Le téléspectateur "co-producteur" à l’heure de la télévision participative

Jusqu’ici l’offre de télévision reposait sur un choix restreint de chaînes, une diffusion en flux linéaire, une audience collective et passive. Dans les prochaines années, à l’instar du Web 2.0 participatif, la TV 2.0 va émerger avec des programmes à la demande.

L'évolution du PAN, le Paysage Audiovisuel Numérique, est intimement liée au concept de désintermédiation. Plus de 13 millions de foyers sont connectés au haut débit en France. Les producteurs peuvent proposer directement leurs contenus aux consommateurs en vidéo à la demande sur Internet ou sur les "box" raccordées aux téléviseurs.

Dans ce monde non-linéaire, les chaînes de télévision, intermédiaires incontournables à ce jour, voient leur position d'agrégateur de programmes et d'audience se fragiliser. C'est pourquoi elles cherchent à nouer des relations directes avec les téléspectateurs. Le service public a ainsi ouvert son "Club France Télévisions", comme un commerçant offrirait des cartes de fidélité à ses clients.
 
Les diffuseurs doivent désormais accroître leur dimension de média participatif pour susciter l'adhésion des consommateurs aux programmes sur l'ensemble des plates-formes de distribution (TNT, câble, satellite, ADSL, fibre optique, mobile, VOD, podcast, peer-to-peer légal). Chaque chaîne tente d'impliquer son public avant, pendant, et après la diffusion des programmes. Un échange qui se cristallise dans la "co-production" de contenus entre téléspectateurs et professionnels, sans contrepartie financière.

Comment mettre en oeuvre cette télévision participative ?
En amont de la diffusion, dès la phase de conception d'une émission, le public est sollicité dans la prise d'idées. Qu'il s'agisse de scripts envoyés, de votes sur le site Web, ou encore de vidéos personnelles auto-produites. Depuis 4 ans, le public alimente "Les films faits à la maison" de Canal+. Sur TF1, Jean-Pierre Pernaut demande aux téléspectateurs d'envoyer leurs reportages amateurs pour son JT de 13 heures.
 
Durant la diffusion TV, sur certains formats événementiels ou d'information, le public est amené à intervenir dans le programme sur le plateau ou à donner son avis en direct grâce à des services interactifs comme le SMS, un site Web ou une webcam.
 
Enfin, après sa diffusion TV, un programme connaît une seconde vie. Une émission entretient sa notoriété sur le Web, le mobile ou le téléviseur au travers des "box" ; accroît la fidélisation à la marque par une newsletter dédiée ; génère des revenus additionnels en vidéo à la demande. Elle continue même à enrichir son contenu périphérique, si l'on considère sa dimension participative sur le Web. Le programme audiovisuel n'est plus figé. Avec les blogs, forums et vidéos partagées, il devient un hypermédia que les téléspectateurs nourrissent avec leurs contributions.
 
Sans tomber dans les excès d'une démocratie participative télévisée, il devient essentiel pour les chaînes de "co-produire" leurs programmes avec les téléspectateurs. La valeur d'usage d'un média, avec ses équipes de professionnels, réside dans sa capacité à structurer, éditorialiser, promouvoir des contenus, surtout lorsqu'ils sont générés par des amateurs. Avec la montée en puissance du mode participatif, on revalorise le sens premier du mot "média" en lui rajoutant une dimension de communication bidirectionnelle.

Cette TV 2.0 est clairement une opportunité de renouveau pour les éditeurs de chaînes. Encore faut-il qu'ils la saisissent. Sinon, ce sont les infomédiaires comme les distributeurs de services audiovisuels dématérialisés (Orange, Free, CanalSat, SFR, Joost) ou les sites Web communautaires (Yahoo, MSN, YouTube, DailyMotion, MySpace) qui capteront la valeur de l'interaction avec les téléspectateurs. Par leur contact quotidien avec les utilisateurs finaux, ces infomédiaires seront à même d'influencer la consommation audiovisuelle, en direct ou en différé, et de la monétiser.

Les professionnels du contenu, encore réticents à partager leur savoir-faire et parfois repliés sur leurs corporatismes, n'ont d'autre choix que de s'organiser autour de médias participatifs pour toujours mieux informer, éduquer et divertir leur public.