualité de l'image est fortement dégradée, voire le flux inaccessible étant donné le trop fort affaiblissement du signal ;
- L'arrivée de la haute définition impose d'être encore plus proche de son NRA, ce qui réduit d'autant la population adressée ;
- Le développement de nouveaux services à valeur ajoutée autour de l'IPTV progresse lentement à cause du "business model" très serré des offres triple play, qui n'autorise que des possibilités limitées d'investissement supplémentaire. 

L'espoir du FTTH 
Un nouvel essor pourrait néanmoins venir du FTTH, principale incarnation* du Très Haut Débit français. Cette technologie "Fiber To The Home", qui amène la prise "Fibre" directement chez le client, agite actuellement beaucoup les FAI, les équipementiers télécoms, les collectivités locales ou encore le régulateur qu'est l'ARCEP. En effet, bénéficier du haut débit symétrique (même vitesse sur les voies montante et descendante) à 100 mgbits/s laisse rêveur... Mais quels services justifient une telle débauche de puissance ? C'est là que l'IPTV pourrait revenir en force avec de nouvelles possibilités qui justifieraient son estampillage "2.0". Jugez-en plutôt : 
 
- La télévision haute définition, celle encodée en mpeg-4 à 11 mgbits/s, trouverait là un véritable support, après son lancement quasi-confidentiel sur l'ADSL par Orange en juin 2006 ;
- Le double ou triple-flux qui permet de regarder 2 ou 3 programmes différents au sein du même foyer serait enfin possible (comme sur le satellite) ;
- Le développement de services interactifs nécessitant du débit (contenus auto-générés, jeux évolués, EPG vidéos...) pourrait décoller après trois ans de quasi-indifférence, alors que des dizaines de services existent sur le satellite. La voie de retour pourrait être pleinement utilisée !
 
Et tout ceci, simultanément avec un débit Internet non bridé et toujours le téléphone illimité ! Maintenant, ne soyons pas trop pressés. François Loos a effectivement annoncé que 4 à 5 millions de foyers auraient accès au THD... en 2012, sachant que de nombreux problèmes doivent être résolus. En effet, le FTTH ne bénéficie pas des mêmes facilités que le dégroupage ADSL qui s'est basé sur le réseau existant de l'opérateur historique. Le régulateur a donc pu ouvrir à la concurrence ces infrastructures déjà établies (NRA, paires de cuivre desservant les abonnés, etc.), ce qui a permis de voir l'apparition d'offres triple play au tarif très agressif de 30 euros/mois et de pouvoir changer facilement de FAI.

Réseau ouvert ou fermé ?
Au contraire, une véritable bataille a démarré autour du déploiement "fibre" car le réseau reste entièrement à créer. Free, Neuf Cegetel et Orange ont déjà annoncé leur offre (principalement sur Paris...) mais les collectivités locales ainsi que l'ARCEP se démènent pour que ces groupes n'établissent pas des "monopoles fermés" dans les zones qu'ils câbleront, ce qui aurait, par exemple, pour effet de ne disposer que d'une seule offre dans un immeuble donné. Pour ne pas voir se développer ce type de situation que l'on rencontre couramment aux Etats-Unis, les Hauts-de-Seine mènent un projet de réseau de service public (fibre noire) dont la procédure de délégation a été lancée l'année dernière. Ce réseau "ouvert" aux différents FAI, comme pour l'ADSL, pourrait être terminé en 2013 et couvrir tout le département.
 
En parallèle de ces initiatives territoriales et d'une régulation à mettre en oeuvre, il faut savoir que le coût de raccordement d'un abonné est déjà deux fois plus élevé à Lyon qu'à Paris, M. Haussmann y ayant bâti un réseau d'égouts particulièrement accessible qui évite des travaux trop importants de génie civil pour passer les fourreaux de fibre.

La fracture numérique n'a donc pas fini de faire parler d'elle, car l'on voit mal un déploiement massif du THD au-delà des principales agglomérations françaises où la densité de la population sera insuffisante pour rentabiliser les investissements nécessaires. Mais ne boudons pas le plaisir de ceux qui sont déjà ou seront câblés THD : pour eux, aucun doute, l'IPTV sera bien 2.0 !

 
* Contrairement à d'autres pays européens comme l'Allemagne ou les Pays-Bas qui ont choisi une solution mixte FTTC (Fiber To The Cabinet, liaison fibre jusqu'au sous-répartiteur dans la rue) + VDSL (Très Haut Débit asymétrique en moyenne à 27 Mgbits/s sur une paire de cuivre), la France a opté directement pour le FTTH car son rapport NRA/sous-répartiteur ne plaide pas en faveur du FTTC.